Mostra de Venise : que vaut le film « Les Enfants des autres » ?

Du 31 août au 10 septembre se tient la Mostra de Venise, en Italie. Cette 79e édition du festival international du film de Venise donne un beau coup de projecteur sur les prochaines sorties qui attendent le grand écran. Le film « Les Enfants des autres », porté par la lumineuse Virginie Efira, fait partie de ces chefs-d’œuvre qui ont retenu l’attention générale.

Brillant et sincère, ce film redore avec émotions le rôle « entaché » de la belle-mère. Un angle peu traité dans le 7e art qui a pourtant une visée universelle. Loin des clichés de la marâtre impitoyable, ce film est une plongée précieuse dans la vraie vie des belles-mères. On vous explique pourquoi. 

Montrer le vrai visage des belles-mères, celui que personne ne valorise

Se frayer une place dans un cocon déjà « complet », faire face au regard désapprobateur d’un enfant inconnu, mettre des années avant d’être acceptée… la posture de la belle-mère est délicate. Et depuis la nuit des temps, elle n’a pas bonne presse. Dans l’imaginaire collectif, la belle-mère reste cette personne imbuvable adepte de ragots. La faute aux Disney. Entre la peste de belle-mère de Cendrillon et la marâtre cruelle de Blanche Neige, difficile de trouver des repères « glorifiants » pour cette figure. Les stéréotypes ont la peau dure.

Alors, il est urgent de rectifier cette perception réductrice. D’autant que ce costume de belle-mère est revêtu par des femmes du monde entier. Selon l’Insee, en France, on dénombre 720 000 familles recomposées. Il s’agit d’un sujet sensible et intemporel encore absent du grand écran. Mais avec son film « Les Enfants des autres » Rebecca Zlotowski change la donne et livre une image inédite de ce rôle à double tranchant.

Prévu en salles le 21 septembre prochain, il dépeint avec une franchise naturelle les montagnes russes auxquelles les belles-mères sont régulièrement soumises. Ici, c’est Rachel, incarnée par Virginie Efira, qui expérimente les tumultes de ce nouveau statut. En couple avec Ali, jeune papa, cette enseignante se fait une joie de rencontrer sa fille Leila.

Accepter cet enfant des autres comme le sien, un risque à prendre

Directement conquise par la fillette de 4 ans, la quarantenaire s’éprend d’un amour indéfectible pour elle. Aux petits soins, elle lui prépare ses goûters, la borde, la soigne. Mais ces attentions maternelles se font vite rattraper par la réalité biologique. Rachel n’est qu’une maman de substitution, une figurante, sans liens du sang. Et la défiance ponctuelle de Leila envers elle enfonce le clou.

Être irréprochable n’est pas un besoin, c’est une nécessité. Rachel, persuadée que son corps ne lui offrira plus la vie, compense cette maternité perdue grâce à Leila. Malgré les soubresauts que lui réserve ce rôle, elle se démène pour sculpter l’équilibre de ce quotidien à trois. « Les Enfants des autres » est un portrait touchant sur les belles-mères d’hier et d’aujourd’hui. Celles qui poussent la porte d’un nid familial parfois fragile ou celles qui chérissent ces enfants étrangers comme leur propre chaire.

La véracité transperce l’écran

De nombreuses belles-mères se reconnaîtront à travers « les Enfants des autres ». Ce film place enfin ces femmes oubliées en haut de l’affiche. Le scénario, fluide, captivant et sans filtre, rend l’histoire familière.

Contrairement à d’autres créations caricaturales, le film, en compétition à la Mostra de Venise, évite les digressions et autres problèmes « superficiels » pour se concentrer sur l’essentiel. Il n’est pas question de rivalité avec la mère ou de menaces de l’enfant, simplement de sentiments bruts. Et c’est déjà bien suffisant pour notre penchant émotif.

Les personnages principaux, attachants par leurs petites failles psychologiques si communes, apportent encore plus de puissance à l’histoire. Le jeu d’acteur de Virginie Efira est d’un naturel déconcertant. L’actrice, multi-récompensée, illustre avec tendresse ce rôle si complexe. Loin du tragique ou du fatalisme, « les Enfants des autres » est un témoignage vibrant sur l’épanouissement des belles-mères. Ce qui apparaît comme un supplice aux yeux de la société est ici perçu à la manière d’un beau cadeau, une sorte de seconde chance.

« Je voulais simplement faire le film que j’avais besoin de voir, en pensant que peut-être d’autres auraient besoin de le voir aussi », déclarait la réalisatrice dans une note d’intention

« Les Enfants des autres » déroule le tapis rouge à une parentalité à la fois singulière et plurielle. Ce film participe, à sa façon, à nettoyer les mentalités de toutes ces idées reçues autour des belles-mères. C’est une création d’utilité publique à ne pas manquer.

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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