L’alcoolisme au féminin : 7 livres qui brisent le tabou

Avec la crise en toile de fond, l’alcool coule à flots. Au total 46 % des Français·es auraient augmenté leur consommation pendant le confinement. Un chiffre glaçant qui tire la sonnette d’alarme. L’alcool est responsable de 36 500 décès chez l’homme, ce qui représente 13 % de la mortalité totale masculine, et de 12 500 décès chez la femme, soit 5 % de la mortalité totale.

Chez la gent féminine, cette addiction s’installe de façon plus insidieuse et se développe discrètement. Piégées dans les abysses de ce liquide ensorcelant, elles préfèrent en effet rester muettes pour ne pas s’attirer les foudres. La société étouffe cette dépendance au féminin. Dans la sphère littéraire, des ouvrages coups de poing renversent les idées reçues et estompent les tabous. Des femmes ont saisi la plume pour partager leur parcours cabossé. Voici notre sélection.

1 – Jour Zéro, Stéphanie Braquehais

Ce récit sans langue de bois nous plonge dans les profonds méandres de l’alcool. Au fil des pages, l’auteure Stéphanie Braquehais dresse un quotidien en demi-teinte. On pénètre dans un journal intime percutant et on assiste à une bataille acharnée contre l’addiction. Lassée des réveils poisseux, des trous noirs et des aigreurs d’estomac, la protagoniste décide de dire adieu à ces breuvages dangereux. Mais cette route vers l’abstinence est semée d’embûches et de remises en question. Cette histoire bouleversante est une sorte d’autobiographie. Avec des mots justes, représentatifs, honnêtes, parfois incisifs, l’auteure retrace son rude parcours. Du premier verre à la descente aux enfers, on découvre un mal-être silencieux qui s’installe de façon insidieuse. Stéphanie ausculte avec finesse et lucidité son passé mouvementé.

La dépendance s’amorce durant des fêtes arrosées. Puis, progressivement, le scénario se répète, jusqu’à ce que ces rituels ponctués de shots et de cocktails se transforment en habitude. L’alcool devient une échappatoire, un anti-dépresseur pour affronter les dures étapes de la vie. L’ivresse lui permet d’appuyer sur pause et de mettre les angoisses sous le tapis. Elle explore des notions de l’ombre. Ainsi, elle confirme que l’impossibilité de parler est tout aussi dévastatrice. Au-delà de ce travail d’introspection salvateur, l’auteure dresse un panorama de chiffres effarants au sujet de l’alcool.

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2 – Sans alcool, Claire Touzard

Claire Touzard, journaliste trentenaire est sobre depuis un an. Avec son livre, elle lève le voile sur un « alcoolisme mondain » presque banalisé. Lorsqu’elle voit son corps évoluer et ses attributs féminins se développer, Claire prend peur. En pleine quête identitaire, elle veut échapper à ces marqueurs qui la poussent brutalement vers l’âge adulte. Depuis sa tendre enfance, elle entretient un lien tumultueux avec le genre. Mais à la puberté, elle est confrontée à des changements hormonaux et se retrouve totalement désarmée. Elle a envie de piétiner cette féminité précoce. Pour fuir cette cruelle réalité, elle se réfugie dans l’alcool dès ses 16 ans. Claire voit en l’alcool, une façon d’incarner un personnage plus masculin, et elle se sent libérée de ces injonctions permanentes.

À travers son récit, elle plante la plume dans la plaie et brise les clichés. L’image caricaturale de la femme alcoolique complètement échevelée et peu soignée s’efface. Claire l’affirme : il n’existe pas de visage type pour illustrer l’alcoolisme. Elle a un « physique et une peau fiable » comme elle le décrit dans son récit, mais cette apparence n’est qu’une façade. Vue de l’extérieur, cette addiction reste presque invisible. Ces divers états d’ébriété la conduisent vers des aventures toxiques et des expériences dramatiques. Elle mentionne notamment la notion de consentement et confie avoir plusieurs fois échappé au viol. « Sans alcool » est le journal de son sevrage. Dans un pays qui fait couler le vin à flot, cette délivrance est loin d’être un long fleuve tranquille.

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3 – Toute honte bue, Laure Charpentier

À mi-chemin entre le support instructif et l’autobiographie, ce livre coup de poing est l’un des premiers à évoquer l’alcoolisme au féminin. Publié en 1981, il ne cesse d’être réédité tant il prend aux tripes. Cet ouvrage fait le brillant état des lieux d’une société bridée dans laquelle l’alcoolisme reste entouré de nombreux non-dits.

Les trois caractéristiques de l’alcoolisme au féminin restent la honte, la solitude et la clandestinité : encore aujourd’hui, 92 % des femmes alcooliques boivent en cachette et 46 % refusent d’en parler. L’auteure se raccroche à ce constat alarmant pour introduire ses propres déboires. Prise dans l’euphorie de l’ivresse, elle a l’impression d’être désinhibée et de créer du lien social avec plus de facilité. Mais cette exaltation passagère débouche aussi sur des lendemains laborieux. La mémoire flanche, le corps s’affaisse et les instants de lucidité s’estompent au fil des jours.

Dans une situation de grande détresse, elle préfère rester muette. Qu’est-ce que les autres vont penser de moi ? De quoi vais-je avoir l’air ? Pour ne pas se trouver face à des regards culpabilisateurs, l’auteure enferme ce secret dans sa prison spirituelle. Sur le plan psychologique, ce silence s’apparente à une véritable torture. Alors, pour voir la lumière au bout du tunnel, Laure se met une phrase en tête « Il faut que ça s’arrête ». Elle se détache de ce lourd fardeau et savoure de nouveau les délices de la vie.

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4 – L’alcoolisme au féminin, Laurent Karila

Le Professeur Laurent Karila, médecin psychiatre, spécialiste des addictions, s’est penché sur les multiples facettes de l’alcoolisme chez les femmes. À travers son ouvrage édifiant, il s’intéresse aux diverses conséquences de cette addiction chez un profil féminin. Son récit, appuyé par le témoignage de dix patientes, donne un coup de projecteur nécessaire sur les ravages de l’alcool. Des citations cinglantes viennent ponctuer les explications du spécialiste. Cette « addiction diabolique » laisse des séquelles, parfois indélébiles sur la santé. Laurent Karila met le doigt sur ces profondes cicatrices. Lorsque l’alcool coule à flots, l’état physique et psychique tombe à la renverse.

Après de longues années d’observation, l’auteur dresse un constat alarmant. Dans de nombreux cas, les femmes ne souhaitent pas se faire accompagner et préfèrent se taire. Le sentiment de culpabilité les ronge, elles se disent : « Je ne peux pas me faire hospitaliser, je dois être présente pour ma famille ». Cependant, cette décision retarde la prise en charge et accroît le développement de certains maux. Risques accrus de développer un cancer du sein, problèmes d’hypertension artérielle… autant de dangers qui sonnent, ici, comme un signal d’alarme. Loin du ton moralisateur, le Professeur esquisse des solutions et des recommandations pour s’extirper de cette situation cauchemardesque. Ce livre est un petit guide bienveillant qui déconstruit les tabous en douceur.

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5 – Longtemps, j’ai vécu avec une bouteille, Madeleine Melquiond

Chaque jour, la même routine se dessine et le même objet fétiche vient agrémenter les rudes journées. La bouteille d’alcool a remplacé les verres d’eau journaliers. Madeleine Melquiond, journaliste et formatrice décrit son histoire avec une force inouïe. Armée d’une plume vive et d’un ton teinté d’humour, elle décrit des scènes bouleversantes. Les repas de famille qui deviennent un véritable calvaire. Ces grandes tables recouvertes d’alcools l’isolent des rires et des conversations environnantes. Elle est obnubilée par ces breuvages foisonnants. À la maison, elle tente de trouver des planques efficaces pour dissimuler son addiction. Mais ses proches ne sont pas dupes. Lorsqu’ils évoquent le problème, Madeleine reste cloisonnée dans le déni.

Elle partage des anecdotes croustillantes, mais terriblement déchirantes. La nuit dans la cellule de dégrisement d’un commissariat, le cycle infernal des bonnes résolutions et des échecs à répétition… Autant d’aspects qui bouleversent le moral. En parallèle, les regards méprisants, les messes basses et autres critiques négatives pullulent dans la sphère publique. Toutes ces difficultés transpirent dans ce brillant ouvrage. Un récit courageux qui montre le vrai visage de l’alcoolisme au féminin.

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6 – L’alcool n’est jamais glamour, jamais, Josette Fresnel

« À nous deux, nous sommes Dieu », disait Baudelaire en parlant de l’alcool. Josette Fresnel, scientifique de formation, est aussi tombée entre les griffes de ce partenaire empoisonné. Pendant dix ans, cette dépendance lui a collé à la peau. Elle décrit avec habileté son violent plongeon dans ce monde parallèle aussi nocif qu’envoûtant. En toile de fond, elle met le doigt sur un sujet de l’ombre : l’addiction chez les femmes seniors. Les jeunes apparaissent encore trop souvent comme des rois de la débauche, happés par tous les vices cachés. Dans l’imaginaire collectif, ils sont davantage influençables et restent des proies idéales. Pourtant, l’alcoolisme touche toutes les générations. Simplement, il germe de façon différente.

Après le décès de son mari, Josette fait face à une solitude insoutenable. Pour combler ce vide pesant, l’auteure part en quête d’un nouveau compagnon. Mais cette rencontre qu’elle attendait tant, la propulse dans les bras de cette terrible addiction. À partir de cet instant, tout lui échappe. Elle noie son mal-être en se réfugiant dans les bouteilles de vin. Le rosé devient son meilleur allié. Pourtant, auprès de ses proches, elle reste de marbre. Elle dissimule son addiction et s’enfonce doucement, jusqu’au jour où elle se réveille étendue dans sa cuisine, après un coma éthylique. Cet événement résonne comme un déclic et le combat s’amorce enfin.

Au creux d’un service hospitalier parisien, Josette se trouve nez à nez avec un ange gardien, le Docteur Eric Hispard. Grâce à une méthode révolutionnaire, le spécialiste parvient à sortir l’auteure de cette boucle infernale. Les mots ont volé à la rescousse de cette âme en perdition.

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7 – J’ai commencé par un verre, Geneviève Casasus

Tout débute par une cuite inédite à l’orée de l’âge adulte. À peine majeure, Geneviève découvre avec exaltation les joies des premières gorgées. Chaque nouveau verre la fait décoller vers un univers décomplexé. Elle se sent pousser des ailes. Sa timidité s’envole, sa folie se déploie et ses proches prennent plaisir à la voir « pompette ». Cette euphorie collective l’attire comme un aimant. Durant cette soirée, elle s’estime spirituelle, séduisante, plus que vivante. Pourtant, au fil des jours, ce fragment de vie enjoué et convivial se transforme en un véritable trou noir. Les bouteilles pleuvent en masse telles des averses d’automne. Pour ne pas éveiller les soupçons, elle joue avec ses émotions. Faire semblant d’être sobre devient une seconde nature. Geneviève décroche avec brio son diplôme d’hôtesse de l’air.

Souriante, attentive et bienveillante, elle est très appréciée par tous les passagers. Mais derrière ce masque de pureté se cache une femme au bord du gouffre. Elle enchaîne les destinations idylliques, profite des soirées endiablées, mais une fois arrivée à l’hôtel, elle saute sur le frigo pour prendre sa dose quotidienne. Personne ne se doute de rien et aucun bras solidaire ne se tend à elle. Jusqu’au moment où viendront les comas, les hospitalisations, les crises de démence, les internements… de nombreux sevrages et autant de rechutes. D’un revers de plume intense, l’auteure raconte cette lente autodestruction. Son histoire résonne comme un appel à la vigilance.

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Le 17 mars dernier, l’émission Sept à Huit se concentrait sur ce fléau de l’ombre. Des patients du CHU de Clermont-Ferrand se confiaient à tour de rôle sur leur addiction. Au milieu de ces histoires poignantes, le témoignage de Mathilde s’érigeait comme un cri du cœur. Du jour au lendemain, la mère de famille s’est retrouvée seule avec ses démons. Un cas de figure loin d’être isolé.

Toutes ces mises à nu sincères et authentiques esquissent ainsi une réalité au goût amer. Au-delà des bibliothèques, cette lutte contre ces addictions prend place sur la toile. Des associations ouvrent les portes de la bienveillance et guident les malades sur le chemin du sevrage. Addict’elles recense de précieuses informations pour s’extirper de ce calvaire sans fond.

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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