C’est une comédie qui ne ressemble à aucune autre. L’intrigue se tient entre les murs d’un appartement marseillais, sous un temps caniculaire. Trois amies vivent en colocation dans une ambiance décomplexée et moite. Leur balcon leur fait office de tour d’observation. Les fenêtres du voisinage, suffisamment proches pour voir ce qui s’y passe, deviennent encore plus attrayantes que le poste de télévision. L’histoire devient pourtant plus acide. Le joyeux trio, qui cultive la sororité au quotidien, passe de l’excitation du voyeurisme à l’horreur. Les trois femmes se retrouvent dans des scénarios à la fois démentiels et tellement actuels. Ce film signé Noémie Merlant est un revenge movie décalé, teinté d’humour noir et de sang. C’est une fable moderne et extravagante qui narre des sujets de société graves avec une fraîcheur inédite. Voici pourquoi il faut foncer voir « Les Femmes au balcon ».
Une intrigue amère portée par trois amies
Après Mi iubita, mon amour, Noémie Merlant repasse de nouveau derrière la caméra pour capturer une histoire à la fois douce et amère, absurde et utile, profonde et légère. Elle conjugue adroitement les genres pour donner une autre lecture des violences sexuelles et sexistes. Avec un style frais et marginal, elle raconte le quotidien de trois amies. Ces sœurs de cœur partagent le même toit et une part de leur intimité.
Les trois femmes semblent appartenir à une autre époque, où le formica et le brushing à la Lady Di avaient la cote. Or, les smartphones et la TV écran plat les inscrivent dans le 21e siècle. Au lieu de se calfeutrer dans le noir, comme il est coutume de le faire par temps aride, les trois femmes ne décampent pas de leur balcon. Depuis cette estrade, elles peuvent scruter le voisinage et capter les scènes qui se jouent de l’autre côté des vitres. Mais leur regard s’attarde toujours sur ce voisin énigmatique qui déambule le corps à l’air et qui attise tous leurs fantasmes.
Un beau jour, l’inespéré arrive : elles sont conviées chez lui. Après de brèves hésitations, elles enjambent l’autre immeuble et investissent son cocon. Ruby, Nicole et Élise peuvent enfin poser un nom et une profession sur ce visage. Leur voisin est photographe et expose ses clichés comme des trophées. Mais sous cet Apollon se cache un monstre, qui hisse les femmes en bout de viande et qui les pense acquises. C’est le point de bascule.
Un revenge movie pas comme les autres
« Les Femmes au balcon » prend une tournure gore lorsque Ruby revient de cette fameuse soirée. C’est là que la comédie se convertit en épouvante. Le corps masculin est réduit en charpie, sauvagement mutilé et amoché de la façon la plus grotesque qui soit. Loin de vouloir mimer les films d’horreur qui abusent du faux sang et qui l’utilisent vainement, « Les Femmes au balcon » a une tout autre ambition. La réalisatrice ajoute une dose d’hémoglobine pour divertir le public et certainement fuir le pathos ou autre discours larmoyant. Elle veut que les spectateurs se disent « quelles femmes ! » et non pas « pauvres femmes ».
Sur la forme, le film rappelle « Promising Young Woman » et prend le parti de l’absurde pour dénoncer une sombre réalité : les violences faites aux femmes. D’un œil féminin, Noémie Merlant peint une vengeance quasi inconsciente, feutrée sous la légitime défense et la faute à pas de chance. La vengeance est d’ailleurs le fil rouge de cette œuvre. Elle débute entre les mains de Denise, une femme victime des coups de son mari qui inverse la brutalité. Puis elle se poursuit à travers ces drôles de dames, qui unissent leur force dans l’adversité des hommes. Le film dénonce les violences sexistes et sexuelles en les confrontant avec une résilience collective.
Un mélange audacieux des genres
« Les Femmes au balcon » se distingue par sa capacité à naviguer entre la comédie, l’horreur et le drame. Cette fusion des genres permet d’aborder des sujets graves avec une touche d’humour noir, rendant le propos accessible tout en conservant son impact. Le film rappelle des œuvres comme « Last Night in Soho » d’Edgar Wright, où l’horreur sert de métaphore aux réalités sociales.
Sur son siège, le public passe du rire à la peur sans jamais friser la pitié. La réalisatrice dénonce l’emprise masculine et le règne impuni des prédateurs avec beaucoup de second degré et d’intelligence. Si de prime abord, le scénario semble complètement lunaire et plein de fantaisie, une morale s’en dégage : la sororité l’emporte toujours.
Un message urgent qui fait écho à l’actualité
Sous ses airs de comédie noire, le film aborde avec finesse des thématiques profondément actuelles : les violences sexistes et sexuelles, l’impuissance ressentie face aux injustices, et le besoin de sororité pour s’en libérer. La canicule elle-même symbolise l’urgence et l’étouffement d’un système oppressif, tandis que le balcon, lieu de transition entre la sphère privée et le monde extérieur, devient un espace de résistance et de confrontation.
« Les Femmes au balcon » n’est donc pas qu’une simple comédie horrifique. C’est une ode au courage des femmes, à leur capacité à transformer leur douleur en force, le tout dans un ton délibérément décalé qui mêle éclats de rire et frissons.
Noémie Merlant réussit à créer une comédie horrifique féministe qui invite à une introspection sur les dynamiques de pouvoir et la solidarité féminine. C’est un hymne moderne à la sororité assorti d’un female gaze exaltant ! Depuis leur balcon, les femmes sont enfin sur un beau piédestal.