Il était une fois… une campagne publicitaire qui ne vous laissera pas indifférent. À première vue, elle semble tout droit sortie d’un rayon jeunesse de bibliothèque, avec ses dessins délicats et son ton doux. Ne vous y trompez pas : « The Monster Who Came to Tea » (en français, « Le monstre qui est venu prendre le thé ») n’est pas un conte comme les autres. Imaginée par l’association britannique Women’s Aid et l’agence House 337, cette campagne assez bouleversante a été dévoilée à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars 2025. Et elle porte un message que vous n’êtes pas près d’oublier.
Un monstre dans la porcelaine
Tout commence comme dans une histoire classique pour enfants. Une petite fille, une maman, une assiette de pâtes à la bolognaise, un dîner apparemment paisible. Puis arrive « le monstre ». Pas une créature aux griffes terrifiantes ou aux yeux rouges… mais un personnage plus glaçant encore : le père de l’enfant, figure de la violence domestique.
Ce retournement de situation, habilement introduit dans le récit, fait l’effet d’un choc. Narrée dans l’intimité d’une lecture du soir entre une mère et sa fille, l’histoire vous emmène dans un univers empreint d’innocence avant de vous confronter à une réalité sombre et brutale : celle des violences conjugales vues à travers les yeux d’une petite fille. Le contraste entre le style enfantin du récit et la gravité du sujet traité est d’une puissance redoutable.
Une œuvre forte au service d’une cause essentielle
Réalisée par Guy Manwaring et portée par la voix de l’actrice Anne-Marie Duff, la campagne s’articule autour d’un court-métrage mêlant animation et prises de vues réelles. Le résultat est bouleversant. L’esthétique du film, tout droit inspirée des albums jeunesse, crée un sentiment de familiarité… jusqu’à ce que le « monstre » apparaisse, que les tensions montent et que l’horreur du quotidien s’installe.
Le choix de passer par le prisme de l’enfance pour raconter la violence domestique est tout sauf anodin. Il met en lumière les impacts psychologiques majeurs que subissent les enfants dans ces situations : peur constante, insécurité, perte de repères, sentiment d’impuissance. En brisant le silence qui entoure encore trop souvent ce sujet, Women’s Aid pousse chacun d’entre nous à regarder cette réalité en face – et surtout, à agir.
Quand l’art touche au cœur… et à la conscience
Loin de se limiter à un simple film, la campagne se déploie de manière ingénieuse sur plusieurs supports. Des affiches reprenant les codes graphiques des livres pour enfants envahissent l’espace public britanniques, les réseaux sociaux s’animent autour de cette initiative, incitant à la réflexion et au partage. Et surtout, la campagne ne s’arrête pas à la prise de conscience. Elle appelle à l’action.
Women’s Aid invite les citoyennes et citoyens à signer une lettre ouverte adressée au gouvernement britannique, réclamant un financement renforcé et pérenne pour les structures d’aide aux victimes de violences domestiques. À l’heure où le budget national est en révision, le message ne pourrait être plus opportun – ni plus nécessaire.
Une démarche éducative, ancrée dans le réel
Ce conte à double lecture n’a pas seulement vocation à émouvoir les adultes. Il est aussi pensé pour éduquer les enfants et les ados. Des outils pédagogiques ont ainsi été conçus pour les écoles du Royaume-Uni, afin d’aborder avec tact mais clarté les notions de respect, de consentement et de relations saines.
Car prévenir la violence, cela commence tôt. Cela commence avec des histoires, avec des mots simples, des images rassurantes qui peuvent porter des messages puissants. Cela commence en offrant aux enfants un vocabulaire pour exprimer ce qu’ils ressentent, pour poser des limites, pour comprendre ce qui est acceptable – ou pas.
Une leçon de narration… et d’humanité
Vous l’aurez compris : ce « monstre qui est venu prendre le thé » est bien plus qu’un personnage de fiction. Il incarne les violences silencieuses qui s’immiscent dans les foyers, parfois derrière des portes bien fermées, souvent à l’abri des regards. Grâce à cette campagne, le silence est rompu.
Et si cette histoire vous serre le cœur, c’est précisément le but. Parce qu’une émotion forte peut conduire à un changement profond. Parce que raconter une histoire, c’est aussi ouvrir un espace de parole, de réflexion et d’action.
Nous avons tous un rôle à jouer, chaque geste compte. Car derrière les campagnes, il y a des vies. Des enfants qui méritent de grandir sans peur. Des femmes – et parfois des hommes – qui cherchent à reconstruire leur dignité et leur sécurité. Et des histoires comme celle-ci qui nous rappellent que la lutte contre les violences domestiques est l’affaire de tous. Ce conte pour enfants cache un message que vous n’oublierez jamais, et c’est tant mieux.