Le festival de Coachella s’est clôturé le 23 avril dernier. Vous n’êtes certainement pas passé.e à côté : c’était partout sur les réseaux sociaux. Bien que cet évènement culturel soit magique sous bien des aspects, Coachella, ou « Jeux olympiques des influenceur.se.s » ne manque pas d’être décrié pour de nombreuses raisons.
Un beau festival plein de valeurs
Pensé comme un Woodstock de l’aube des années 2000, le festival californien créé en 1999 s’est transformé au fur et à mesure des années en véritable vitrine de célébrités. Durant deux week-ends consécutifs, la ville d’Indio (Californie) devient le centre de toutes les attentions. Elle voit défiler les artistes, les stars et les influenceur.se.s les plus en vogue sur ses 32 hectares et 6 scènes.
Ainsi, Coachella se meut en une célébration à grande échelle de la musique, de la libération des corps et de la bienveillance. En effet, des artistes interplanétaires viennent se produire. Cette année 2023, on comptait Angèle, Franck Ocean, les Black Pink, Bad Bunny ou encore la chanteuse Rosalía. C’est aussi l’occasion pour tou.te.s de s’habiller à sa guise sans se soucier du regard des autres. À Coachella, vous pouvez porter des brassières, des shorts, jupes, body, décolletés : le tout sans distinction de genres ou de tailles. Mieux encore : les compliments vont bon train et la bienveillance est de mise.
Malgré ces belles qualités, subsistent à Coachella des problèmes de fond qui nous font douter de notre envie de nous y rendre…
Coachella, un festival coûteux
Le festival de Coachella est sans aucun doute l’un des plus inaccessibles en raison du prix d’achat des billets d’entrée. Comptez environ 400 euros pour un pass normal et presque 900 euros pour le pass VIP.
Les prix peuvent ensuite monter jusqu’à des milliers d’euros. Ajoutez à cela les frais annexes tels que les déplacements, la nourriture, l’hébergement.
Un rapport environnemental inquiétant
Les chiffres sont affolants : Coachella produit 1 181 864,50 kg de CO2 soit l’équivalent de 1 182 tonnes métriques de CO2.
Coachella, lieu d’émissions de gaz à effet de serre sans fin
Ce chiffre est égal à 251 voitures moyennes conduites pendant un an ou à 2 889 644 miles. Il est également équivalent à la consommation d’énergie de 142 foyers pendant un an et celle d’électricité de 206 foyers pendant un an.
Le rapport d’impact environnemental de la ville d’Indio quantifie à 1612 tonnes par an les déchets solides des festivals de Coachella, Stagecoach et Desert trip. Soit 107 tonnes de déchets pour chacun des 15 jours annuels ou les trois événements prennent place. Qui plus est, seuls 20 % de ces déchets seraient recyclés.
Se rendre au festival est l’acte le plus polluant de ces deux jours
Le festival de Coachella se déroule dans un lieu magnifique de la Californie. Hélas, ce lieu est fort reculé. La répercussion directe est l’énorme impact environnemental des nombreux transports utilisés.
Selon une étude qui avait été publiée par le groupe de réflexion britannique Powerful Thinking en 2015, les deux tiers des émissions produites proviennent des déplacements pour se rendre à l’événement. Cela tient aussi du fait que Coachella attire des visiteur.se.s et des artistes depuis les quatre coins du monde. En 2016, on comptait au total 36 502 véhicules utilisés pour se rendre à Coachella.
Écosystèmes locaux perturbés par la pollution (y compris sonore)
L’Académie des sciences australienne s’est interrogée à propos de l’impact du bruit sur les animaux environnants. En effet, un festival est toujours bruyant, il peut atteindre plus de 110 décibels, équivalant au décollage d’un avion à réaction. Il s’avère que le bruit généré par le festival de Coachella pousse les animaux et les insectes à éviter le terrain. Cela ne manque pas d’avoir des effets néfastes pour le développement de la faune locale.
L’Académie a également observé comme dans la vallée de Coachella, les oiseaux ont besoin d’appeler plus longtemps et plus fort. Puisque toutes les sphères de la nature sont touchées, la reproduction des plantes est largement affectée par des altérations des pollinisateurs ou de la propagation des graines.
Les efforts (vains) des organisateur.rice.s pour contrecarrer cette pollution
Conscient de la gravité de la situation, le bureau du festival tâche de minimiser les dégâts. On peut ainsi voir sur des recommandations pour le public sur le site. Le festival affirme d’abord sa volonté de « laisser un impact positif sur la planète ». Il conseille ainsi le covoiturage, le recyclage ou encore de réutiliser ses tenues.
Aussi, lors des éditions précédentes, pour encourager dans un même temps le recyclage et l’hydratation, les participant.e.s pouvaient échanger 10 bouteilles d’eau en plastique vides contre une réutilisable. Les bouteilles ramassées sur le terrain du festival peuvent être rendues contre des billets de grande roue, des t-shirts, des affiches, des sacs fourre-tout et d’autres objets publicitaires du festival. Malgré cela, et sans grande surprise, le coût environnemental du festival de Coachella demeure alarmant.
Coachella : festival de mode ou de musique ?
La liberté vestimentaire quasi-totale est une des prouesses réalisées par le festival de Coachella. Hélas, en découle une certaine pression à se démarquer côté look plutôt qu’à lâcher prise en profitant de la musique. Il faut dire que ce phénomène est largement encouragé par les entreprises partenaires. En 10 ans, Coachella est passé du petit festival de musique indépendant à l’événement incontournable du printemps.
Ajoutez aux looks léchés un désert et des hauts palmiers : vous obtenez le nouveau paradis des millenials. C’est un cocktail réussi qui finit de convaincre les labels de mode jouer de gros billets pour s’offrir une visibilité assurée. Leur objectif est affirmé : inonder les réseaux sociaux de looks plus travaillés les uns que les autres. En vérité, c’est par ce biais que l’étiquette de la mode « tout permis » s’est collée au désert de Coachella.
Durant deux semaines, nous voyons aussi pleuvoir sur les réseaux sociaux de nombreux contenus pour « juger » les outfits des participant.e.s. La mode est devenue un pilier du festival de Coachella, au même titre que les concerts. Et dans cette course effrénée à la plus belle tenue, certain.e.s en oublient la musique.
Les Jeux olympiques de l’influence
Nous l’avons dit, les réseaux sociaux sont les meilleurs alliés du festival de Coachella. Ou bien est-ce l’inverse ? Toujours est-il que le marketing d’influence s’est emparé du festival pour cultiver l’image du cool. Le festival est devenu le rendez-vous annuel des influenceur.se.s et des stars, à tel point qu’il est désormais plus connu pour ses invité.e.s que ses concerts. Nombreuses sont les stars des réseaux qui font parler d’elles par leurs looks au festival, provoquant une vague de contestation. Les internautes n’hésitent pas à critiquer Coachella pour son manque d’authenticité face à la présence rémunérée de ces personnages connus.
D’autre part, on reproche à Coachella d’être élitiste. Cette présence massive de célébrités et d’influenceur.se.s crée une distance avec les festivalier.ère.s « inconnu.e.s », renforçant l’impression d’exclusivité. Spotters Media a même révélé que certain.e.s d’entre elleux profitent du festival pour se positionner socialement, oubliant les prestations musicales.
Beaucoup considèrent que Coachella sert désormais plus à étaler sa richesse et son statut social par le biais des posts insta ou des vlogs. Le festival musical s’est transformé en vrai business. Bien sûr, il ne faut pas en faire de généralité et reprocher à ces influenceur.se.s d’accepter l’invitation. D’ailleurs, une grande partie d’entre elleux ont filmé les concerts en plus du contenu mode, beauté et voyage qu’iels se devaient de produire. C’est simplement leur métier, même si cela contribue à faire de Coachella « les Jeux olympiques de l’influence ».
Le fondateur controversé
Enfin, une large polémique sévit depuis plusieurs années déjà à propos de Philip Anschutz, le fondateur du festival. Ce milliardaire est à la tête d’AEG (Anschutz Entertainment Group), un groupe de divertissements sportifs et culturels. Il est également le propriétaire de Coachella et du magazine conservateur The Weekly Standard. L’étude de ses valeurs et investissements ne manque pas d’offusquer.
Il s’avère qu’il a personnellement financé des causes qui sont à l’inverse de celles portées par son festival. La liste est désolante : l’Alliance Defending Freedo qui milite pour des lois anti-sodomie, la National Christian Foundation qui œuvre dans le sponsoring d’associations anti-LGBT ou encore le Center for Urban Renewal and Education, qui est ouvertement en lutte contre l’avortement.
Même si ces dons sont de nature privée et ne dépendent pas du festival, ils restent très contestables, notamment car ils sont contraires à l’éthique bienveillante de Coachella. Certain.e.s décident d’ignorer cela tant que le festival ne finance pas directement ce genre d’organismes. D’autres au contraire, appellent au boycott, à l’instar de celui opéré sur les œuvres de J.K Rowling.
Le festival de Coachella est un événement culturel majeur du monde occidental. En plus d’être une scène musicale exceptionnelle, il est le lieu de rencontre de tou.te.s les hit-célébrités du moment. Il est indéniable qu’il excelle dans la qualité et dans la quantité de ses concerts. Néanmoins, Coachella n’est pas irréprochable et tend à devenir un piédestal de pollution, d’élitisme et d’influence plutôt que d’art.