3 artistes femmes éclipsées par la célébrité de leur mari

L’histoire de l’art a souvent ignoré les artistes femmes pour les relayer au second plan. Pourtant, beaucoup d’entre elles ont contribué à certains mouvements artistiques, de la même façon que leurs homologues masculins. Affectées au simple rang de « femmes de », elles ont longtemps dû se battre pour obtenir la reconnaissance qu’elles méritaient en tant qu’artistes.

Leur réussite restant souvent associée à leur mari, amant ou autre figure masculine. Aujourd’hui, nous mettons la lumière sur 3 femmes artistes, qui ont vécu dans l’ombre de leur mari.

1 – Margaret Keane

C’est l’une des plus grandes impostures artistiques de tous les temps. Pendant plus de 10 ans, Walter Keane a dupé le monde entier et usurpé les œuvres « aux grands yeux » de sa femme, Margaret Keane. Une incroyable histoire dont s’est emparé Tim Burton, en 2014, en réalisant le film Big Eyes.

Tout commence à Nashville, en 1927, où naît Margaret Keane, de son vrai nom, Peggy Doris Hawkins. Dès son plus jeune âge, l’artiste exprime un profond intérêt pour le dessin. Mais à l’âge de 2 ans, elle est victime d’un accident qui lui endommagera le tympan droit : ce handicap l’enfermera alors dans une solitude qui l’obligera à se concentrer sur le regard des gens pour mieux les comprendre.

C’est alors qu’elle commence à produire les « Big Eyes », des portraits d’enfants aux yeux noirs surdimensionnés. Au début des années 1950, elle se marie à Walter Keane. Véritable commercial, il lui propose de se charger de la vente des tableaux. Très vite, les portraits partent comme des petits pains. Les Big Eyes rencontrent un tel succès qu’un tableau est même accroché lors de l’Exposition universelle de New York en 1964.

Mais alors que le succès est grandissant, Margaret réalise que son époux s’attribue le mérite de ses toiles puisqu’il les signe d’un simple « Keane ». Walter se justifie alors en affirmant que les œuvres réalisées par un homme se vendent bien mieux, et que changer la signature maintenant les exposerait à des poursuites judiciaires. Sous l’influence de son mari, Margaret est exploitée pendant 10 ans : elle est enfermée dans une pièce pour peindre 16 heures par jour et n’a pas le droit de voir sa fille. En 1965, Margaret demande le divorce et part s’installer à Hawaï avec sa fille.

Ce n’est que 5 ans plus tard, dans une émission de radio, qu’elle annonce être la véritable auteure des Big Eyes. Elle décide ensuite d’attaquer Walter en justice en 1986. Pendant le procès, le juge demande aux deux protagonistes de réaliser un portrait en une heure. Margaret produit un tableau en 53 minutes intitulé « pièce à conviction 224 », alors que Walter simule un problème musculaire à l’épaule l’empêchant de peindre. La vérité éclate : Margaret gagne le procès et surtout la reconnaissance en tant qu’artiste. Elle peut désormais signer ses œuvres « MHD Keane ».

2 – Sophie Taeuber-Arp

Artiste, peintre et sculptrice, Sophie Taeuber-Arp fut une figure emblématique du mouvement dada et de l’art abstrait. Née en 1889 en Suisse d’un père pharmacien et d’une mère dessinatrice et photographe, elle développe très tôt un intérêt pour l’art, qu’elle étudiera en Allemagne. En 1915, alors que la Première Guerre mondiale fait rage, elle retourne en Suisse, où elle se fera de nombreux amis artistes. Elle y rencontrera d’ailleurs Jean Arp, déjà connu pour ses talents de peintre et de sculpteur, qu’elle épousera en 1921. Le couple s’installe près de Paris en 1929 et ouvre un atelier.

Son mari est alors au centre de l’attention et à de plus en plus de succès. Sophie, quant à elle, est relayée au rang d’hôtesse de maison et d’épouse. C’est durant cette période qu’elle produira beaucoup de ses tableaux emblématiques, préférant être dans l’ombre de son mari. Elle développe une œuvre riche et diversifiée, des tableaux abstraits sur bois ou sur textile aux sculptures en bois tourné.

La mort de Sophie en 1943, due à une intoxication au monoxyde de carbone, laissera son mari inconsolable. Celui-ci passera le reste de sa vie à honorer sa défunte épouse, exigeant que ses œuvres ne puissent être exposées qu’aux côtés de celles de Sophie. En effet, son travail sera majoritairement oublié et ne suscitera l’attention du public qu’à partir du 20e siècle. La faute aux institutions, musées, galeries et collectionneurs qui, par sexisme, ne souhaitaient pas reconnaître l’œuvre aussi novatrice d’une artiste femme.

3 – Lee Krasner

Lee Krasner est aujourd’hui considérée comme une pionnière de l’expressionnisme abstrait aux États-Unis, mais pendant longtemps, elle fut éclipsée par son mari, le peintre Jackson Pollock. Née à Brooklyn en 1908 d’une famille d’immigrés ukrainiens, Lee rêve dès le plus jeune âge de peindre. Elle étudie l’art et se fait beaucoup d’amis dans le milieu. En 1933, Krasner rejoint le mouvement American Abstract Artists et expérimente la peinture, le fusain, le collage ou encore la mosaïque. Connue pour son exigence, Lee détruit beaucoup de ses toiles : son catalogue est mince et ne comporte que 600 œuvres connues.

En 1941, elle rencontre Jackson Pollock, figure emblématique de l’expressionnisme abstrait. C’est le coup de foudre pour les deux amants, qui se marient 4 ans plus tard. Au sein de l’atelier, tout va pour le mieux : les artistes s’inspirent et se valorisent mutuellement. À l’extérieur, en revanche, Lee souffre d’être dans l’ombre de son époux. En effet, tout au long de sa carrière, elle sera considérée comme une simple muse ou une vulgaire imitatrice de son mari. Même après la mort de son époux, elle restera associée au nom Pollock : les critiques la surnomment « Action Widow », contraction d’Action Painting (pratique artistique dont Jackson Pollock fut la figure majeure) et de veuve.

Cette attitude, profondément misogyne, est fidèle au sexisme qui régnait à l’époque dans le milieu de l’art. Pourtant, Lee Krasner s’est toujours battue pour faire reconnaître son œuvre de façon indépendante, notamment en refusant de prendre le patronyme de son époux. Il faudra attendre 1965 pour qu’une exposition lui soit consacrée, à la Whitechapel Gallery à Londres.

Aujourd’hui, les femmes ont davantage de visibilité dans le monde de l’art. Mais il reste encore beaucoup de femmes artistes qui sont oubliées, cette liste n’étant pas exhaustive. Et vous, quelle figure féminine vous a particulièrement marqué ? Venez en discuter sur notre forum.

Hanane Balounsi
Hanane Balounsi
Journaliste, j’écris pour The Body Optimist depuis juin 2022. Passionnée de mode et de culture, j'explore les nouvelles tendances dans mes articles. Mes sujets de prédilection sont la mode, la beauté, mais aussi le green !
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