Ce court métrage dévoile la vérité sur l’inégalité des soins maternels pour les femmes noires

Derrière les portes des maternités, il y a des accouchements fluides qui se déroulent sans embûches et il y en a d’autres qui relèvent du parcours du combattant. Pour les femmes noires, victimes du syndrome méditerranéen et d’un racisme qui rampe jusque dans les couloirs blancs des hôpitaux, mettre au monde un.e enfant est bien souvent une épreuve chaotique. Ce qui est censé être le plus beau jour d’une vie se transforme en cauchemar sans fin. Un parcours médical sinueux et parfois fatal que le court-métrage « Impossible Journey » brosse avec justesse. À travers l’itinéraire de deux cigognes, ce film de cinq minutes narre ce que des milliers de femmes de couleur endurent avant de pouvoir tenir leur nouveau-né dans leurs bras. Une création à la fois touchante et âpre qui dépeint l’indicible. Ce court-métrage sur l’inégalité des soins maternels est une prouesse visuelle et un uppercut narratif.

La métaphore des cigognes pour évoquer un sujet dur

L’arrivée d’un.e enfant est souvent synonyme de joie immense et d’excitation. Mais pour les femmes noires, parfois dénigrées par certains héros en blouse blanche, la grossesse est loin d’être un long fleuve tranquille. Elles se heurtent souvent à un système médical rongé jusqu’à la moelle par un racisme sournois. C’est ce qu’illustre habilement le court-métrage « Impossible Journey ». Il reprend le mythe de la cigogne pour aborder un fléau trop peu dénoncé.

Il débute au firmament des cigognes, là où elles s’approvisionnent en bébés. Ce film édifiant se focalise sur l’itinéraire de deux oiseaux migrateurs, improvisés en « livreurs de nourrissons ». L’un prend un chemin paisible tandis que l’autre brave vents et marées avant d’arriver à destination. L’une des cigognes a un plan de vol bien plus hostile que sa partenaire. Elle traverse d’innombrables turbulences et laisse plusieurs plumes sur son passage. Pendant qu’elle sillonne des décors apocalyptiques, sa consoeur, elle, plane sereinement au-dessus des nuages.

Elles arrivent en même temps devant les couveuses pour y déposer ces précieux cadeaux du ciel. La plus chanceuse apparaît indemne et fringante alors que l’autre a son manteau blanc et noir tacheté de sang et de plaies. Elle a une mine fatiguée et semble à bout de force, mais elle a réussi sa mission. Elle déballe son paquet en tissu et à l’intérieur sommeille un.e enfant à la peau ébène. C’est le seul du lot à avoir cette couleur, ce qui explique certainement la difficile quête de sa cigogne attitrée. Ce court-métrage expose de façon imagée l’inégalité des soins maternels et le manque de considération à l’égard des femmes noires. La cigogne, éteinte par son rude périple, est en fait une personnification des mères noires, qui redoublent d’efforts pour mener leur grossesse à leur terme.

Un hommage à Amber Rose Isaac, négligée pendant sa grossesse

Ce court-métrage percutant sur l’inégalité des soins maternels se conclut sur une prise un peu particulière, au sein d’un groupe de parole. Le film d’animation cède sa place au discours déchirant d’un homme noir qui a perdu sa femme à la naissance de son fils. Elle s’appelait Amber Rose Isaac. Ce court-métrage fait écho à son histoire personnelle et à sa mort tragique survenue en donnant la vie. Il y a quatre ans, au plus fort de la crise du coronavirus, elle rendait son dernier soupir après une césarienne désastreuse.

Peu de temps avant sa mort, elle alertait sur le « traitement des médecins incompétents » à renfort de tweets. Elle envisageait également de faire un exposé sur cette thématique. Dans une interview livrée au média The Guardian, son partenaire fustigeait de « nombreuses négligences » et évoquait un « personnel grossier, dépourvu de professionnalisme ». Cette cigogne qui atterrit devant les couveuses avec un rythme cardiaque linéaire, synonyme de fin, est une incarnation d’Amber.  La maternité est « un espace défavorisé pour nous punir d’un péché capital : naître avec la couleur noire de notre peau », clôture son partenaire, les larmes aux yeux et la rage aux lèvres.

Ce court-métrage qui perce à jour l’inégalité des soins maternels a été récompensé aux Cannes Lions 2024 tant il est marquant et révélateur. Il s’inspire de faits réels, endurés chaque jour dans le cadre feutré des chambres immaculées des maternités. Sacrifier la vie d’une mère pour sauver celle d’un enfant est encore tristement d’actualité. Et pas seulement dans les pays du tiers monde.

Un court-métrage dénonciateur qui fait écho à une réalité crue

Sous son vernis de tendresse, ce court-métrage interpelle et éveille les consciences sur un racisme qui gangrène aussi le milieu de la santé. Sur une toile chargée en hémoglobine, qui dégouline de sang, s’inscrit un chiffre clé. Les femmes noires sont trois fois plus susceptibles de mourir au cours de leur grossesse que leurs homologues blanches. Autre donnée écrite sur cette toile en hémorragie : 43 % d’entre elles sont plus à risque de faire des fausses couches.

Ce court-métrage, qui met en lumière l’inégalité des soins maternels, a tout d’une campagne de prévention. Il dirige le stéthoscope en direction des maternités et le diagnostic de tolérance n’est pas vraiment bon. Sérèna Williams, personnalité publique, faisait le même état des lieux dans une publication Instagram. Pour sensibiliser à ce racisme médical, elle racontait la naissance traumatisante de son fils. Elle insistait sur l’absence de soutien du personnel soignant.

Ce court-métrage, qui relate brillamment l’inégalité des soins maternels, montre des injustices étouffées dans le “secret médical”. Le racisme ne détruit pas seulement l’estime, il coûte aussi la vie des mères.   

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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