Rééditée cette année, la bande dessinée « Pénis de table » de Cookie Kalkair brise les tabous qui mettent des freins à la sexualité épanouie des hommes. L’auteur traite notamment des différents niveaux d’intensités et de la soi-disant mécanicité de l’orgasme, des effets de la masturbation, de la pénétration, de la normalité dans le couple, de l’orientation et d’autres préjugés sur la sexualité masculine. Dans cette BD, sept hommes discutent hors de leurs zones de confort, la domination non réfléchie hétéronormée, et en viennent à apprendre plus sur eux-mêmes et leur épanouissement sexuel. À découvrir !
La sexualité masculine, des pulsions non réfléchies ?
Si du côté de la sexualité féminine, il reste mille mystères à percer, chez les hommes, la sexualité se bloque avec quelques tabous. Pour la BD « Pénis de table », l’auteur Charles Huteau alias Cookie Kalkair a décidé de s’attaquer aux préjugés sur les sexualités masculines en faisant discuter 7 hommes autour d’une table. Son roman graphique s’articule sous la forme d’une discussion informelle, dans l’ère du temps, entre des protagonistes aux orientations sexuelles et modes de vie divers. On retrouve alors Stéphane, 38 ans, séparé, pansexuel ; Michel, 43 ans, célibataire et hétéro ; Sofiane, 37 ans, bisexuel en couple ; Francis, 39 ans, bisexuel en couple ; Christophe, 26 ans, homosexuel en couple ; Damien, 34 ans, marié, hétéro.
L’auteur leur a posé 50 questions sans filtre sur leur sexualité et tout retranscrit sur la planche, un travail qui a nécessité neuf mois d’interviews. Ensemble, ils abordent toutes les questions, allant de l’enfance, à l’adolescence et jusqu’à leur vie adulte. Avec des illustrations très colorées, des drôles de flashbacks intimes de bourdes sexuelles, on lit des émotions tues par des années de machisme. La parole et les préjugés se libèrent.
De plus, la BD offre graphiques, croquis et données scientifiques, qui viennent appuyer (ou pas) les expériences racontées. Pour toutes les recherches et les statistiques, l’auteur a été aidé par « Immerscience », un groupe de chercheuses qui s’est chargé de tout vérifier. En somme, il s’agit d’un ouvrage léger, drôle, exploratoire et pédagogique.
Les hommes parlent de « performances », pas de ressentis intimes
C’est un des clichés sexistes les plus mis en pratique dans la vie des hommes, celui de ne pas partager ses sentiments. Au niveau de leur vie sexuelle, c’est similaire, ils se passent de détails intimistes et attaquent plutôt directement sur les faits, à coups de « performances » et d’actions. Ils ne s’étalent pas sur ce qu’il se passe dans leurs têtes et dans leurs corps. Avec cette BD, Cookie Kalkair traduit ce manque de « vocabulaire émotionnel » chez les hommes.
Le plus difficile pour les protagonistes de la BD ?, décrire leur orgasme. Souvent considérée comme « mécanique », la jouissance masculine a en réalité différents niveaux d’intensité et prend plusieurs formes. Cet ouvrage aborde alors, sans filtre, des questions très peu – voire jamais – débattues entre hommes.
« Les hommes sont peu habitués à mettre des mots sur leur sexualité et sur leurs sensations. Contrairement à la sexualité féminine qui a été pendant (trop) longtemps censurée par la société patriarcale, je pense que dans le cas des hommes, le problème vient de nous-même. On s’est autocensuré. Ou en tout cas, on nous a élevés comme ça. Parler des faits, de nos conquêtes, de nos actions, on sait faire… mais décrire notre orgasme, c’est une autre affaire. Parler de ce que l’on « ressent » c’est plus difficile. Et cela a demandé beaucoup de travail – de ma part et de la part des participants également – pour casser cette mauvaise habitude. On ne sait pas en parler et on ne nous a pas appris à le faire », s’étonne l’auteur dans une interview avec Néon.
Une BD post #MeToo, en passe de briser la culture du viol
Un des apprentissages importants de cette bande dessinée est aussi la question du couple hétéronormatif, et ses injonctions sexuelles. En effet, l’auteur confie sa découverte à travers les 7 personnages du livre : « Il y a des trucs que les mecs hétéros ne feront jamais à leur partenaire parce qu’ils la « respectent » et qu’ils ont très envie de faire à des coups d’un soir ou des inconnues. Cette dichotomie est dangereuse, c’est ce qui nourrit la culture du viol ». Les tabous de la sexualité genrée empêchent une réelle communication au sein des couples hétérosexuels. En confessant de manière transparente ses fantasmes à son ou sa partenaire, les deux peuvent avancer vers une sexualité épanouie !
Aussi, « Pénis de table » a été réédité cette année, avec quelques ajustements. Les interviews avaient été réalisées avant le mouvement #MeToo. Aujourd’hui l’auteur a eu le matériel et les retours de lecteurs et lectrices pour corriger les contenus blessants, notamment transphobes, grossophobes, ou propageant des éléments de la culture du viol. Comme quoi la sexualité masculine n’est pas donnée, automatique et simple comme on le pense ! Il y a toujours à apprendre et à actualiser.
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