Un fœtus microscopique s’affiche sur l’écran noir de la gynécologue, les futurs parents frémissent d’impatience. Mais une annonce assourdissante vient dissoudre toutes leurs espérances. Ce petit être s’est éteint dans sa chrysalide. Sa croissance a été obstruée par un incident irrémédiable. Le sol se dérobe sous les pieds de cette maman avortée. Son moral tombe en ruine. Sa rage de vivre est minée par une torture silencieuse. Le court-métrage « Olive » réalisé par la scénariste Maud Bettina-Marie illustre avec pudeur et sincérité cette expérience traumatisante qu’est la fausse-couche.
Écorchée à vif, inondée d’amertume, dépeuplée de joie… à travers cette histoire sans fioritures, on s’infiltre dans l’intimité de cette femme dévastée. Du mal-être intarissable à l’étape du deuil en passant par des face-à-face tranchants, en douze minutes, « Olive » nous embarque sur le fil tortueux de la reconstruction.
La fausse-couche, un tsunami imprévisible
Dans les couloirs fades et impersonnels de la salle d’attente, l’appréhension se mêle à un frisson d’adrénaline. La première visite de routine chez le gynécologue s’amorce. L’habitant miniature qui loge temporairement dans ce ventre joufflu aura droit à son premier quart d’heure de gloire. Un moment unique, synonyme d’allégresse, anéanti par un verdict d’une brutalité inouïe. Le regard inquiet du spécialiste face à son écran, les questions suspectes lancées à la chaîne, l’absence de signal de la sonde glaciale… L’auscultation si attendue vire au cauchemar. Ce bébé en pleine construction a été emporté prématurément vers le paradis blanc.
Le mot « fausse-couche » déchire les cœurs et encastre les projets d’avenir dans le mur de l’impossible. Tiraillées entre agressivité et désespoir, les mères dépossédées voient leur enveloppe charnelle se vider de cet enfant si désiré. Hémorragie, douleurs abdominales infernales, traitements médicamenteux indigestes… impuissantes, elles doivent éliminer cet œuf à peine formé auquel elle s’était attachée. Un calvaire minimisé dans une société ignorante.
Une expérience courante camouflée
Pourtant, selon une récente étude publiée dans la revue The Lancet, 23 millions de fausses-couches surviendraient chaque année à travers le globe. Un chiffre colossal qui justifie l’ampleur de ce phénomène entaché par les préjugés. Tel un fruit défendu, il règne comme un fantôme au milieu du jardin d’Éden audiovisuel. Rares sont les films qui cueillent cette thématique délicate. Maud Bettina-Marie, scénariste française chevronnée, a pris ce sujet à bras le corps. Avec son arsenal d’ambitions et son énergie débordante, elle a imaginé une série de vidéos intitulée « Family ». La trentenaire tire le portrait des tourments récurrents qui secouent les familles.
Perte éprouvante d’une mamie, divorce insurmontable, choix de vie professionnel instigateur de désaccords… autant de contenus qui s’élèvent comme des miroirs confidentiels. Dans « Olive », elle se penche sur la fausse-couche avec des introspections édifiantes et des discours aussi authentiques que tangibles. Maud Bettina-Marie y incarne une jeune femme déboussolée, marquée au fer rouge par cette perte inconcevable.
« Olive », un court-métrage qui brise les non-dits avec finesse et poésie
Seule, en bordure de mer, le regard dans le vague, elle serre entre ses doigts frigorifiés une figurine bleue cousue main. Un objet candide symbolique qui matérialise cet enfant absent. Elle le surnomme « Olive », puisque lors de la fausse-couche, le fœtus était aussi minuscule que le fruit méditerranéen. Une comparaison tendre, emblème de cette signature lyrique aux envolées multiples.
Dans une ambiance boudoir, on suit le parcours âpre de cette femme brisée. Quelques scènes entremêlées suffisent à nous glisser au centre d’un ascenseur émotionnel vertigineux. Accroché au bras de cette Madame tout le monde, on emprunte la pente du deuil. Mais l’itinéraire est loin d’être linéaire.
Des rochers se dressent en effet en travers de sa route. Ce sentiment d’injustice lui colle à la peau. Pourtant, dans son entourage, les commentaires rassurants mutent en maladresses envahissantes. « C’est assez fréquent, tu vas t’en remettre », « T’es jeune, t’as le temps d’en faire un autre », « En début de grossesse, c’est moins grave »… des phrases qui résonnent en boucle dans son esprit. Un fond noir suggère ces pensées brouillées. Ces murmures incessants la font douter et remettent en cause sa peine.
Une œuvre imbibée de faits réels
Régulièrement, elle est ramenée à ce tragique épisode de la fausse-couche. Lors d’une séance d’aquagym, elle se heurte à des ventres ronds. En voyant ces muses nager sous l’eau, son faciès se décompose. Le hasard la confronte à ses angoisses les plus profondes. Un coup de poignard supplémentaire qui l’atterre. Pour panser ses plaies intérieures, elle met ses peurs à nu dans le cabinet de sa psychologue. Une thérapie privée révélatrice qui la propulse doucement sur la voie de l’acceptation.
Dans « Olive » le réalisme transpire derrière la caméra. Pour cause, ce court-métrage sur la fausse-couche s’imprègne de faits avérés. Maud Bettina-Marie, qui tient le premier rôle, s’est aussi engouffrée dans ce tourbillon dévastateur en 2017. D’un regard fataliste à une phase de réconciliation de longue haleine…
Cette vidéo disponible sur YouTube traduit avec justesse et objectivité les blessures muettes de la fausse-couche. Un bijou audiovisuel instructif et prenant qui mérite d’être visionné à grande échelle.