Dans ce centre pénitentiaire, les prisonniers sont habités par une haine débordante et multiplient les coups bas. Au milieu de ce vacarme grossier, la personnalité de Issa dénote. Jeune homme sensible au visage délicat, il tente d’esquiver les brimades homophobes de ses compères. La réalisatrice Josza Anjembe pose la caméra sur une relation d’amour entre deux hommes au cœur d’un milieu carcéral impitoyable. Un scénario poignant à la fois rare et précieux. Avec son histoire bouleversante, le court-métrage « Baltringue » est en compétition pour les Césars 2021.
Une âme pure au milieu d’une masculinité toxique
« Sale pédale », « Baltringue », « tu sais sucer toi non ? »… des attaques incisives en rafale qui ponctuent le quotidien de Issa. Dans cette cage qui transpire la masculinité toxique et le machisme, il essaye de trouver un échappatoire. Habile de ses mains, il trouve refuge dans un atelier d’ébénisterie que propose la prison.
D’un revers de doigts et toujours accompagné de sa sensibilité, Issa donne naissance à des créations minimalistes. Une parenthèse nécessaire pour contourner les autres détenus toujours en quête d’une nouvelle proie. Face à ces loups affamés, Issa préfère se murer dans le silence et rester seul.
Une histoire d’amour silencieuse
De nouvelles perspectives s’ouvrent à lui, une lueur d’espoir se dessine enfin. Après avoir passé deux ans dans ce centre pénitencier, Issa s’apprête à retrouver le goût de la liberté. Mais un événement va complètement chambouler ses plans et sa routine. Gaëtan, un petit nouveau rejoint le banc des prisonniers. Aux antipodes des « durs à cuire » typiques, il tire son épingle du jeu et se démarque. Souriant, lumineux, positif, intellectuel… Gaëtan s’apparente à un ange tout droit tombé du ciel pour Issa.
Entre ces deux âmes tendres, le fil de l’amour va se tisser de façon presque silencieuse. Ils se retrouvent dans la cellule vétuste de Issa et dans un flot de pudeur, ils tentent de se découvrir mutuellement. À mi-chemin entre refoulement et attachement passionnel, les deux hommes vivent un amour déchirant. Ils parviennent à faire éclore un arc-en-ciel de bienveillance et de respect mutuel. Mais ce cocon de bonheur est menacé par le regard désapprobateur des autres. Le court-métrage « Baltringue » dépeint une sombre réalité.
Écho au mal-être intérieur de certains hommes gays
En définitive, les images d’une grande sobriété confèrent au court-métrage « Baltringue » une dimension encore plus forte. Le spectateur s’éprend facilement d’amitié pour le personnage clef et développe une certaine empathie. Comme dans un documentaire, nous sommes ainsi en immersion et nous assistons, impuissant à cette homosexualité bafouée.
La prison n’est autre qu’une métaphore, illustrant le cloisonnement psychologique dont beaucoup d’hommes gays souffrent. L’occasion aussi de rappeler que les actes homophobes dominent encore sur le sol français. En 2019, les injures et agressions homophobes ou transphobes ont d’ailleurs connu une poussée de 36 % (selon SOS homophobie).
Une perle qui crève l’écran (et les tabous)
Le court-métrage « Baltringue » s’inscrit dans la liste des chefs-d’œuvre d’utilité publique. C’est une deuxième apparition sous les meilleurs auspices pour la réalisatrice Josza Anjembe.
Déjà nommée aux César 2018 pour « Le bleu blanc rouge de mes cheveux », cette as du 7ème art revient avec une thématique peu abordée. En l’espace de 20 minutes, on prend une belle claque éducative et on s’imprègne aussi d’une dose d’espoir.