Sur les étagères abondantes des libraires ou des bibliothèques, les livres LGBTQIA+ fourmillent discrètement. Ils attendent sagement que des mordu·e·s de lecture dévorent leurs pages éclatantes de réalisme. Entre les classiques incontournables à l’effigie d’Orlando de Virginia Woolf et les nouveautés décapantes telles que La Fille dans l’écran de Lou Lubie et Manon Desveaux… le choix est vaste. BD, manga, roman à l’eau de rose, journal intime… la couleur arc-en-ciel se déverse dans des formats pluriels. Cette large panoplie s’adapte à tous les goûts. Des héro·ïne·s attachant·e·s, des descriptions immersives, des dialogues bouleversants : un cocktail explosif qui nous prend aux tripes. Envie de dégommer les clichés ? À vos marques, prêt·e·s, lisez !
1 – Je crois que mon fils est gay, Okura
Ce manga LGBTQIA+ teinté de délicatesse et de douceur nous immerge dans le quotidien mouvementé de Tomoko, une mère au foyer débordée. Entre les tâches ménagères, les courses à répétition et les longues heures passées derrière les fourneaux… elle ne sait plus où donner de la tête. Malgré ce rythme intense, elle remarque le comportement étrange de son fils aîné, Hiroki. Il semble cultiver son jardin secret en toute discrétion. Mais avec son esprit d’analyse aiguisé, la maman devine que son enfant est gay.
Elle multiplie les gestes bienveillants pour plonger son fils dans une bulle de confiance. Tomoko souhaite simplement que son enfant soit heureux, qu’il vive une idylle épanouie. Cette relation tendre vibre sous une plume à la fois candide et sincère. Un pêle-mêle enivrant qui dégage des ondes positives à foison. Une ode à la tolérance qui tord le cou aux discours archaïques.
2 – Le bleu est une couleur chaude, Julie Maroh
À l’orée des années 2000, le destin d’Emma, jeune femme aux cheveux bleu azur, à la fois mystérieuse et lumineuse s’entremêle à celui de Clémentine, adolescente déboussolée, écœurée par sa première exploration sexuelle. Cette rencontre inattendue marque un tournant dans leur quotidien respectif.
Elles forment un duo étincelant et s’élancent dans une aventure charnelle aussi torride que passionnelle. Mais elles sont forcées de vivre cette histoire intense dans le plus grand des silences pour ne pas heurter la société. Le récit, qui s’amorce sous forme de dessins, plante le crayon dans la plaie. Les sujets considérés comme épineux y sont dépeints avec justesse. Ces planches pleines de fraîcheur offrent un voyage intime aussi éclairant que déchirant. Elles illustrent avec rigueur et franchise toutes les facettes de cette attirance incontrôlée.
3 – Appelez-moi Nathan, Catherine Castro
Pendant son enfance, Lila rayonnait de joie. Mais cette carapace de l’insouciance et de l’émerveillement s’est brisée en mille morceaux dès l’adolescence. Cette période de transition s’apparente à un calvaire. Son corps filiforme mute, ses courbes féminines se dessinent, sa poitrine se déploie… le miroir affiche désormais une silhouette de femme indéniable. Entre incompréhension et dégoût, Lila n’a qu’une envie : sortir de cette enveloppe charnelle qui ne lui correspond pas.
Ces attributs en pleine éclosion lui semblent totalement étrangers. Depuis toujours, elle a conscience d’être née dans le mauvais corps. Accompagnée de ses proches, de ses camarades et de ses professeurs, elle se forge une nouvelle identité. À seize ans, elle repart de zéro, gomme cette erreur génétique et prend sa dose de testostérone quotidienne pour devenir Nathan. Un ouvrage édifiant et poignant qui donne un coup de projecteur nécessaire sur la transidentité.
4 – La fille dans l’écran, Lou Lubie et Manon Desveaux
Coline, 22 ans, est une jeune Française prisonnière d’une angoisse latente. Ces troubles anxieux l’ont éclipsé du monde social. Elle vit comme une ermite dans la maison de campagne de ses grands-parents. C’est au sein de cet habitat paisible, que sa passion pour l’illustration se fortifie. Mais Coline est en panne d’inspirations. Elle surfe sur internet et tombe nez à nez avec le travail de Marley, une photographe canadienne. Elle s’empresse de lui communiquer son admiration.
Mais cela fait bien longtemps que Marley a raccroché l’appareil photo. Épicurienne dans l’âme, la Québécoise est avide de sorties. Elle s’épanouit à travers un quotidien trépidant. Ce message qu’elle reçoit de Coline met un frein à ses ardeurs. Un lien virtuel presque mystique germe entre elles. Ce récit, riche en surprises et en rebondissements, dresse le portrait d’une romance authentique.
5 – Le dernier des étés, Alfonso Casas
Cette bande dessinée s’articule autour d’une introspection symbolique et aérienne. Une odyssée intérieure décapante qui remet les pendules de Dani à l’heure. Ce personnage clef doté d’une grande sensibilité nous ouvre la porte de son cœur. Peu de temps avant de se marier avec son compagnon Alex, il embarque pour une escapade solitaire riche de sens. Dani rejoint un village côtier où il avait l’habitude de séjourner durant son tendre âge. C’est ici que tout a commencé et que son attirance pour les hommes s’est concrétisée.
Pour ne pas inquiéter son partenaire, le photographe chevronné a dégainé une excuse en carton. En réalité, Dani est revenu sur ces terres, un brin nostalgique. Au fil des balades, des flashbacks le propulsent dans le passé. Une immersion révélatrice qui lui permet d’éclaircir certaines zones d’ombre, jusqu’alors ensevelies. Ces souvenirs qui refont surface le font longuement cogiter. Un voyage philosophique qui transpire de sagesse.
6 – La face cachée de Luna, Julie Anne Peters
Avec sa sœur Regan, Liam partage un lourd secret inavouable. Le jeune garçon déteste son apparence. Il adule ces princesses aux cheveux longs habillées de robes scintillantes. Liam aimerait leur ressembler. Mais cette case ne lui est pas dédiée. Alors, en public, il dissimule son vrai visage sous un masque superficiel. Il est contraint de vivre dans le mensonge. Pourtant, à la tombée de la nuit, une métamorphose s’opère.
Tel un papillon sortant de sa chrysalide, il laisse éclater sa réelle identité. La chambre qu’il partage avec sa sœur fait office de passerelle. C’est derrière cette porte que Luna prend vie. En effet, depuis des années, Liam se travestit, en cachette. À l’abri des regards méprisants, il saute dans les vêtements de Regan et orne ses yeux de maquillage. Le pseudo Luna fait écho à la Lune. Une comparaison symbolique puisque comme elle, il ne se dévoile qu’au crépuscule. Ce roman aux consonances poétiques pose un regard neuf et moderne sur le changement de sexe.
7 – Le soleil est pour toi, Jandy Nelson
Noah et Jude, jumeaux complices presque inséparables, ont deux personnalités contradictoires. D’un côté, Noah, indépendant et solitaire, reste tête baissée sur son carnet de dessins. De l’autre, Jude, plus téméraire et effrontée, se défoule à travers sa passion pour la sculpture. Malgré leur tempérament différent, tous deux sont animés par la fibre artistique. Leurs parents protecteurs et aimants les ont bercés dans un cocon de bien-être. Mais un drame vient déchirer ces liens si solides.
L’entrée dans l’adolescence marque un tournant radical dans leur relation. Leurs hormones sont en pleine ébullition. Les premières embûches amoureuses sèment le trouble. Noah et Jude, si fusionnels, sont en froid. Ces deux moitiés désunies ont besoin de se retrouver seules avec elles-mêmes pour déchiffrer leurs désirs enfouis. Un livre solaire, touchant, qui ruisselle de charme brut.
8 – J’ai avalé un arc-en-ciel, Erwan Ji
Ce titre délicieusement comique annonce déjà la couleur. Capucine alias Puce a dix-sept ans, âge qui rime avec exaltation et découverte de soi. Américaine par adoption, elle se frotte à des expériences tantôt décevantes, tantôt palpitantes. L’histoire débute sur un épisode peu glorieux. Puce vient de rompre avec son petit-ami Ben. Pour estomper sa souffrance, elle décide de créer un blog sur lequel elle partage des anecdotes ou ses états d’âme.
Elle peut aussi compter sur son gang de copines pour se changer les idées. Lorsqu’elle croise le chemin d’Aiden, jeune fille radieuse, sa routine monotone prend fin et sa joie explose. Puce est saisie par des sensations qui lui étaient jusqu’alors inconnues. Cet ouvrage saisissant fait à base de « frisson géant » et de « secousse cosmique » envoie valser les normes.
9 – Les Chroniques de San Francisco, Armistead Maupin
Cette saga locale est devenue un véritable phénomène au fil des époques. Adaptée moult fois sur petit et grand écran, elle s’érige comme un hymne à la diversité. L’intrigue prend place à San Francisco au tournant des années 70. On découvre Anna Madrigal, une femme excentrique et dévouée à la tête d’une pension de famille. Dans son établissement situé au 28 Barbary Lane, elle accueille des âmes errantes de tous horizons. Cet endroit chaleureux est un petit havre de paix. Ici, les tabous ne sont pas les bienvenus.
Alors, les locataires affichent fièrement leur vraie personnalité. Mary Ann a déserté sa ville natale pour renaître, Michael ouvertement gay, lui, cherche son Apollon rêvé. Pendant ce temps, Brian Hawkins joue les Don Juan et Mona préserve sa part de mystère. Ce recueil, criant de vérité, retrace avec authenticité et minimalisme une libération sexuelle progressive.
10 – Point Cardinal, Leonor De Récondo
Ce bijou en papier qui a remporté le prestigieux prix du roman des étudiants relate avec une aisance naturelle, le rude parcours de Laurent. Enfant, il était répugné par cette virilité abusive et cette testostérone débordante. L’image du mâle Alpha, triomphant, aux muscles reluisants ne collait pas avec ses envies. Au milieu de ces hommes machos à l’égo surdimensionné, il ne trouvait pas sa place. Aux antipodes de ses camarades masculins avides de matchs de foot, Laurent, lui, se ruait sur la penderie de sa mère. Robes, top en dentelle, mallette de maquillages foisonnante… cette caverne d’Ali-Baba faisait scintiller ses yeux. En adoptant ce look féminin, il se sentait enfin heureux.
Mais ce bonheur était de courte durée. Pendant longtemps il a réprimé ses désirs et s’est cantonné à la fameuse boucle traditionnelle. Il s’est marié à Solange. Deux enfants sont nés de cette union. Mais après vingt ans de réticence et de silence, il n’a qu’une envie : affirmer la femme qui sommeille en lui. Mais cette fois, le déguisement ne suffit plus. Laurent veut une véritable transition. Pourtant, il redoute la réaction de son entourage. Il a conscience que sa famille peut voler en éclat. Mais ce poids est trop lourd à porter. Ce livre LGBTQIA+ limpide, juste, touchant, parfois déchirant porte aussi sur le courage d’être soi.
Sur le plateau littéraire, ces millefeuilles LGBTQIA+ se dévorent comme des petits pains. Ils dégoulinent de paix et ne font qu’une bouchée des préjugés. On se lie d’amitié avec les figures clefs et on partage leurs ressentis.
Avec leur plume agile, les auteur·trice·s nous mettent dans la peau de ces êtres en plein questionnement sur leur genre et leur préférence sexuelle. La flamme de l’empathie crépite. Ces histoires à la fois pudiques et sans filtres lèvent aussi le voile sur les douleurs invisibles qui percutent de plein fouet les minorités. Avec leur mordant rafraîchissant, ces livres LGBTQIA+ hissent la voile de l’espoir et de l’altruisme. Des ouvrages qui s’invitent aisément dans nos bagages d’été !