Imaginez ouvrir votre trousse de toilette, en toute confiance, pour y trouver vos essentiels du quotidien : votre eye-liner préféré, ce baume à lèvres que vous adorez, ou encore ce masque capillaire qui promet une chevelure de rêve. Et si ces produits de beauté, en apparence inoffensifs, renfermaient en réalité des substances toxiques ? C’est le choc révélé récemment par une enquête de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), qui a analysé des milliers de cosmétiques vendus en Europe. Les résultats ? Troublants, et surtout, inquiétants.
Plus de 4 500 cosmétiques toxiques
Fin octobre, l’ECHA a publié un rapport qui donne matière à réflexion. Entre novembre 2023 et avril 2024, l’agence a scruté plus de 4 500 produits cosmétiques disponibles dans 13 pays européens. Parmi ces derniers, 285, soit environ 6 %, présentaient des traces de substances dangereuses interdites. Ces substances, appelées « polluants organiques persistants » (ou POP), sont bannies par la Convention de Stockholm et la législation européenne en raison de leurs effets délétères sur la santé humaine.
Pourtant, ces polluants se cachent dans des produits populaires comme les eye-liners, les crayons à lèvres, les après-shampooings et les masques capillaires. En plus de leur danger pour la santé, ils posent des problèmes environnementaux sérieux, puisqu’ils sont très résistants à la dégradation naturelle.
Les ingrédients problématiques pointés du doigt
Si l’on s’intéresse de plus près à cette enquête, certains noms d’ingrédients chimiques ressortent et méritent notre attention. Parmi eux :
- le diméthicone perfluorononyle
- le triéthoxysilane perfluorooctylethyle
- le carboxydécylethyl perfluorononyle PEG-10 diméthicone
- le cyclopentasiloxane (D5), le cyclométhicone (un mélange de D4, D5 et D6), et le cyclotétrasiloxane (D4)
Vous n’avez peut-être jamais entendu parler de ces noms barbares, mais ces composés ne sont malheureusement pas rares dans le monde des cosmétiques. Ce sont des ingrédients souvent utilisés pour apporter de la texture ou du toucher à un produit. Une sensation de douceur dans votre crème hydratante, par exemple, ou l’effet soyeux d’un après-shampoing.
Le problème, c’est qu’ils sont aussi des perturbateurs endocriniens et peuvent s’accumuler dans le corps et dans l’environnement au fil du temps, causant des effets néfastes. Les POP (polluants organiques persistants) ont un effet insidieux : ils s’infiltrent dans le système hormonal, perturbent la fertilité, augmentent les risques de cancer et peuvent même affecter le développement neurologique des enfants. De plus, certains de ces produits chimiques compromettent le système immunitaire, ce qui peut rendre une personne plus vulnérable aux infections.
Pourquoi ces substances se retrouvent-elles dans nos produits ?
Cette question mérite d’être posée. Comment ces substances peuvent-elles se retrouver dans des produits du quotidien en dépit de réglementations strictes ? D’abord, il faut savoir que les formulations cosmétiques peuvent être complexes et que des contaminants accidentels ou des résidus de fabrication peuvent entrer en jeu. Les procédés de fabrication ne sont pas toujours aussi purs que l’on pourrait l’espérer, et certaines substances peuvent se glisser dans la composition finale du produit, même si elles ne figurent pas dans la liste officielle des ingrédients.
Par ailleurs, des réglementations variables d’un pays à l’autre peuvent aussi expliquer en partie la présence de ces substances. Par exemple, un produit fabriqué hors de l’Europe peut ne pas respecter les mêmes normes que celles en vigueur sur le continent. De plus, certains fabricants contournent parfois les régulations en utilisant des ingrédients dérivés de substances interdites, qui se transforment ensuite en polluants dans l’organisme.
Comment protéger sa santé et celle de la planète ?
Éviter les produits contenant des POP n’est pas qu’une question de santé personnelle, mais aussi une démarche écologique. Ces polluants s’accumulent dans la nature, persistent dans les sols et les eaux, et peuvent même se retrouver dans les aliments que nous consommons. Ainsi, privilégier des produits sans substances toxiques contribue non seulement à notre bien-être, mais aussi à celui de l’environnement. Pour réduire les risques, adoptez donc quelques réflexes simples :
- Privilégiez les marques transparentes. Certaines marques ont fait le choix d’une liste d’ingrédients réduite, épurée de substances controversées, et d’une transparence totale. Privilégiez celles qui fournissent une information claire et honnête.
- Évitez les ingrédients aux noms complexes. Même si cela semble trivial, des noms chimiques compliqués peuvent être des indicateurs de substances problématiques.
- Vérifiez les certifications. Des labels comme Ecocert, Cosmébio ou encore Natrue indiquent que le produit répond à des normes strictes en termes de respect de l’environnement et de sécurité pour la santé.
- Soyez attentif.ve aux mises à jour des autorités. Les agences de santé publient régulièrement des rapports sur les substances problématiques et rappellent parfois des produits du marché.
- Utilisez des applications pour décrypter les étiquettes. Lire les étiquettes de ses produits cosmétiques n’est pas forcément le premier réflexe de tout le monde. Pourtant, cela pourrait bien être la première étape pour réduire son exposition aux produits toxiques. Yuka et d’autres applications peuvent être utiles pour éviter les ingrédients controversés. Elles sont précieuses pour décrypter la liste souvent intimidante d’ingrédients d’un cosmétique et identifier rapidement les substances indésirables.
À noter : tous les produits naturels ne sont pas nécessairement exempts de risque, et certains ingrédients d’origine naturelle peuvent être allergènes. Privilégier les produits naturels ou biologiques reste néanmoins une bonne habitude, car ils ont généralement moins de chances de contenir des POP et autres substances controversées.
Cette enquête de l’ECHA nous rappelle que le monde des cosmétiques n’est pas toujours aussi inoffensif qu’il le paraît. Et en tant que consom’acteur.rice vous avez un rôle clé à jouer dans cette prise de conscience collective : en étant vigilant.e, en exigeant plus de transparence, et en soutenant les marques qui adoptent des pratiques éthiques et responsables.