De l’oval lining au brownie glazed lips, les tendances make-up des lèvres s’étalent en masse sur la toile. Après deux années à croupir dans nos trousses de toilette, le rouge à lèvres est de nouveau sur toutes les bouches. Et cette renaissance esthétique n’est pas si anodine.
À la moindre crise, les ventes connaissent un sursaut phénoménal. C’est ce que l’on nomme le Lipstick Effect, alias l’effet rouge à lèvres. Quand le porte-monnaie voit rouge, les lèvres se parent de leurs plus belles couleurs. Un phénomène surprenant que l’on décrypte pour vous.
L’effet rouge à lèvres, qu’est-ce que c’est au juste ?
La crise économique laisse des traces, et pas seulement sur le compte en banque. C’est ce que suggère l’effet rouge à lèvres. Malgré cette période d’incertitudes financières, la frénésie des cosmétiques bat son plein. Et cette curieuse habitude, remise au goût du jour avec l’inflation actuelle, n’est pas inédite. Elle a été constatée pour la première fois aux États-Unis pendant la récession du début des années 2000.
Théorisée par Leonard Lauder, descendant d’Estée Lauder sous le nom de « lipstick index », cette furieuse envie de maquillage s’esquisse d’abord comme un indicateur économique. Selon ses explications, plus la crise augmenterait, plus les ventes de rouges à lèvres s’envoleraient. Une idée rapidement rangée aux oubliettes pour son manque de fiabilité.
À contrario, l’effet rouge à lèvres, lui, a fait l’objet d’analyses psychologiques très sérieuses. Et c’est loin d’être de la poudre de perlimpinpin. En temps de crises, la ruée vers les produits de beauté souligne un certain désir de réconfort, un besoin de décompresser. À chacun.e sa thérapie. Ainsi en 2008, année de crise mondiale, les ventes de L’Oréal ont bondi de 5,3 %.
Bâton magique pour refaire une beauté à l’estime de soi, le rouge à lèvres permet alors de compenser un quotidien fait de restrictions. Et cet effet rouge à lèvres, estompé derrière les masques pendant la crise sanitaire, revient en flèche avec l’inflation qui défigure les bourses.
Les ventes de rouge à lèvres en hausse depuis l’an dernier
Depuis que la France a fait tomber le masque, les gens se bousculent au rayon rouge à lèvres et s’arrachent les nouvelles sorties « vermillon » ou « rose canneberge ». Rien de mieux qu’un coup de stick pour rehausser le teint (et le moral). L’effet rouge à lèvres signe son grand retour, après plus de dix ans d’accalmie.
Si entre mars 2020 et mai, pleine période de confinement, les ventes de cosmétiques se sont écroulées de 53,4 %, les chiffres ont retrouvé un certain éclat. Selon le groupe d’études NPD, au cours de la semaine du 14 mars, soit la fin officielle du port du masque, les ventes de maquillage pour les lèvres dans le réseau sélectif ont enregistré une hausse de 30 %. L’Oréal, de son côté, se targue de frôler les 7 % de croissance au premier trimestre de l’année 2022.
Ce péché mignon girly, adulé par la gent féminine, a aussi une connotation esthétique très marquée. D’après les études psychologiques, le rouge à lèvres est le maquillage le plus primaire pour changer l’apparence d’une femme et booster son potentiel « séduction ». Mais méfiance, cette apologie du rouge essuie quelques travers « masculinistes ».
L’effet rouge à lèvres, une façon de reprendre confiance en soi ?
L’effet rouge à lèvres ouvre une parenthèse bien-être au milieu d’un grand brouillon financier. C’est indéniable. Au même titre qu’un bon repas au restaurant ou une virée au musée, le rouge à lèvres fait partie de ces achats « décomplexés » qui permettent de garder le moral.
Mais ce plaisir des lèvres semble avoir plusieurs sens cachés, tantôt salvateurs, tantôt péjoratifs. Le rouge à lèvres est « la première arme de séduction d’une femme », disait l’icône mode Coco Chanel. Elle avait visé juste. Selon une étude menée par CoverGirl en partenariat avec Harvard, celles qui arborent du rouge à lèvres quotidiennement prennent en moyenne 3 selfies par semaine.
Dégainer ce tube reviendrait à donner une seconde jeunesse à son estime. D’ailleurs, le rouge à lèvres fait aussi des miracles sur le regard des autres. D’après une étude de 2011 parue dans le New York Times, les femmes qui se maquillent sont perçues comme plus sympathiques, fiables et compétentes.
L’effet rouge à lèvres découle d’un shopping stratégique, inconscient. Si les femmes reprennent le pli du rouge à lèvres, c’est tout simplement parce qu’elles y voient un potentiel de réussite plus profitable. Problème : le rouge à lèvres, surtout écarlate, est saturé en connotations sexuelles. Teinte de la passion, mais aussi diabolique, le rouge à lèvres soulève la question symbolique.
Malgré ses 5 petits grammes, le rouge à lèvres est un grand allié des temps fades. Glissé confortablement dans une poche de notre sac à main, il garde de sa sublime même au plus bas. Cependant l’effet rouge à lèvres se fait doucement doubler par les fragrances, de plus en plus convoitées. Les ventes de parfums de 100 euros ou plus ont augmenté de +177 % entre 2019 et 2022 selon NPD.