« Petite Fille » : un vibrant hymne à la tolérance et à la liberté

Née dans un corps de garçon, Sasha se sent fille. Du haut de ses huit ans, entourée de toute sa famille, elle mène un combat : prouver que c’est une petite fille comme les autres. Pendant un an, le réalisateur Sébastien Lifshitz a suivi toute la petite fratrie dans ce combat pour la reconnaissance. « Petite Fille » est un documentaire d’1h20 disponible sur Arte.tv, jusqu’au 30 janvier 2021. Voici pourquoi vous devriez y jeter un coup d’oeil.

Un regard neuf sur une thématique sensible

Délaissé de tout stéréotype, ce long format très engagé s’inscrit dans un récit aussi bien édifiant, lumineux que rempli d’amour. Devant la caméra de Sébastien Lifshitz, on voit Sasha chez elle dans la petite commune de Laon (Aisne) ou lors de son premier rendez-vous avec une pédopsychiatre au bord des larmes. Tout est dit, montré, sans tabou, avec une splendide simplicité. Rares sont les sujets aussi sensibles diffusés en prime time sur petit écran.

En filmant avec pudeur et justesse, Sébastien Lifshitz raconte la quête d’identité, et surtout d’acceptation, que vivent bien des transgenres. Pour cela il s’attarde sur une période cruciale où tout s’écrit, se créée ou se casse : l’enfance.

Une voix qui fait écho au combat des transgenres

L’œil-caméra de Lifshitz s’attarde souvent sur le visage silencieux de Sasha, innocente face à un monde en décalage. Lors des séquences de danse où seul l’enfant est là, comme pour s’éloigner d’un monde adulte confus qui l’étouffe et l’oppresse. Les enfants créent une société alternative où tout paraît plus harmonieux.

Ce sont à la fois les moments les plus simples, mais aussi les plus durs. Particulièrement quand les larmes de la petite fille coulent exprimant toute la douleur et la violence dont elle n’arrive pas à mettre de mots dessus. Mais aussi de toute la force, dont du haut de ses huit ans, dont elle fait preuve pour affirmer qui elle est.

Tout au long du long métrage, Sasha martèle « je suis une fille » quand on lui assène qu’il faut qu’elle cesse de se « déguiser en fille« . Cette petite phrase innocente deviendra le cri de guerre du combat que mène la petite fille parfois accueillie avec tendresse et délicatesse d’autre fois avec cruauté et incompréhension.

« Sasha est l’héroïne, oui, mais ce n’est pas une bête de foire » – rappelle sans détour son père.

Une bulle difficile à étendre

Le documentaire montre très bien la différence entre le monde intérieur et extérieur de la petite fille. L’acceptation de sa famille qui aurait été le problème central est évacuée avec une simplicité à la fois déconcertante et réconfortante. Ses parents et frères et soeurs la soutiennent coute que coute et sont montrés à l’écran.

Les personnages extérieurs, du directeur de l’école à la professeure de danse refusant de considérer Sasha comme une fille ne sont pas montrés à l’écran, car ils ne le souhaitaient pas. Considérant que l’enfant « finira par rentrer dans le droit chemin« .

« Si ‘sexe : masculin’ n’est pas écrit sur un papier, qui le sait au juste ? Mais parce que c’est écrit, ma gamine passe à côté de son enfance. Et je trouve ça dégueulasse. » – Karine, la maman

On assiste à un véritable fossé entre l’intérieur du cercle familial, filmé comme une bulle féerique d’amour et d’acceptation, et le monde extérieur, rempli rejet et de codes sociaux vieux du Moyen Âge qui refusent l’identité trans de Sasha.

Cela ne dérange pas forcément le visionnage, mais accentue la prise à partie du réalisateur. L’absence des forces extérieures et sans visages, qui dans l’ombre décide de la vie des autres à coups de papiers administratifs ou de mots blessants, sans jamais oser affronter l’œil qui les jugera, celui de la caméra.

D’ailleurs, bien que le titre soit « Petite fille », la famille entière constitue le centre de l’histoire du film, notamment la mère. Car pour transparaître la violence de ce que Sasha peut vivre au quotidien, c’est Karine qui se retrouve porte-parole alors que sa fille n’arrive pas forcément à formuler ce qu’elle ressent.

Le portrait poignant de la mère

Karine, la mère de Sasha, est très touchante et toujours à fleur de peau, ses émotions sont prêtes à jaillir à chaque mot. La façon dont elle livre à la caméra doutes et inquiétudes sans aucune censure est bouleversante. Pour autant, elle est aussi prête à se donner corps et âme pour que sa fille grandisse dans le meilleur des mondes.

Face à la pédopsychiatre qui les aide, elle raconte comment face à son enfant de 4 ans qui lui répétait « quand je serai grand, je serai une fille » et « je déteste mon zizi« , elle pensait à une simple « passade« . Mais, heureusement, et contrairement à certains parents, elle a accepté et aidé son enfant à être qui elle voulait à la maison. Porter des jupes et des ballerines et à parler d’elle au féminin donc. À comprendre que sa petite fille est « emprisonnée dans un corps de garçon« . Elle se délivre aussi d’un poids énorme : la culpabilité.

Complexe de la « mauvaise mère » par excellence persuadée d’avoir fait « quelque chose de mal« . Pensant qu’elle est responsable de ce qui arrive à sa fille, car elle souhaitait avoir une fille quand elle était enceinte et qu’elle pense l’influencer en lui donnant un prénom mixte.

L’amour inconditionnel de cette mère bouleverse. Un amour bien résumé par ce père, qui au-delà de ses airs durs affirme : « C’est mon enfant, point« .

Un combat contre la « dysphorie de genre »

Si Sasha et sa famille ont accepté d’être filmées, c’est pour faire mieux connaître la dysphorie de genre. On ne parle pas du phénomène en lui-même, mais bien de la souffrance des personnes à qui on refuse de les considérer comme ce qu’elles se sentent plutôt que ce qu’elles sont physiquement.

Après « Adolescente » sortie en début d’année, avec ce documentaire Sébastien Lifshitz voulait donc « raconter la transidentité dans l’enfance« . C’est via un forum de parents confrontés à la « dysphorie de genre » de leur enfant qu’il a rencontré Karine.

« Ces parents sont démunis, la médecine traditionnelle est incompétente face aux troubles d’identité de genre et aucune institution ne les aide« , raconte le cinéaste.

« Petite Fille » nous pousse à revoir nos propres habitudes de pensée, sans agression, mais sans relâche. Diffusé en prime time le 2 décembre dernier, le documentaire a fait un véritable carton avec 1 375 000 téléspectateur.rice.s. Vous n’avez plus qu’à regarder ce documentaire bouleversant et pédagogique sur Arte TV. Bon visionnage (et préparez vos mouchoirs).

Léa Dechambre
Léa Dechambre
Que vous cherchiez des conseils pour les cheveux, la peau, les relations, ou simplement pour naviguer dans les défis du quotidien, mes articles visent à vous accompagner avec des informations pertinentes et des solutions concrètes.
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