Le prix Goncourt est à la littérature ce que les Césars sont au cinéma. Depuis 1903, il couronne des ouvrages français et les propulse sur le devant des librairies. Cette année, ce titre prestigieux a été attribué à Jean-Baptiste Andréa pour son ouvrage « Veiller sur elle ». Un roman empreint d’onirisme et de finesse qui ne tardera pas à se glisser dans des mains, habituées ou non, à l’art du feuilletage. Il succède à 120 autres œuvres, toutes plus éclectiques les unes que les autres. Pour étoffer votre bibliothèque personnelle et agrandir vos horizons littéraires, voici 7 livres décorés par le prix Goncourt, l’une des plus grandes institutions tricolores.
Veiller sur elle, Jean-Baptiste Andréa (2023)
Fraîchement sacré, ce roman dépeint avec poésie la vie de Michelangelo Vitaliani, présenté sous le nom de Mimo. Né dans une famille modeste, il est rapidement déraciné de son foyer. Sa mère, consciente du destin abrupt qui l’attend, décide de le confier à un sculpteur de pierre au piètre statut. C’est dans cet atelier que Mimo se familiarise avec cet art palpable. Une véritable révélation pour le jeune garçon, qui semblait sans avenir. Ce gamin des bas quartiers a de l’or au bout des doigts.
Il sculpte la matière comme il respire, de la façon la plus naturelle qui soit. Pour lui, cette discipline est surtout un moyen d’échapper à sa situation miséreuse et de fuir la dure réalité du fascisme. Pourtant, ce qu’il façonne à la force de ses mains est une véritable prouesse. Son œuvre, frappée dans le marbre, est si éloquente qu’elle finit cachée dans un monastère du Piémont.
En filigrane de ce génie manuel, Mimo vit aussi une aventure amoureuse avec Viola, héritière d’une famille de renom. Les deux êtres, qui proviennent de deux milieux très antinomiques, décident de braver les normes pour vivre leur idylle. Un récit vibrant, passionné et haletant où la beauté se niche dans chaque détail.
Leurs enfants après eux, Nicolas Mathieu (2018)
Parmi les livres ayant reçu le prix Goncourt, celui-ci raconte le quotidien d’ados dans une vallée industrielle de l’Est de la France. L’intrigue se tient dans les années 90 et tire le portrait de jeunes âmes en pleine quête identitaire. Ces ados tentent de trouver une utilité dans cette ZAC en péril où le taux de chômage explose. Ils semblent tous porter le poids des héritages familiaux et des difficultés sociales.
Ce roman conte une jeunesse en pleine désillusion qui essaye malgré tout de se frayer un chemin dans cet avenir plus qu’incertain. L’auteur brosse un tableau poignant de cette période charnière où les souvenirs de l’enfance se heurtent à des rêves d’adultes démesurés. Un ouvrage gorgé de nostalgie qui transporte aussi un message politique percutant.
Chanson douce, Leïla Slimani (2016)
Certains livres auréolés du prix Goncourt ont eu droit à uneadaptation sur grand écran. C’est le cas de cet ouvrage à la fois troublant et accrocheur. Il explore les rapports complexes et tourmentés entre une nourrice et ses enfants de garde. Après un congé maternité, Myriam, mère de deux enfants, souhaite reprendre du service dans son cabinet d’avocats. Même si son mari aurait préféré qu’elle reste à la maison, il se plie à cette volonté. Le couple planifie alors des entretiens minutieux et sévères pour dénicher la nounou la plus fiable.
C’est Louise qui est retenue. Elle fait l’unanimité auprès des enfants, qui la chérissent comme un membre de leur propre famille. Cependant, cette femme qui semble porter la gentillesse sur son visage, ne tarde pas à faire chavirer toute l’harmonie du foyer. Des tensions sourdes se développent et se concluent sur un drame irrémédiable. Un roman empli de noirceur qui pose une réflexion sur les relations humaines et l’aliénation.
Pas pleurer, Lydie Salvayre (2014)
« Pas pleurer » de Lydie Salvayre est un roman qui évoque les événements tragiques de la guerre civile espagnole à travers un récit en demi-teinte. Deux voix narratives se chevauchent et se font face : celle de Montse, la mère de la narratrice, qui raconte sa jeunesse radieuse pendant la guerre et celle de George Bernanos, témoin des horreurs de cette période d’insurrection.
Elle, alors âgée de 60 ans, semble avoir volontairement éclipsé une partie de l’histoire pour ne garder que des bribes heureuses de ce passé écorché. Lui se souvient de tout comme au premier jour, la violence des nationalistes, le traitement inhumain des pauvres, la brutalité de toute une époque. Deux échos contrastés qui opposent la douceur juvénile à la cruauté de la guerre.
L’auteure y incorpore ses propres réflexions, ce qui apporte un relief délicat à ces deux discours contradictoires. Les livres parés du prix Goncourt sont aussi des objets de mémoire où l’Histoire s’étale de manière plus intime.
Au-revoir là-haut, Pierre Lemaître (2013)
« Au-revoir là-haut » de Pierre Lemaître est un roman qui se déroule à l’issue de la Première Guerre mondiale en France. L’histoire suit deux protagonistes principaux, Édouard Péricourt, un jeune artiste mutilé par la guerre, et Albert Maillard, un modeste comptable. Les deux hommes se lient d’amitié lorsqu’ils se retrouvent démobilisés et démoralisés par les horreurs de la guerre.
Édouard et Albert, désenchantés par l’injustice et la corruption qui règnent dans la société post-guerre, montent un stratagème pour se venger et trouver leur place dans un monde qui les a abandonnés. Leur plan les entraîne dans un voyage tumultueux, où ils se lancent dans des escroqueries artistiques pour révéler la cupidité et la vanité de cette époque en perdition. Un des livres sanctifiés par le Prix Goncourt qui s’est également converti en film événement.
L’amant, Marguerite Duras (1984)
Les livres ayant reçu le prix Goncourt sont rarement le fruit d’une auteure féminine. Seules 12 lauréates ont pu jouir d’une telle distinction dont Marguerite Duras avec son autofiction audacieuse « L’amant ». Ce roman autobiographique, très effronté pour l’époque, évoque une romance interdite entre une jeune bachelière et un rentier chinois plus mûr. Cette adolescente dont Marguerite Duras tait le nom du début à la fin n’est autre que son double littéraire.
L’héroïne, qui vit dans l’Indochine coloniale de l’entre-deux-guerres, croise la route de cet homme fortuné sur un bac, un genre de bateau à fond plat. L’attirance est immédiate. Malgré le fossé culturel et l’écart d’âge, les deux êtres décident de vivre leur idylle dans la franchise la plus totale. Un amour à la fois touchant et dérangeant qui s’étale sous une plume angélique, épurée de tout artifice. Ce roman est du velours pour le regard.
La vie devant soi, Romain Gary (1975)
Parmi les livres assortis du symbolique prix Goncourt, celui-ci rend hommage aux relations intergénérationnelles et cosmopolites. Il raconte le parcours insolite de Momo, un garçon orphelin, abandonné par sa mère. Il est recueilli par l’exubérante Madame Rosa, une ancienne prostituée reconvertie en nourrice.
Elle a monté un réseau de « garde » pas très légal dédié aux enfants nés de « travers ». Une alternative pour éviter l’assistance publique que Rosa maudit. Lui est d’origine maghrébine et elle est une survivante de l’Holocauste. Malgré leur différence, ils forment un tandem soudé. Rosa le materne comme son propre fils et Momo la considère comme une mère adoptive. L’histoire se déploie sous les mots tendres et candides de Momo, ce qui donne encore plus de véracité à l’intrigue.
Ces livres ayant reçu le prix Goncourt révèlent toute la pluralité de la littérature française. Même s’ils se distinguent par leur style éclectique, ils ont tous une visée commune : planter la plume dans des vérités cachées.