Parfois, les images valent mieux que des mots. C’est ce que démontrent deux courts-métrages, fraîchement sortis sur les écrans. Malgré leur style diamétralement opposé, ils peignent tous deux un sujet grave : les violences sexuelles faites aux enfants. En un temps éclair, ils font la lumière sur ce fléau qui ronge notre société. Un.e enfant sur cinq est victime d’agression sexuelle. Autant de petites vies ruinées et d’années d’insouciance minées. Pour ces jeunes âmes, l’existence s’arrête là où les traumatismes commencent. Ces œuvres retranscrivent cette douloureuse réalité avec justesse et habileté. En moins de cinq minutes, elles font le travail de toutes les campagnes de prévention possibles et imaginables. Des courts-métrages d’utilité publique à visualiser pour ne plus ignorer les violences sexuelles infligées aux enfants.
« Monstre », une séance de « ouija » comme cri d’alerte
Le premier de ces deux courts-métrages aborde les violences sexuelles faites aux enfants en reprenant les codes de l’épouvante. L’intrigue s’ouvre dans la pénombre et se plante au cœur d’une chapelle. Cinq adolescentes sont assises en tailleur sur le sol, encerclées de bougies. Elles tentent d’invoquer les esprits. Comme la plupart des jeunes de cet âge, elles le font pour tester leur peur et avoir un petit shoot d’adrénaline. Mais ce jeu « inoffensif » qui vise à entrer en communication avec l’au-delà ne tarde pas à prendre la forme d’un « SOS ». Le verre, sur lequel elles ont posé leur doigt, commence alors à s’agiter et à se diriger vers des lettres pour esquisser un « aidez-moi ».
Cet esprit, qui vient de s’exprimer sur la planche de ouija, leur est plus familier qu’elles ne s’en doutent. Les portes grinçantes et vétustes du lieu religieux claquent en fond et présagent la venue d’un « danger ». Au lieu de voir apparaître la silhouette spectrale d’un fantôme, les jeunes filles un peu trop bercées par « Charmed », se retrouvent face au père de l’une d’entre elles. Moralité : les monstres ne se cachent pas toujours sous les lits ou dans les placards. Certains nous hantent du matin au soir et font partie de notre foyer. En moins de 2 minutes 20, le réalisateur Maxime Flourac résume avec finesse les horreurs qui se trament dans l’intimité des chambres d’enfant.
Selon les chiffres du gouvernement, 2 à 3 enfants par classe sont concerné.e.s par l’inceste. Ce court-métrage fait tomber les murs et montre l’impensable dans une ambiance qui se prête à l’effroi. Composé dans le cadre du Nikon Film Festival, cette oeuvre express, fait allusion à l’inceste et au silence imposé aux victimes de façon subtile. Mais le message, lui, est très clair. Une création salutaire qui porte bien son nom.
« Non », un voyage métaphorique au coeur des traumatismes
Dans un tout autre registre, le court-métrage intitulé symboliquement « Non », s’attaque à cette lourde thématique d’un revers de crayon. Réalisé par 5 étudiants de l’ECV, une école de création visuelle, ce mini film d’animation est loin du caractère naïf que l’on prête souvent à ce genre, mais il en conserve tout l’onirisme. En moins de cinq minutes, il nous plonge dans un univers où les traumatismes ont l’apparence d’ombres rampantes et tentaculaires. L’histoire se tient d’abord dans le métro. Une jeune femme assiste à une scène qui fait remonter tout un tas de souvenirs. C’est la sucette tendue à un enfant qui déclenche cette pellicule intérieure.
La protagoniste revit ses jeunes années et l’horrible sensation de cette main qui serpente sous sa robe à fleurs. Cette introspection a tout d’un cauchemar. Son univers coloré et verdoyant se ternit à mesure de l’emprise de cette « bête noire ». Tout semble se décomposer autour d’elle. Seule cette créature imposante et insatiable domine son monde et l’entraîne au fond du gouffre. Mais elle chasse ses vieux démons et puise dans ses dernières forces pour voler à la rescousse de ce jeune homme, lui aussi, en proie à un pédocriminel. Le dessin minimaliste et empreint d’innocence contraste avec la férocité du récit et lui donne une dimension encore plus touchante.
Les deux courts-métrages sont différents sur la forme, mais ils ont une intention commune : lever le tabou sur les violences sexuelles faites aux enfants. « Non », le fait avec une pointe de fantaisie qui rappelle les contes du bas âge tandis que « Monstre » apprivoise un scénario typique de l’horreur. L’un est métaphorique tandis que l’autre est plus direct. Mais les deux œuvres ont le mérite d’ouvrir le dialogue sur un sujet sensible et d’éveiller les consciences.
Des courts-métrages essentiels sur les violences faites aux enfants
Ces courts-métrages, qui se soulèvent contre les violences sexuelles faites aux enfants, sont aussi efficaces que n’importe quelle affiche de prévention. Avec leur côté ludique et divertissant, ils font tilt et sous-entendent un précieux « tu n’es pas seul.e ». Ils ont d’ailleurs toute leur place sur les tableaux blancs des écoles pour avertir avant qu’il ne soit trop tard ou délier les langues. Les courts-métrages ont l’avantage d’être plus digestes et percutants que les films de plusieurs heures. Ils sont concis et limpides. Ils comblent ce que les mots ne sont pas capables d’illustrer.
D’ailleurs, c’est ce format qui a été retenu par des représentants du ministère de l’Éducation. Au lieu de faire un flyer avec un slogan qui n’égale jamais le poids de ce fardeau, ils ont soumis un court-métrage intitulé « Mélissa et les autres » à tou.te.s les professionnel.le.s au contact des enfants. Malgré leur courte durée, ces créations secouent le grand public et se font le relais de milliers de petites voix, muselées par leurs bourreaux.
Les courts-métrages ne sont pas seulement là pour combattre l’ennui ou s’imbriquer dans nos modes de vie speed. Ils portent aussi des causes qui sonnent tristement actuelles. Certains comme « Monstre » et « Non », mobilisent leur talent et leur créativité pour le bien des enfants.