Avec How To Have Sex, Molly Manning Walker nous offre un premier long-métrage marquant. Récompensé à Cannes du Prix Un certain regard, le film est enfin disponible en salles. Une heure et demie de fête, de paillettes et surtout de questionnements inhérents à une jeunesse sans repère. La réalisatrice ne fait pas dans la demi-mesure avec cette création et aborde sans artifice la question de l’injonction au sexe, de la première fois et du consentement. Voici 4 raisons d’aller voir How To Have Sex, ce film percutant.
Pour en finir avec l’injonction au sexe
Pour fêter la fin des épreuves équivalentes au baccalauréat, Tara, Skye et Em partent une semaine en Crète. Dans l’une de ces villes dédiées à la fête, le temps n’existe plus et il semble que tout est possible. L’alcool coule à flots, les tenues sont légères et les trois amies ont un objectif : en profiter. L’âge des trois jeunes femmes est tu tout du long, pourtant des indices nous laissent comprendre qu’elles sont « trop jeunes » – et surtout, qu’elles en sont conscientes. Subterfuges pour masquer leur âge réel, invention de faux parcours de vie… tout est bon pour paraître plus vieilles et plaire aux garçons.
La sexualité est l’un des sujets de prédilection du groupe de copines. Tara, le personnage principal, n’a jamais eu de rapport sexuel et envisage de changer la donne durant le séjour. Le veut-elle vraiment ? Ni elle ni nous ne le savons vraiment. Frontalement et avec adresse, Molly Manning Walker questionne ainsi la frontière de la liberté sexuelle. Dans ce sens, il semble alors crucial d’en jouir, à n’importe quel prix.
Questionner la sororité dans un monde patriarcal
La réalisatrice dépeint un groupe d’amies et raconte une histoire de sororité. Pourtant, elle n’hésite pas à en montrer également les limites. Au micro de France Culture, elle expliquait :
« Je voulais montrer que la pression venait aussi des femmes et qu’elle venait aussi d’un groupe d’amies de l’intérieur. Et c’était une manière aussi de montrer que ça ne dépend pas que des hommes, c’est toute la société qui doit changer »
De cette façon, elle pose la question : comment être solidaire entre femmes dans une société qui nous apprend à ne pas l’être ? How To Have Sex et ses couleurs fluo n’est pas sans rappeler Spring Breakers (Harmony Korine, 2013) à la seule différence qu’il abandonne l’hypersexualisation des corps féminins. « Mets ça, tu seras super canon », « T’es trop belle », s’adressent-elles les unes aux autres. Tandis que le regard masculin est latent, c’est l’avis des unes et des autres qui balise leur parcours individuel.
Le personnage de Skye incarne alors cette pression à pratiquer le sexe. L’ambivalence du personnage lui donne le rôle d’une amie sincère qui ne déroge pas aux règles du patriarcat en poussant son amie directement vers le danger.
Démystifier la première fois
L’obsession pour la première fois de Tara permet tout d’abord de détruire l’idée du premier rapport sexuel comme moment crucial à passer. Exit le mythe d’une première fois précieuse qui n’attendrait qu’un preux chevalier pour emporter notre chasteté avec lui. Bonne nouvelle pour la déconstruction d’une fable sexiste faisant des femmes de petites choses fragiles.
Cependant, cette vision amusée et détachée du sexe peut être confrontée à des réalités parfois froides et cruelles. Le journaliste Quentin Lafay parle de Tara comme d’un personnage qui semble « contraint de vouloir ces relations sexuelles, mais qui ne les désire pas vraiment ». Ce à quoi la cinéaste répondait : « On met énormément de pression sur l’idée de se débarrasser de sa virginité comme si c’était quelque chose de gênant ou honteux. Comment comprendre ce qu’on désire quand on est soumis à ce genre de pression ? »
Repenser le consentement
Alors qu’on parle du consentement comme la verbalisation d’un « oui », le film nous explique que ce n’est peut-être pas si simple. L’ambivalence qui guide la jeune femme la fait dire ‘oui’ alors que tout en elle crie ‘non’. Molly Manning Walker explique :
« Pour moi, le consentement est devenu un peu trop binaire. On était obsédé.e.s par cette question du ‘oui’ et du ‘non’ ; alors que la question c’est de savoir si deux personnes passent un bon moment et vivent un moment ensemble qui les lie »
Ce film nous explique que le consentement ne peut pas reposer sur un simple « oui ». La société patriarcale dans laquelle le sexe hétérosexuel est roi ne permet pas au consentement d’être binaire. La réalisatrice appuie sur cela. Selon elle, un « oui » n’est un vrai accord que si tout chez la personne le confirme. Dans ce sens elle précise : « Ce qui m’intéresse vraiment ce sont ces espaces humains qui sont beaucoup plus complexes que les réponses qu’on met dans leurs bouches. »
How To Have Sex est le phénomène cinéma à ne pas louper. Brillant et adroit, il place un regard féminin et jeune sur des notions sociétales majeures. Alors que les questions de la liberté sexuelle et du consentement restent des piliers majeurs des luttes féministes, ce long-métrage permet d’en dessiner les limites. De cette façon, il permet de réfléchir à de nouvelles façons d’aborder le sujet. Ces raisons d’aller voir How To Have Sex sont bien entendu non-exhaustives. Cependant, il s’agit d’un nouveau film qui nous conforte dans l’idée d’un cinéma engagé et plus proche du réel.