Dans la cuisine, une adolescente essaie d’instaurer le dialogue avec sa mère qui ne lui prête pas attention. Voici commence « Les lèvres gercées ». Ce court-métrage d’animation questionne notre rapport au genre et à l’identité, et les difficultés de communication dans la famille pour une personne trans. En à peine près de cinq minutes, « Les lèvres gercées » pousse un cri intérieur très puissant, et engagé.
Des opportunités manquées
Réalisé en 2018, « Les lèvres gercées » est un projet de fin d’année de deux étudiant.e.s de la célèbre école des Gobelins, Kelsi Phụng et Fabien Corre. Dans un style assez unique avec un graphisme épuré, leur court-métrage dépeint avec force l’incompréhension des personnes trans dans notre société actuelle.
Les scènes se passent entre une adolescente et sa mère, dans un huis clos. Leur quotidien dans la cuisine familiale est rythmé de silences, de bruits de fond de jeux télévisés, dans une ambiance assez étouffante, immobile. Né dans un corps qui ne lui correspond pas, l’enfant cherche désespérément à communiquer sa transidentité à sa mère.
Pour cette adolescente, c’est beaucoup de frustration et de sensations de solitude, de mal-être. Des émotions transmises avec justesse par l’animation réaliste du personnage. On vous laisse découvrir la beauté du court-métrage par vous-même :
La violence des dialogues
Alors que les tentatives de dialogue se succèdent entre l’enfant et la maman, cette dernière reste indifférente et ne cherche pas à comprendre ce que vit et ressent son enfant, et ce qu’il lui arrive à l’école. Ces scènes s’enchaînent, les opportunités manquées font monter la tension, jusqu’à arriver à une prise de conscience brutale.
Lorsque la mère voit son enfant avec des vêtements dits féminins, sa réaction et ses paroles sont d’une grande violence. La phrase de fin « Maman, quand je mourrai, est-ce-que je pourrai être une fille ? » agit alors comme un dernier cri, un coup de poignard. Après n’avoir jamais été entièrement présente dans le cadre, on voit ainsi enfin le regard de sa mère. Elle ouvre les yeux, et regarde finalement sa fille, pour de vrai.
Sur le compte Instagram de Kelsi Phụng, on apprend que cette phrase est tirée d’une histoire vraie. « Une histoire aussi vraie que la vie des enfants et adolescent.e.s LGBTI+ qui grandissent à notre époque », précise Kelsi.
« Ce film, ainsi que bien d’autres que nous souhaitons réaliser dans le futur, existe pour rappeler aux enfants que nous avons été et à ceux qui devront passer par des chemins similaires que nous n’avons pas à nous adapter, à nous cacher ou à avoir honte de nous-mêmes. C’est à la société de changer. Nous espérons que ce film contribuera à cet objectif, et qu’un jour nous n’aurons plus peur d’exister » – Kelsi Phụng
Une histoire intime
« Les lèvres gercées » a eu un grand succès auprès des plus grands festivals d’animation, mais aussi auprès des personnes concernées par la transidentité. Ce qui tient à cœur aux réalisateur.trice.s, intimement lié.e.s à l’histoire du court-métrage. Les artistes expliquaient d’ailleurs que certaines personnes se sont servies du film comme un pont de communication dans leur propre famille.
« C’est une histoire que nous partageons en tant que réalisateurs queer, et que beaucoup de personnes LGBTI+ vivent de nos jours. Nous voulions parler de l’énorme impact de la communication au sein du foyer familial, en particulier dans une société si violente contre les droits des personnes LGBTI+ », expliquent les réalisateur.trice.s à It’s Nice That.
On apprend par ailleurs que les deux réalisateur.trice.s ont un projet de série en cours intitulé « Reconnaissances », dans lequel il.elle.s présenteront des portraits croisés de personnes transgenres, non-binaires et racisées, dans la continuité du court-métrage. On est impatient.e.s de le voir !
Et vous, ce court-métrage vous a plu ? Venez partager vos impressions sur le forum de The Body Optimist !