Le mercredi 24 janvier, l’Académie des César a révélé la tant attendue liste des nominés, qui se départageront lors de la 49e cérémonie prévue au 23 février prochain. Certains films dont « Anatomie d’une chute » et « Règne animal » caracolent déjà en tête dans les pronostics. Pour cette nouvelle édition, les femmes défendent également leur place et pas seulement devant la caméra. Fait inédit : elles sont plus nombreuses que leurs homologues dans la catégorie de la « meilleure réalisation ». Si l’an dernier, les figures féminines étaient plutôt restées dans l’ombre de leurs confrères, désormais elles sont sous le feu des projecteurs. Alors, qui sont les favorites de ces César 2024 ?
Justine Triet en très bonne posture avec « Anatomie d’une chute »
Avec deux Golden Globes, une Palme d’Or et cinq nominations aux Oscars à son actif, « Anatomie d’une chute » se hisse comme une évidence dans le classement des César 2024. Ce film réalisé par Justine Triet est mentionné onze fois dans la liste et s’implante déjà sur le banc des vainqueurs. Depuis son apparition dans les salles obscures, il n’a cessé de faire parler de lui. Applaudi pour sa virtuosité technique, sa profondeur narrative et ses personnages « imposants », il a conquis son public.
Mais un autre film d’envergure lui fait face et présage un duel serré. Il s’agit de « Règne Animal », né du talentueux Thomas Cailley. Cette œuvre dépeinte comme une « dystopie fantastique » a également toutes ses chances de rafler la récompense. Cité douze fois dans plusieurs catégories honorables, « Règne Animal » se distingue très nettement. Toutefois, d’autres créations, plus inattendues et tout aussi méritantes, pourraient se greffer à ce duel d’anthologie. C’est le cas notamment du film « Le Procès Goldman », de Cédric Kahn, dont l’histoire gravite autour du militant d’extrême gauche éponyme, qui obtient 8 nominations.
« L’Été dernier » de Catherine Breillat et « Je verrai toujours vos visages » de Jeanne Herry sont aussi à souligner. Le premier traite de l’emprise amoureuse et de relations « interdites » tandis que le deuxième donne du relief à la justice restaurative, dispositif encore méconnu qui tisse un dialogue entre victimes et détenus. Les César 2024 ont décidé de mettre en lumière les réalisatrices, en nombre supérieur dans la catégorie de référence. Un beau rattrapage puisque l’an dernier, aucune femme ne figurait sur cette liste « suprême ». Pour rappel, Tonie Marshall est la seule femme à avoir obtenu le titre de « meilleure réalisatrice » depuis la genèse des César.
Virginie Efira, Marion Cotillard… Qui sera hissée meilleure actrice ?
Les comédiennes en compétition pour glaner le titre de meilleure actrice sont des pointures du cinéma. Sandra Hüller a particulièrement retenu l’attention dans « Anatomie d’une chute » avec son incarnation vibrante de réalisme de la femme tourmentée. Marion Cotillard, quant à elle, s’est fait remarquer dans « Little Girl Blue » en prenant l’étoffe d’une mère, ressuscitée d’entre les morts. Dans un tout autre registre, « L’Amour et les Forêts » suit Blanche, une femme pétillante dont la joie de vivre a été volée par Grégoire, un manipulateur chevronné. Virginie Efira arbore ce rôle avec une intense sensibilité et laisse transparaître une peur communicative.
Léa Drucker assoit également son talent dans « L’Été dernier », film où elle campe une avocate quarantenaire, en mal d’amour et de jeunesse. Enfin, l’actrice et réalisatrice française Hafsia Herzi, confirme son génie dans « Le Ravissement », film dans lequel elle jongle habilement entre infinie délicatesse et obscurité. Toutes donnent une âme puissante à leur personnage, ce qui brouille les perspectives. Aucun nom ne se distingue vraiment dans cette catégorie des César 2024.
Quelles femmes prétendent au titre de meilleure révélation féminine ?
Ces César 2024 sont également l’occasion de découvrir les étoiles montantes du 7e art. Ils propulsent les jeunes figures vouées à devenir les grands monuments de demain. Et cette année, certains visages ont plus frappé les esprits que d’autres. C’est le cas de Céleste Brunnquell. Repérée dans la série « En Thérapie », elle a pris son envol avec « La Fille de son Père », film pour lequel elle concourt dans la catégorie « meilleure révélation féminine ».
Elle rivalise avec d’autres consoeurs, qui ont elles aussi, été « habitées » par leur rôle. Kim Higelin a dressé de nombreux poils en prenant les traits de Vanessa Springora dans « Le Consentement ». Suzanne Jouannet, elle, fut l’étincelle du film « La Voie Royale » dans lequel elle incarne une fille d’agriculteur en pleine ascension scolaire. L’actrice franco-américaine Rebecca Marder, quant à elle, a donné une interprétation percutante de la vie politique « au féminin » à travers « De Grandes Espérances ».
Pour clore ce casting prometteur, Ella Rumpf a fait sensation dans « Le Théorème de Marguerite », comédie dramatique où elle s’affiche en étudiante surdouée. Là encore, difficile de trancher. Toutes ces artistes ont leur propre singularité. Mais les rôles les plus « crus » auront certainement une plus grande reconnaissance.
Des César 2024 plus « paritaires » que l’an dernier
Ces César 2024 sont enfin plus justes et cléments avec la gent féminine. Fait notable : les femmes sont présentes dans presque toutes les catégories sauf celle dédiée à la « meilleure photo ». Souvent laissées sur la sellette, les femmes sont désormais à « égalité » avec leurs compères masculins. Il faut dire que les femmes s’imposent de plus en plus dans les hautes sphères du 7e art. En 2022, le nombre de réalisatrices en France a franchi le seuil symbolique des 30 %. Les femmes ne s’illustrent plus seulement devant les objectifs mais également de l’autre côté, en tant que nourricières créatives. Elles éclipsent le male gaze au profit d’une représentation plus honnête et actuelle de la société.
Ces César 2024 ont également raffermi leurs règles autour des hommes accusés de violence. Alors que l’affaire Depardieu secoue actuellement le monde du cinéma et émousse la frontière entre l’homme et l’acteur, l’institution a pris une position claire. Déjà l’an dernier, elle avait rejeté le travail de Sofiane Bennacer dès les présélections. L’homme, à l’honneur dans le film « Les Amandiers » avait été mis en examen pour viols et des faits de violence. Désormais, les « mesures » sont plus fermes.
« Dans l’hypothèse d’une mise en examen ou d’une condamnation judiciaire d’un.e participant.e à un film éligible pour des faits de violences, notamment à caractère sexiste ou sexuel, la personne ainsi mise en cause ne ferait l’objet d’aucune mise en lumière », ont annoncé les César le 23 janvier 2024
Pour ces César 2024, les femmes prennent leur revanche et défendent vaillamment leur titre. Reste à savoir si elles seront reconnues à leur juste valeur lors de la remise des prix. Si Justine Triet l’emporte avec « Anatomie d’une chute », elle aura gagné deux batailles, personnelles et sociétales.