Depuis sa sortie sur Netflix le 18 juin dernier, le film « Un papa hors pair » ne cesse de faire du bruit. Cette comédie dramatique inspirée d’une histoire vraie nous arrache des flots de larmes. Un père, dévasté par la mort subite de son épouse, se retrouve seul avec son nourrisson dans les bras. Le décès tragique de sa femme en salle d’accouchement hante son esprit et foudroie ses plans d’avenir. Désemparé, l’homme, incarné par Kevin Hart, est déchiré entre idées noires et regains d’espérance. Malgré ses passages à vide, il revêt sa casquette multifonctions pour que sa fille, Maddy, évolue dans les meilleures conditions.
Des scènes de tendresse touchantes mêlées à des tableaux sincères poignants, le tout entrecoupé de notes humoristiques… cette mosaïque d’émotions presque palpables transperce l’écran. Une œuvre salutaire qui rend hommage à un fléau feutré : la mortalité maternelle.
Les parents dans le cinéma : ERROR 404
Dans le 7e art, les figures parentales sont embobinées dans une vertigineuse pellicule de stéréotypes. Mères surprotectrices, espionnes dans l’âme, pères cloués sur le banc des absents, égocentrés, souvent dotés d’une paresse innée… ces représentations grossières sonnent faux. Au 21e, elles semblent même invraisemblables. Pour rajeunir cette image caricaturale archaïque, une poignée de films tire le portrait de familles modernes, tantôt soudées, tantôt érodées.
Les réalisateur·trice·s piochent parfois dans leur mémoire personnelle pour solidifier la véracité du script. C’était le cas de Noah Baumbach dans son œuvre incisive « Marriage Story ». Une famille unie, emportée par la tempête des disputes, se fend en mille morceaux. Cette expérience douloureuse brillamment retranscrite fait écho à un phénomène actuel : le divorce. Selon les chiffres, il y aurait 130 000 séparations par an en France. Cependant, ce n’est que la partie visible des tumultes de la vie de parents.
Mortalité maternelle, un cataclysme qui explose le quotidien
D’autres phénomènes plus terribles s’apparentent à des tsunamis dévastateurs. Mortalité infantile, fausse couche, maladie incurable… ces aspects teintés d’amertume peinent à se déployer dans les salles obscures. Mais avec son film « Un papa hors pair » Paul Weitz, lui, s’est frotté à un fil périlleux en abordant la mortalité maternelle. Un sujet sensible régulièrement balayé sous le tapis des tabous. Pourtant, bien qu’il soit rare, ce décès prématuré continue d’arracher des destinées.
Selon les chiffres de l’Inserm et Santé Publique France, entre 50 et 100 femmes périssent chaque année pendant la grossesse ou l’accouchement. Maladies cardiovasculaires, complications, hémorragies obstétricales… après avoir traversé des douleurs infâmes, ces battantes rejoignent le paradis des mères avortées. Une descente aux enfers pour le père, qui subit une double peine. « Un papa hors pair », véritable carton sur Netflix, esquisse avec réalisme ce long parcours de reconstruction, semé de sanglots, d’appréhensions et de remords.
« Un papa hors pair », le combat d’un père qui se démène seul avec sa fille
Étonnamment, l’humoriste Kevin Hart, plutôt rattaché à des rôles cocasses, incarne avec finesse ce père veuf démuni. Dans « Un papa hors pair », il se met dans la peau de Matthew Logelin, un homme dévoué, sensible et brave. Du jour au lendemain, son quotidien paisible a pris une tournure obscure. Alors qu’il s’apprête à accueillir son premier enfant, un événement irrémédiable et profondément injuste vient décimer sa joie.
Son épouse Liz, n’a pas survécu. Matthew a le cœur broyé et son âme s’apparente à une coquille vide, mais tel un guerrier acharné, il se relève et tente d’offrir à sa fille Madeline une certaine stabilité. Un jeu d’équilibriste inédit auquel il ne s’était pas échauffé. En solitaire, il se plie aux défis, parfois coriaces, de la paternité. Au début, le sentiment d’incapacité lui colle au corps. Ce nouveau statut est une plongée dans l’inconnu.
Un film révélateur qui soulève des problématiques brûlantes
Cet homme qui se balade, seul, avec un bébé en écharpe, qui télétravaille avec des gazouillis en toile de fond et qui est devenu un pro des couches se heurte à des discours dévalorisants. « Tu crois pouvoir assumer mais tu ne peux pas », « Vous n’aurez pas la patience », « Cet enfant a besoin d’une représentation féminine »… cette chanson qui tourne en boucle dès qu’il pose un pied dans l’espace public estompe la faible lueur de confiance qu’il avait gagné.
« Un papa hors pair » montre à quel point ces mots déplacés et infondés peuvent marquer. Dans l’imaginaire collectif, cette étiquette du papa maladroit, impassible, désinvesti et autoritaire est encore ancrée. Avec ses séquences croustillantes de douceur, ce film prouve que ces figures de l’ombre peuvent être tout terrain. Grâce à son acharnement et son côté clown réconfortant, Matthew a conduit sa fille sur la pente du bonheur à l’état brut. Une séance de coiffure qui vire en fou rire, une berceuse revisitée par trois amis déjantés, des tours de manège qui se transforment en course-poursuite… on assiste à des moments simples, ruisselant d’authenticité.
Clin d’œil nécessaire à un histoire vraie, peu médiatisée en France
Malgré les obstacles, les frayeurs et les périodes désolantes, ils ont tenu le cap, ensemble. Complices, ils avancent vers des horizons glorieux sous l’œil bienveillant de leur ange gardien attitrée. Une entente incassable et vibrante qui fait rouler quelques larmes sur nos joues. Cette histoire criante de vérité est loin d’être une pure invention fictive. Pour concevoir « Un papa hors pair », le réalisateur s’est en effet basé sur le best-seller biographique « Two Kisses for Maddy : A Memoir of Loss and Love » du véritable Matt Logelin.
L’intrigue narre l’itinéraire cabossé de ce humble héros. Avec sa femme Liz, ils étaient promis à un avenir radieux mais une embolie pulmonaire survenue après l’accouchement la terrasse. En l’espace de 27 heures, son état de santé s’aggrave et elle rejoint les abysses du ciel immaculé. Matt est gagné par des pensées suicidaires, mais il les chasse pour sa Maddy.
« L’idée que notre enfant ne devienne une orpheline m’a retourné l’estomac, et je me suis détesté d’avoir pensé de manière aussi égoïste », a-t-il confié au média The Guardian.
Although, the Holy Grail would be tracking down the coveted Hindu Speaking Fortune Telling Robot that @mattlogelin has had be stuck on for YEARS!!!! Miracles happen, right? my 💕 🤖 is somewhere out there. #Robot #FortuneTellingRobot #TwoKissesForMaddy #TheLizLogelinFoundation pic.twitter.com/xtNpnt8Vh2
— ✌🏼 (@LizzyNotLizard) April 26, 2018
Une plongée intime qui nous prend aux tripes
Pour lui, l’écriture fera office de thérapie. Il ouvre un blog sur lequel il démystifie la paternité puis se met à nu à travers des récits sans filtres. Ce support lui sert de journal de bord. L’homme y partage ses peines, ses déboires et ses lueurs d’optimisme. Il replonge dans le passé, décrit sa femme défunte avec poésie comme le ferait un Charles Baudelaire. Une déclaration d’amour bouleversante qui vibre désormais sur petit écran.
« Un papa hors pair » manie avec dextérité le thème du deuil. Pas d’exagération, ni de lourdeurs démoralisantes, ce film honore dignement la force d’esprit et la constance de ce père unique. À voir !