4 groupes de femmes qui prouvent que le rock n’est pas qu’un truc d’hommes

Tout le monde a fini par retenir la leçon : non, « punk is not dead ». En revanche, l’adage qui dit que le rock n’est pas qu’un truc d’hommes a encore du mal à faire l’unanimité. Pourtant, des groupes de femmes, il y en a – et des très bons. Du punk en colère à l’indie rock (rock indépendant) plus tendre en passant par le grunge, les femmes sont bel et bien à leur place sur cette scène. Voici donc 4 groupes de femmes qui prouvent que le rock n’est pas qu’un truc d’hommes.

Bikini Kill

C’est en 1990 que le groupe de punk Bikini Kill voit le jour, composé de Kathleen Hanna, Tobi Vail, Kathi Wilcox et Billy Karren. Groupe porte-étendard de tout le courant punk féministe, il se fait remarquer par ses paroles radicales. Leur formation flirte avec l’apogée du grunge. Cependant, dans ce genre en poupe les musiciens majeurs sont exclusivement des hommes. Si Bikini Kill fréquente de futurs grands noms comme Kurt Cobain, elles n’hésitent pas à pointer du doigt les limites de l’inclusivité.

En concert, Kathleen Hanna assume ses positions politiques. Elles incitent les filles à venir devant : « Girls to the front ». Le pit, comme on l’appelle, n’est plus essentiellement réservé aux hommes. Quand elles revendiquent le « Revolution Girl Style Now », elles aspirent à repenser l’occupation de l’espace public par les hommes parmi tant d’autres questions féministes.

Leur hit majeur intitulé « Rebel Girl » célèbre l’amitié féminine comme levier d’émancipation. « Cette fille garde la tête si haute / Je crois que je veux être sa meilleure amie / Fille rebelle, fille rebelle / Fille rebelle tu es la reine de mon monde ». L’intersectionnalité parcourt toute leur discographie et on y croise nombreux sujets tabous : les agressions sexuelles, l’inceste ou encore le racisme. Aujourd’hui, elles continuent d’influencer de nombreux groupes de rock de femmes qui mettent leur colère en chanson.

We Hate You Please Die

Tirant son nom de l’univers de Scott Pilgrim (Bryan Lee O’Malley, 2004), le groupe rouennais sait faire du bruit. Chloé Barabé, Mathilde Rivet et Joseph Levasseur forment We Hate You Please Die.

Après deux premiers albums aux tons garage, le trio s’est davantage concentré sur des sonorités punk et des paroles d’autant plus politiques. Le double single « SORORITY / CONTROL » met les pieds dans le plat. Droit à l’avortement pour tou.te.s, importance du soutien entre femmes… tant de sujets qu’iels défendent avec ferveur. Avec une certaine pudeur, mais pas sans énergie, leurs concerts sont une expérience à part entière quand la basse, la batterie et la guitare s’associent à la voix de Chloé pour déclamer des paroles engagées.

Les trois musicien.ne.s ne cachent pas leurs inspirations : les groupes de punk féministes des années 90. Dans ce sens, iels s’appliquent à la construction d’un entourage musical en adéquation avec leurs valeurs. Iels collaborent alors avec des artistes locaux.les et concerné.e.s, comme la photographe Carolina Moreno.

Taqbir

Groupe de punk hardcore marocain chantant en arabe, Taqbir est un mystère comme on les aime. Avec un album intitulé « Victory Belongs to Those Who Fight for the Right Cause », iels ne sont pas passé.e.s inaperçu.e.s dans le milieu des musiques dites extrêmes. Si très peu d’informations les concernant sont disponibles c’est parce que leur anonymat est primordial. Sur scène, leurs visages sont masqués, toujours. Aucun nom, aucun visage : seulement de la musique.

Parmi les sujets dont le groupe s’est saisi, on retrouve principalement la religion. « En tant que fille marocaine qui a subi une éducation rigoriste, je revendique mon droit au blasphème. Il y a quelque chose de cathartique qui participe d’une sorte d’empowerment, à déplacer ces symboles lourds et oppressants sur une scène où je suis libre et où je m’amuse », expliquait la chanteuse à Vice. Cependant, sa parole s’est rapidement vue récupérée par l’extrême-droite. À ce propos, elle rappelle que « tout le monde a le droit de croire à ce qu’il ou elle veut tant qu’on laisse les autres tranquilles. (…) Avec Taqbir, j’envoie tout chier : le racisme, l’homophobie, la religion et le politiquement correct ».

Une position qui fait débat, notamment à une période où l’islamophobie ne cesse de gagner en vitesse à coup de récupérations de la part de l’extrême-droite. Mais Taqbir a le mérite de faire trembler l’ordre établi et d’exploser les schémas manichéens. Avec la pochette de l’album, le groupe « retourne la peur ». Grâce au son et aux images, iels portent leur rage.

Ottis Cœur

Tantôt en flux tendu avec une basse entêtante, tantôt dansant avec des notes sautillantes empruntées au rock anglais, Ottis Cœur s’est rapidement imposé. Margaux et Camille forment l’un de ces groupes de rock de femmes qui prouvent que le rock n’est pas qu’un truc d’hommes.

Au travers de leurs deux EP, elles parcourent les méandres de l’amour. Avec « Léon », elles touchent avec poésie et ironie aux dynamiques des relations hétérosexuelles. « C’est pas l’heure de dormir, t’as quelqu’chose à finir / T’es vraiment le pire, de loin le pire de tous / J’me mettrai plus à genoux, pourquoi tu fais le sourd / T’es vraiment le pire, de loin le pire des coups », chantent-elles dans « Jamais Je Ne Viens ».

Une guitare, une basse et une batterie dessinent le paysage musical d’Ottis Cœur. Elles ne sont pas sans rappeler Les Calamités, groupe pop rock de femmes des années 80. Une formation épurée qui fait la part belle à une musique colorée.

La musique rock et ses clichés continuent d’avoir la peau dure. Mais des groupes de rock de femmes inversent la tendance. Des associations telles que More Women On Stage (& Backstage) s’adressent aux minorités de genre professionnel.le.s de la musique. Leur mission : les accompagner dans une industrie qui tarde à inclure davantage. Enfin, s’il y a un bien une leçon à retenir de la part de ces musiciennes : oui, l’intime peut être politique.

Faustine Moulin
Faustine Moulin
Formée en radio, j'ai fait mes classes à base de chroniques et interviews concernant la scène musicale et autres sujets plus niches les uns que les autres. Rédactrice passionnée et extravertie qui aime rentrer chez elle à la fin de la journée, je cherche l'intérêt dans tous les sujets.
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