La guerre est un thème tristement intemporel. Depuis des siècles, les conflits armés déchirent des pays entiers et volent des milliers de vies humaines. Au total, 23 pays sont actuellement touchés par un conflit de moyenne ou forte ampleur. Ce chiffre a doublé en une décennie. La guerre est un monstre de société. Les civils sont les victimes collatérales de ces atrocités.
Raconter le plus indicible, c’est ce que font les films d’animation. Avec leur forme « légère », ils restent fidèles à ces scènes d’horreur endémiques. Douleur de l’exil, traumatismes, répressions constantes… voici 6 films qui abordent ces sujets sensibles avec doigté.
1 – Flee
Flee fait partie de ces films d’animation documentés qui nous touchent en plein cœur. Il raconte l’histoire bouleversante d’Amin, un réfugié afghan contraint de quitter son pays tombé entre les mains des talibans. Il a grandi dans le Kaboul des années 80. Encore empreint d’innocence, le jeune homme savoure son tendre âge. Mais sa candeur d’esprit sera brisée en mille morceaux par une guerre civile impitoyable. Sa ville natale devient un cauchemar à ciel ouvert et sa survie en dépend. Les forces islamistes faisant rage, en 1996, lui et sa famille décident de partir loin de cet enfer.
Cette fuite tortueuse, marquée par des traumatismes indélébiles, il la raconte face caméra, à la manière d’une interview. À 36 ans, il rembobine ses souvenirs imbibés d’amertume, pour la première fois. C’est ainsi que son parcours est conté. Des années d’errance en Russie à l’épanouissement au Danemark, Amin nous embarque au plus profond de son intimité.
Il a traîné un lourd secret : son homosexualité, encore considérée comme un crime dans son pays natal. Ce film d’animation qui mêle images d’archive cinglantes et dessins d’une grande douceur humanise les exilés. Pour Amin, la torture était aussi mentale. Cette homosexualité longtemps dissimulée freinait sa liberté.
2 – La Traversée
Village dévasté, civils sur le chemin d’une terre d’accueil plus viable, menace des coups de feu… Tous ces thèmes prennent vie sur le carnet de dessins de Kyona. Pour cause, elle et son frère Adriel ont baigné dans cette vie d’exil incertaine.
Chassés sur leur propre terre par un régime totalitaire sans pitié, ils ont dû tout reconstruire. Sur la route d’un avenir meilleur, la jeune protagoniste aux cheveux bouclés relate son épopée par la force de sa plume. Elle nous fait entrer dans ce tourbillon infernal. Les images poétiques contrastent avec la violence des événements.
C’est un tableau en constante mutation, comme un écho à ce tumulte permanent. D’une enfance volée à une vie d’adulte teintée de traumas, cette odyssée est portée par la couleur des émotions. Ce scénario d’une grande noirceur est pourtant lumineux. C’est un voyage initiatique éclairant où la magie de l’esthétique et la puissance des mots se rencontrent. La dure réalité éclabousse au visage, tout en finesse.
3 – Persepolis
Dans le Téhéran des années 70, Marjane a huit ans. Malgré son petit âge, elle a des ambitions plein les poches. C’est décidé, plus tard, elle sera prophétesse et sauvera le monde. C’est sur cette fillette aux grands rêves que s’ouvre ce film d’animation. Marjane, entourée d’une famille aimante, a tout pour être heureuse. Ses parents, ouverts d’esprit, intellectuels et avancés sur leur temps se montrent exemplaires avec leur petite. Puis vient la chute du régime du Chah qui se solde sur la création d’une République islamique stricte. Un premier bouleversement qui entraînera une lente descente du pays.
Marjane, avec son caractère fort et son côté rebelle, est à contre-courant du nouveau régime qui prône la domination masculine. La guerre contre l’Irak éclate, ses proches n’y résisteront pas. Ses parents, eux, prennent la décision de mettre Marjane en sécurité. Elle se retrouve alors, contre son gré, en Autriche.
Adolescente à la franchise décapante, Marjane cache en réalité de profondes blessures. Elle doit se faire une place dans ce pays d’adoption à un âge transitoire déjà compliqué. Ce film d’animation qui se vit en noir et blanc est pourtant flamboyant. Marjane, femme affirmée, nous est presque familière. Pour cause, cette histoire autour de la guerre est inspirée d’une histoire vraie.
4 – My favorite war
Dans les années 70, la Lettonie est secouée par la propagande soviétique sur fond de guerre froide. La population locale perd insidieusement le fil de la liberté et doit se plier à ce régime autoritaire. Au milieu de toute cette agitation, Ilze, la réalisatrice du film, n’est qu’une enfant.
Et pourtant, elle sera déjà mise à contribution pour honorer sa patrie. Dès les bancs de l’école, Ilze ne manie pas des crayons, mais des armes à feu. Elle n’apprend pas les bases des mathématiques, mais les tactiques pour tuer des gens. C’est dans ce climat d’intolérance et de haine qu’elle évolue.
Malgré cette éducation dopée à coup d’endoctrinement, Ilze tente de se sculpter son propre avis. Grâce à son esprit affûté, elle comprend vite que les promesses du pouvoir ne sont qu’un tissu de mensonges. Décidée à quitter ce rôle de marionnette qui l’empêche d’accéder à la liberté, à l’adolescence elle change de cap. Elle sillonne les manifestations et jette les affiches de propagande… C’est le début d’une nouvelle ère.
5 – Dans un recoin de ce monde
Ce film d’animation japonais retrace la vie de Suzu Urano, une fille d’Hiroshima. La ville est encore intacte à ce moment-là. Dès l’enfance, elle se glisse dans le rude monde du travail. Sa famille, plutôt modeste, cultive des algues et son aide sur le terrain est précieuse.
Malgré cette immersion précoce, Suzu garde sa pureté enfantine et laisse vibrer ses rêves sur des feuilles de papier. Au gré de l’intrigue, elle grandit et troque son nid familial contre un ménage à deux. Suzu est soumise à un mariage forcé et se retrouve alors à Kure. Cette ville portuaire abrite une base navale, un symbole de terreur pour la jeune femme.
Malgré ça, elle tente de trouver des repères dans ce quotidien loin des siens. Sa vie de couple essuie de nombreux déboires et pendant ce temps les premières bombes tombent du ciel. Suzu, rêveuse dans l’âme, voit son destin lui échapper doucement. La guerre du Pacifique rugit sur tout le Japon. Pire encore, en 1945, un bombardement va lui arracher ce qu’elle a de plus précieux. Loin de tomber dans le tragique, ce film d’animation, sous ses couleurs pastel, dépeint une réalité brute.
6 – Les Hirondelles de Kaboul
Kaboul, dévisagé par la guerre et mené d’une main de fer par les talibans est en miette. La mort flâne à chaque coin de rue. Les seules animations qui traversent la ville sont d’une cruauté inouïe. Entre les lapidations de femmes et les exécutions publiques, la terreur règne. Là où le moindre bruit semble suspect, il ne fait pas bon vivre. Les habitant.e.s qui ont décidé de rester sur-place y subissent un vrai calvaire. Mais malgré cet avenir qui semble sans issue, certain.e.s parviennent à garder le goût de l’espérance.
C’est le cas de Mohsen et son épouse Zunaira. Lui se rêve instituteur et serait prêt à braver les interdits pour transmettre un savoir juste aux enfants. Elle se passionne pour l’art et utilise les murs de sa maison comme support. Leur vie à deux bascule soudainement, à cause d’une ridicule infraction.
Zunaira se retrouve derrière les barreaux du tchadri, condamnée à la peine ultime. Kaboul devient le théâtre de tragédies glaçantes et injustifiées. Ce film d’animation primé à Cannes est un cri des tripes.
Avec son langage accessible, l’animation met en lumière des témoignages à visée intergénérationnelle. Le festival d’Annecy, qui s’est tenu en juin dernier, récompense d’ailleurs les meilleures créations de ce genre. Cette année, la guerre y occupait une place importante. « Charlotte » aborde par exemple le destin d’une jeune femme juive dans l’Allemagne Nazie. « Nayola« , lui, met en scène la guerre civile en Angola à travers le regard d’une femme. De belles pépites donc, prévues pour novembre prochain. Restez aux aguets !