Olympe de Gouge, Simone Veil, Gisèle Halimi, Marie Curie, George Sand… armées d’une détermination renversante, ces héroïnes ont réussi à changer le visage d’une époque misogyne. Véritables guerrières pacifiques, elles ont lutté contre les inégalités entre les sexes. Elles ont tiré la flèche de la parité au cœur d’une cible patriarcale. Leurs discours poignants et incisifs résonnent encore dans toutes les sphères. Aujourd’hui, ces figures emblématiques s’érigent comme le porte-voix du féminisme.
Mais que pense la gent masculine de cette lutte acharnée ? Le documentaire « Les mâles du siècle » s’est emparé de cette houleuse question. Ce projet rassemble une trentaine de témoignages d’hommes de tous horizons et de tout âge. Des confessions face caméra authentiques en demi-teinte. Les pensées archaïques se confrontent aux discours encourageants. À l’heure où les débats #MeToo alimentent la toile, « Les mâles du siècle » ausculte toutes les masculinités.
Des pensées authentiques et piquantes
Ce long-métrage audacieux est le fruit d’une collaboration entre le réalisateur Laurent Metterie et sa conseillère scientifique, Camille Froidevaux-Metterie, autrice, chercheuse et professeure de science politique. « Les vagues successives de révolutions féministes ont-elles réussi à changer la mentalité des hommes ? ». Cette interrogation légitime a percuté l’esprit réactif de ce duo explosif. Ensemble, ils ont mené une enquête minutieuse et sont partis en quête de paroles masculines sincères, authentiques voire intimistes. Le couple prend la température, et le baromètre de la virilité affiche un chiffre nuancé. L’idée est de tendre un miroir aux hommes et de retranscrire ce reflet sans langue de bois.
Un sexisme ordinaire bien ancré
Tous ces hommes se focalisent sur leurs expériences personnelles pour donner de la profondeur à leurs opinions. Certains restent cloisonnés dans la caricature de la femme au foyer, tandis que d’autres esquissent avec timidité une forme d’admiration. Soumis à une large palette de thématiques à l’image de la répartition des tâches, la sexualité, l’égalité professionnelle, la famille, la plupart des sondés campent sur leur sexisme ordinaire. Les interlocuteurs seniors semblent moins enclins au progrès que la jeune génération.
Au centre du film, les visages s’enchaînent. Des têtes grisonnantes signent un passé foisonnant, et des faciès imberbes portent l’étiquette du renouveau. À tour de rôle, ils se passent le bâton des confidences. Contrairement aux documentaires classiques, « Les mâles du siècle » est dénué de tout artifice. Pas de coupures au montage ni de fond vert, ici la simplicité prime. Les protagonistes sont interviewés dans leur environnement, dans une ambiance boudoir. Le rythme est lent, les personnages clefs font des pauses récurrentes, ils bégaient et butent sur les mots. Autant de signes physiques ou verbaux qui prouvent un certain malaise à l’égard du féminisme.
Des discours parfois archaïques
Un véritable travail sociologique émane de ce documentaire. En effet, le réalisateur a ouvert son micro à diverses franges de la population pour déboucher sur une radiographie complète et sincère. Inévitablement, certains propos semblent tout droit sortis des années 50 et irritent les tympans tant ils sont aberrants. « J’aime pas trop les boulottes », « Il faut l’avoir bien longue, bien dure, il faut être au garde à vous à tout moment », peut-on entendre.
En 2021, ces mots tirent la sonnette d’alarme. Heureusement d’autres avis plus glorieux viennent contraster ce regard rétrograde et rabaissant. « Le côté être un homme fort, résistant, qui ne pleure pas… Je trouve ça has-been, ça ne me correspond pas »… À travers cette phrase on peut entrevoir un brin d’espoir. Pourtant, le bilan global reste mitigé.
Les jeunes plus sensibles à l’égalité des sexes
Ces quarante heures d’entretien orchestrées en toute bienveillance ont été épluchées avec finesse. Résultat, le couple productif a donné naissance à un film éclairant et percutant de 2h20. Des citations inspirantes viennent ponctuer ces mises à nu plurielles. Des passages clefs d’œuvres féministes viennent ouvrir chaque nouveau chapitre.
Du vote à la procréation en passant par la notion de genre, aucun sujet n’est laissé de côté. Pendant cinq décennies, les femmes sont montées au créneau pour faire éclater leur haine et leur peine. Certaines sont mortes en martyre, d’autres ont été vulgairement jetées dans des cellules dégradées. Mais les hommes restent de marbre devant ce féminisme réprimé.
« Les mâles du siècle » dessine ainsi le portrait-robot de la masculinité au 21e siècle. Heureusement, tout n’est pas morose. La jeunesse répand un doux vent de positivité et plante un stop devant cette testostérone débordante. Depuis l’affaire Weinstein, les consciences s’éveillent et les voix s’élèvent. Selon un sondage BVA réalisé avec RTL Girls et WonderHer en 2019, un Français sur deux se revendique « féministe ».