Comprendre ce que veut dire un chien quand il aboie : un rêve de longue date pour de nombreuses personnes. Grâce aux avancées récentes en intelligence artificielle (IA), ce « fantasme » semble désormais un peu plus proche de la réalité.
Une fenêtre sur le langage animal
Une équipe de chercheurs de l’Université du Michigan a présenté en juin 2024 une étude prometteuse lors de la Conférence internationale conjointe sur la linguistique informatique, les ressources linguistiques et l’évaluation. Leur objectif ? Utiliser des technologies issues du traitement de la parole humaine pour analyser les vocalisations canines. À l’origine de ce projet, un constat simple : les chiens communiquent, mais leur langage reste encore largement inaccessible à l’être humain. Pour Rada Mihalcea, directrice du laboratoire d’IA de l’université, cette étude représente une avancée majeure :
« Les progrès de l’IA peuvent être utilisés pour révolutionner notre compréhension de la communication animale. Notre recherche ouvre une nouvelle fenêtre sur la manière dont nous pouvons exploiter ce que nous avons construit jusqu’à présent en matière de traitement de la parole pour commencer à comprendre les nuances des aboiements des chiens », a-t-elle expliqué à la BBC
Cette démarche s’appuie sur des modèles informatiques déjà éprouvés, conçus à l’origine pour la reconnaissance vocale humaine. Capables de détecter les variations de ton, de hauteur et d’accent, ces modèles ont été réadaptés pour traiter des données acoustiques issues d’aboiements.
L’IA peut-elle vraiment « lire » les émotions d’un chien ?
Les scientifiques se sont demandé jusqu’où il était possible d’aller. L’IA peut-elle identifier si un chien est stressé, enjoué ou méfiant ? Aussi : peut-elle déterminer son sexe, sa race, voire son âge uniquement à partir de ses vocalisations ?
Pour tenter d’y répondre, l’équipe a analysé les aboiements de 74 chiens, enregistrés dans divers contextes. Le volume sonore, le timbre, ou encore la structure acoustique ont été minutieusement passés au crible. L’objectif : voir si les modèles d’IA pouvaient établir des corrélations précises.
Une précision de 70 %
Les résultats sont encourageants. D’après Artem Abzaliev, auteur principal de l’étude, l’IA a réussi à identifier les caractéristiques des chiens avec une précision de 70 %. Un score loin d’être anodin, compte tenu de la complexité des données en jeu : « Les vocalisations des animaux sont beaucoup plus difficiles à solliciter et à enregistrer que la parole humaine », a-t-il précisé à la BBC.
En effet, contrairement aux humains, les chiens ne peuvent pas être incités à « parler » sur commande. Les chercheurs ont donc dû enregistrer leurs vocalisations dans des environnements variés et spontanés, pour obtenir une base de données représentative.
Des applications concrètes pour le bien-être animal
Cette avancée ouvre des perspectives intéressantes. Si l’IA peut affiner l’interprétation des émotions ou de l’état de santé des chiens, elle pourrait devenir un outil précieux pour les vétérinaires, les comportementalistes ou tout simplement les humains de chiens soucieux du bien-être de leur animal.
D’un point de vue éthique, ces technologies pourraient aussi servir à mieux prévenir les situations de stress ou d’inconfort chez les animaux. À terme, elles pourraient également favoriser une meilleure compréhension interespèces et enrichir les interactions entre humains et chiens.
Si les résultats sont prometteurs, les chercheurs restent prudents. L’IA ne remplace pas l’observation humaine, et il ne s’agit pas encore d’une « traduction automatique » du langage canin. Néanmoins, cette étude démontre que des systèmes conçus pour comprendre la parole humaine peuvent désormais s’adapter à d’autres formes de communication acoustique. « Nos résultats montrent que les sons et les modèles dérivés de la parole humaine peuvent servir de base à l’analyse et à la compréhension des modèles acoustiques d’autres sons, tels que les vocalisations d’animaux, c’est très prometteur », a conclu Rada Mihalcea.