Depuis #MeToo, nous avons vu émerger une nouvelle profession dans le monde des films et séries : les coordinateur.rice.s d’intimité. Désormais ultra prisé.e.s sur les plateaux, iels servent le bien-être des acteur.rice.s dans les scènes d’intimité. Voici ce qui se cache derrière cette profession aussi méconnue qu’essentielle.
Coordinateur.rice d’intimité, un métier post #MeToo
Avant que les voix ne se lèvent contre Harvey Weinstein en 2017, les scènes intimes entre les acteur.rice.s n’étaient pas réellement encadrées. Elles ne suivaient que les instructions des réalisateur.rice.s en oubliant parfois le consentement. #MeToo a permis à de nombreuses actrices de témoigner des violences qu’elles ont subies dans leur métier. Elles ont été des dizaines à prendre la parole sur les réseaux, en interview, dans la presse ou lors d’événements publics. Pour confirmer l’ampleur du phénomène, une enquête réalisée entre le 4 décembre 2017 et le 14 janvier 2018 a révélé que 94 % des femmes à Hollywood ont été harcelées sexuellement.
Qui plus est, les plateformes produisent davantage de séries dans lesquelles la nudité et la sexualité sont clairement exposées. Elles ne manquent pas d’être crues et largement explicites, ce qui dérange parfois tant le public que les interprètes de ces rôles. On pense notamment à Game of Thrones ou Westworld.
Tout cela a déclenché une vague de dénonciation de toutes les violences sexistes et sexuelles qui ont lieu dans le cinéma. Des actrices ont alors demandé aux productions d’engager des coordinateur.rice.s d’intimité pour les accompagner dans le respect et le consentement. HBO a été la première plateforme à se parer d’une coordinatrice d’intimité. Cela s’est fait à la demande de l’actrice Emily Meade pour le tournage de la saison 2 de The Deuce. Alicia Rodis devient alors la première coordinatrice d’intimité embauchée par HBO. Désormais, iels sont partie prenante de la plupart des productions. À titre d’exemple, Netflix est accompagné de Elizabeth Talbot sur La Chronique de Bridgerton et The Witcher ou d’Ita O’Brien sur Sex Education.
En quoi consiste ce métier ?
Un métier essentiel sur les plateaux de tournage
Les coordinateur.rice.s d’intimité ont en charge le bien-être des acteurs et actrices dans les scènes de rapprochement physique. Leur travail prend sa base dans un dialogue entre tou.te.s les protagonistes de la réalisation. Iels demandent aux interprètes ce qu’iels acceptent de faire, ou non, puis s’assurent que leur consentement ne soit jamais brimé. Dans ce cadre, il arrive que des contrats soient signés avec la production, notamment des clauses de nudité. Les coordinateur.rice.s sont présent.e.s sur le plateau afin de superviser les scènes. En somme, iels sont chargé.e.s de la « protection physique, sociale et professionnelle des actrices et acteurs ».
Ainsi, leur métier consiste à aider les comédien.ne.s à se placer, à imiter les mouvements sexuels correctement, à poser leur regard comme il se doit, à dissimuler leur nudité. Cela se fait par la mise en place de gestes qui deviennent des réflexes ainsi que grâce à des accessoires. Vous pouvez retrouver la coordinatrice d’intimité Jessica Steinrock sur TikTok. Elle y partage ses petites anecdotes et astuces sur le ton de l’humour.
La profession de coordinateur.rice d’intimité ne s’astreint pas uniquement aux scènes de sexe. Elle intervient dès lors qu’un contact impliquant la moindre intimité est effectué, même s’il s’agit d’un baiser. James Gunn, le réalisateur des Gardiens de la Galaxie, a tweeté à ce sujet :
« De ce que j’ai expérimenté, ils permettent aux acteur.rice.s de se sentir PLUS libres, pas moins, car chacun.e arrive sur le plateau en connaissant les limites à ne pas franchir, et sait aussi exactement ce qu’attend le.a metteur.se en scène. »
Quels sont ses outils de travail ?
Les coordinateur.rice.s d’intimité ont tout un attirail de matériel à leur disposition. Iels se chargent des moindres détails : prothèses, sous-vêtements couleur chair, spray buccal, coussin, lubrifiant… Leur travail consiste aussi à rendre les scènes intimes les plus réalistes possibles à l’écran. En ce sens, iels travaillent main dans la main avec la réalisation pour créer une chorégraphie précise.
Au-delà des instruments pratiques utiles dans les scènes intimes, les coordinateur.rice.s servent aussi à instaurer de la confiance entre les acteur.rice.s. Chacun.e a sa méthode. Par exemple, Ita O’Brien avait décidé d’organiser une session durant laquelle chaque acteur et actrice de Sex Education devait « reproduire des accouplements d’animaux ». En plus de travailler une certaine gestuelle, cela avait permis de créer des liens et de la complicité.
Également, les coordinateur.rice.s d’intimité sont autant dédié.e.s aux acteur.rice.s qu’aux maquilleur.se.s et technicien.ne.s. Iels font en sorte que tout le monde soit à l’aise sur le tournage afin qu’il se déroule le mieux possible.
Un métier désormais plébiscité par les professionnel.le.s
En peu d’années, la profession de coordinateur.rice.s d’intimité a réussi à obtenir le respect de l’industrie. Les producteur.rice.s, réalisateur.rice.s, acteur.rice.s n’hésitent pas à en faire l’éloge. Dans son tweet, James Guin introduisait par ces mots :
« De toutes les nouveautés dans l’industrie du cinéma celle dont je suis le plus reconnaissant c’est l’arrivée des coordonnateur.rice.s d’intimité. »
Récemment, l’interprète de Cassie dans Euphoria, Sydney Sweeney, révélait à Variety ne s’être « jamais sentie gênée » sur le tournage, grâce aux coordinateur.rice.s d’intimité. Michaela Coel, quant à elle, a publiquement remercié Ita O’Brien d’exister lorsqu’elle recevait ses prix pour I May Destroy You aux BAFTA 2021.
Aussi, au cours d’une interview pour Netflix, les acteurs de Young Royals, Edvin Ryding et Omar Rudberg, ont décrit leur scène de baiser comme « trop bien » grâce à leur coordinateur. Nous pouvons également faire mention de Sarah Shahi, l’interprète de Billie dans Sex/Life. Alors qu’elle était très anxieuse à propos du tournage, la coordinatrice d’intimité a su la comprendre et faire respecter ses limites.
Et en France ?
En France, les coordinateur.rice.s d’intimité ne sont pas encore très démocratisé.e.s. La première que nous connaissons est Monia Aït El Hadj. Elle exerce ce métier depuis 2020, après avoir travaillé comme juriste pendant 15 ans. Il semblerait néanmoins que les productions françaises cherchent de plus en pus à se parer de cette profession. Auparavant, on les retrouvait plutôt dans les théâtres. Dans le podcast Canapé Six Places de Léna Mahfouf, Marion Cotillard parle de la différence entre les studios français et américains,
« Aux États-Unis aujourd’hui, c’est un métier obligatoire. En France ce n’est pas obligatoire. »
Nous ne connaissons en effet que peu de noms français, hormis Cora Mickael, qui travaille entre Paris et Los Angeles, ou encore Monia Aït El Hadj. La coordinatrice d’intimité américaine Claire Warden affirme que l’on compte 60 à 80 coordinateur.rice.s aux États-Unis. Face à l’émergence de ce phénomène, Alicia Rodis a fondé l’association Intimacy Directors International, pour accompagner cette nouvelle profession. Ita O’Brien a quant à elle créé l’association Intimacy on Set. Grâce à cela, les coordinateur.rice.s d’intimité sont reconnu.e.s et encadré.e.s par le syndicat professionnel SAG-AFTRA aux États-Unis.
Finalement, les coordinateur.rice.s d’intimité signent l’émergence d’un nouveau cinéma plus respectueux, sain et attentif. Iels travaillent en cœur avec tou.te.s les professionnel.le.s impliqué.e.s sur le tournage pour enfin faire prôner la notion de consentement. À nouveau, le mouvement #MeToo a fait ses preuves, nous avancerons toujours mieux en laissant la parole se délivrer.
