Avez-vous déjà comparé les prix des coupes de cheveux pour « homme » et celles pour « femme » ? Si c’est le cas, vous avez probablement remarqué l’importante différence de prix entre les deux. En effet, les femmes paient généralement plus cher en salon de coiffure. Voici pourquoi.
Taxe rose dans les salons : des chiffres révélateurs
Coiffure en lutte est un collectif lancé sur les réseaux sociaux en mai 2021 pour dénoncer les différences tarifaires entre les hommes et les femmes. En effet, les chiffres montrent que chez le.a coiffeur.se les femmes paient généralement plus cher que les hommes pour la même prestation.
Pour en arriver à ce constat, les chercheur.se.s ont comparé les forfaits « shampoing + coupe + séchage/coiffage » à longueur égale chez les hommes puis les femmes. On note que la moyenne nationale de ce forfait est de 20,46 € pour les hommes et de 30,07 € pour les femmes. Cela représente un écart de prix de plus de 46 %. Cette différence de prix ne semble pas trouver de justification objective. Lucie Bouteila, elle-même propriétaire d’un salon de coiffure unisexe à Bordeaux, le confirme au média Terrafemina :
« J’ai 30 ans, les cheveux courts depuis au moins 10 ans et j’ai toujours trouvé cette différence de tarifs entre les coupes hommes et les coupes femmes comme anormale. Souvent, j’en avais pour 45 à 50 euros alors que le client d’à côté qui voulait quasiment la même coupe que moi payait entre 25 et 30 euros »
Appliquer des tarifs en fonction du genre de la personne serait donc monnaie courante. Il semble d’ailleurs que les consommateur.rice.s se sont résigné.e.s à cette différence de prix, que les salons de coiffure justifient par de nombreux arguments.
Une tradition dictée par des codes anciens
Cette idée reçue selon laquelle il est normal qu’une coiffure coûte plus cher pour les femmes persiste. Les coiffeur.se.s expliquent cela par le fait qu’une coupe de cheveux pour homme requiert moins de temps, de travail et des techniques différentes. Ne serait-ce pas plutôt le cas d’une coupe de cheveux courte (traditionnellement attribuée aux hommes) ? Cet argument ne tient pas lorsque l’on constate que les femmes aux cheveux courts paient plus cher que les hommes avec l’exacte même coupe de cheveux.
D’autre part, la société considère que les femmes sont plus susceptibles de dépenser davantage pour les services de beauté. C’est le fruit d’un héritage patriarcal aux clichés réducteurs qui veut que les femmes « paient pour être belles ». Elles seraient donc prêtes à payer plus, car plus concernées par la beauté. Pourtant, les hommes aussi vont aussi chez le.a coiffeur.se pour faire leurs mises en beauté capillaire…
Les temps ont changé
Ainsi, la différence de prix entre ces prestations saute aux yeux. C’est moins le cas de la différence de travail fourni. Il est clair que la différence de prix est genrée même lorsque la prestation, le temps et la technique sont les mêmes.
L’explication fondée sur la longueur de cheveux ne suffit plus comme excuse. Elle appartient à une société révolue qui voulait que les hommes aient les cheveux courts. Désormais, chacun.e varie les longueurs à sa guise. La mode est même aux cheveux longs chez les hommes et les femmes n’hésitent plus à couper court. Plutôt que de différencier le prix d’une coiffure selon le genre, il serait donc cohérent de se baser sur la prestation précise. Dans une tribune publiée sur Konbini, la journaliste Ariane Nicolas désigne les salons de coiffure parmi les services les plus inégalitaires.
« Pour s’occuper de mon gazon d’en haut, il faut la même dose de shampooing, le même nombre de ciseaux, le même temps de séchage (environ 32 secondes), la même machine à CB, le même stylo pour noter le rendez-vous… »
Ainsi, les prix chez le.a coiffeur.se souffrent de la taxe rose. Elle désigne la différence de prix entre les genres pour un produit ou un service similaire. Pour un même produit, celui destiné aux femmes sera généralement vendu plus cher que celui destiné aux hommes. C’est une pratique si normalisée qu’elle passe souvent inaperçue. Pour lutter contre cela, le compte Instagram Pépites Sexistes s’est donné la mission de les dénoncer.
Des tarifs non-genrés : les initiatives se multiplient
De cette discrimination naît la nécessité de mettre en place une base de tarifs non-genrés. Nos voisins européens nous montrent que des solutions existent. En Autriche par exemple, le Médiateur pour l’égalité des chances demande à calculer les prix en fonction du travail effectué plutôt que du genre.
À Zurich, le salon Mad Hairstyling de Marc Menden, est un pionnier dans « genderless pricing » (système tarifaire non-genré), comme le rapporte le quotidien 20 Minutes Suisse :
« Nous ne faisons pas de différence. Le prix dépend de ce qui est fait, pas par qui. Nous n’incluons pas de produits sujets à la taxe rose dans notre gamme. Les hommes n’ont pas besoin d’une cire ou d’un shampoing différent de celui des femmes »
Sa consœur, Simone Rigliaco, est propriétaire du Salon Liquid. Sa politique genderless pricing prend ses racines dans les discriminations faites aux femmes, mais aussi à la communauté LGBTQIA+.
« Souvent, les personnes non-binaires sont ignorées. S’iels vont dans un salon, iels doivent s’assigner à un genre ou sont assigné.e.s par le.a coiffeur.se. Avec notre système, nous leur offrons un espace sûr. Une coupe de cheveux n’a pas besoin de genre »
En France, quelques salons de coiffure s’emploient à avoir une approche inclusive et égalitaire. Rares sont les grandes enseignes qui proposent des tarifs cheveux longs et courts, sans question de genre. De même, la majorité des salons de coiffure indépendants ne sont pas très inclusifs. Malgré tout, certain.e.s coiffeur.se.s ont décidé de mettre fin à ce règne.
Par exemple, Toni & Guy est un salon parisien qui fixe ses tarifs en fonction de la longueur et de la complexité de la coupe. Lucie Bouteila, quant à elle, est la propriétaire de Holy Cut, à Bordeaux. Elle a conçu ce salon sur le principe des tarifs non-genrés. Spécialisée dans la coupe courte, elle accepte tout le monde : hommes, femmes, transgenre, non binaire (etc.) sans aucune distinction tarifaire.
« La seule différence de tarif se fait en fonction de la longueur du cheveu, de la technique de la coupe, du temps que j’y passe. Dans mon salon, il n’y a pas de discriminations de genre »
Ces initiatives nous le prouvent : l’ère patriarcale à l’origine de la taxe rose est en déclin. Dépréciée de toute part, il est temps de la bannir du secteur des services de beauté. Les salons de coiffure en sont l’exemple parfait, car après tout, comme Marc Menden le rappelle : « Les cheveux sont des cheveux, quelle que soit la tête sur laquelle ils poussent ».