L’arrivée d’un.e enfant provoque un bonheur infini. Mais les mois suivant la naissance de ce petit être, qui a transformé la maison en foyer et le couple en famille, ne sont pas de tout repos. La période post-partum est un véritable challenge pour les mères, qui doivent apprivoiser ce nouveau rôle sans mode d’emploi. Cette réalité s’extirpe de l’intimité pour s’exposer sur feuille blanche à travers des histoires dessinées. Ces 7 BD capturent avec justesse le post-partum et les tourments qui vont avec. Bien plus décomplexées et immersives que les livres techniques découpés en gros pavés, elles peignent les premiers pas, parfois fébriles, dans la maternité. Drôles, touchantes, mais surtout sincères, elles ont le don de dédramatiser cette parenthèse, pas si enchantée.
Comme une comète
D’une patte candide et sous des couleurs pastel, Aurélie Crop trace le parcours d’une jeune mère, un peu dépassée par la naissance de son fils. Cette maman en devenir s’appelle Amandine. Elle est graphiste de métier et a le sens de l’organisation. De nature perfectionniste, elle s’assure que tout soit toujours « impeccable ». Mais elle n’a pas vraiment anticipé la venue de ce bébé, qu’elle considère encore comme un étranger. Lorsqu’elle met son fils au monde, elle n’a pas les émotions espérées.
Au fil des pages et des planches, Amandine froisse l’image de la « superwoman » et s’expose avec ses doutes, ses fragilités et ses désillusions. Alors que l’alchimie commence à naître au-dessus du berceau, une impensable nouvelle tombe : Max, son fils est albinos. Amandine, sonnée par cette annonce, a l’impression que le sort s’acharne sur elle. Elle se sent démunie, voire malchanceuse dans ce moment que tout le monde dépeint comme « le plus beau d’une vie ». Mais elle finit par tisser des liens forts avec son fils et à accepter ce handicap. Une BD sur le post-partum dans laquelle on se reconnaît facilement et qui trouve une résonance dans chaque foyer.
La Remplaçante
Marketa et Clovis sont éperdument amoureux. Concevoir un.e enfant était leur plus cher souhait et les deux traits bleus sur le test de grossesse sont venus l’exaucer. Le couple est sur un petit nuage. Mais à la naissance de cet enfant, tant désiré et tant fantasmé, c’est la descente aux enfers. La chute est vertigineuse, surtout pour Marketa, indifférente face à ce bébé qui est la chair de sa chair.
Au premier contact, l’instinct maternel est inexistant et l’amour ne prend pas. Ce qui est supposé relever de l’évidence ne l’est pas. Marketa est rongée par les regrets, les doutes et les peurs. Au lieu de se projeter dans ce futur à trois, elle aimerait revenir en arrière, à ce quotidien à deux. Elle ne voit pas son enfant comme un cadeau, mais comme une erreur. Marketa, touchée par la dépression post-partum, se met alors à rêver d’une remplaçante qui assumerait cette partie pénible et qui lui servirait de doublure le temps de digérer la maternité. Elle se persuade qu’une autre ferait forcément mieux qu’elle. Cette BD aborde le rude sujet de la dépression post-partum avec une franchise quasi vitale.
Chère Scarlet
Dans ce roman graphique très personnel, Teresa Wong partage son propre récit et rouvre un douloureux chapitre de sa vie de mère. Cette BD s’articule comme une lettre à sa fille, Scarlet, et mouille rapidement les yeux. Elle se déploie en noir et blanc, couleurs qui illustrent bien les facettes sombres de la maternité.
Les planches capturent cette douleur qu’il faut vivre pour comprendre et qui se subit généralement en silence. Chère Scarlet plante le crayon dans la plaie. Elle montre une mère prisonnière de son mal-être, qui se sent impuissante face à ce petit être, très demandeur. C’est une BD précieuse qui retranscrit les affres de la période post-partum, plus souvent noire que toute rose.
Un corps pour deux
Masha Explique, créatrice de contenu qui éduque à la sexualité et qui initie au plaisir intime, est devenue une spécialiste des questions « hot » sur la toile. Mais là, elle quitte les pixels pour remplir les pages blanches d’une BD et coucher son histoire sur papier. Mère d’une petite fille, Masha se met à nu et rembobine sa maternité pour la bonne cause.
Elle évoque la difficulté de se réapproprier ce corps, qui porte les stigmates de ces neufs mois de grossesse et qu’elle doit encore partager avec son enfant. Avec un humour décapant et beaucoup de légèreté, elle évoque aussi tous les effets physiques du post-partum : les saignements, les hémorroïdes et d’autres réjouissantes découvertes. Une BD qui brosse une période post-partum chaotique, loin du scénario rêvé.
À la dérive
Ce bébé était presque inespéré. Après plusieurs tentatives de conception sous la couette, il allait enfin pointer le bout de son nez. Cet enfant était attendu comme le Messie par les deux parents. Mais une fois que Rose est venue au monde, elle n’a pas réussi à cueillir la tendresse de sa mère, complètement désenchantée. La maman s’est rapidement noyée dans les impératifs de la maternité et n’a pas su trouver sa place.
Elle a fini par se perdre dans ce nouveau rôle très accaparant. Présente, mais effacée, elle se sentait obligée de coller à cette image de la maman dévouée et de feindre un amour sans limites. Cette BD peint les contours cabossés de la maternité et les déboires du post-partum.
Année Zéro
Madeleine baigne dans la maternité. Elle est sage-femme et aide les futures mamans à mettre leur enfant au monde. Témoin de grossesses plus ou moins heureuses, elle maîtrise bien le sujet. Pourtant, à la naissance de son enfant, elle semble avoir tout oublié et devoir tout réapprendre. Rien ne se passe comme prévu. Même si elle est habituée à bichonner les enfants des autres, avec le sien c’est différent.
Elle patauge dans son post-partum. C’est plus facile d’être spectatrice que dans le vif de la maternité. Madeleine, sujette à de grosses turbulences émotionnelles, ne sait plus où donner de la tête. Devenir parent n’est pas innée, c’est un perpétuel apprentissage. Et cette BD sur le post-partum le rappelle brillamment.
Baby Bleu
Le titre de cette BD est explicite et annonce le thème dès la première de couverture. Ce livre dessiné aborde la dépression post-partum avec un style visuel percutant et un certain sens de la poésie. Dans « Baby Bleu », Marion Nail broie du noir (ou plutôt du bleu). Depuis la naissance de son enfant, elle est partagée entre la colère, le désarroi et les angoisses. Cet événement, souvent suivi des adjectifs les plus éloquents de la langue française, a mis un sacré bazar dans sa vie et dans sa tête.
Dans cette BD, les pensées les plus secrètes de Bleu, alter ego sphérique de l’auteure, se mêlent à des bribes de ses séances de psy. Tous ces discours croisés mettent en mots ces émotions, normalement « interdites » à l’aube de la parentalité. La maternité laisse des bleus sur la santé mentale et dans l’esprit… ce que traduit avec justesse cette BD sur le post-partum. Pendant cette période, la vie est parfois bien fade.
Ces BD dressent le portrait d’une maternité agitée, où la théorie est plus facile que la pratique. Une représentation essentielle pour ces jeunes mères, qui se sentent souvent seules dans ces tourments pourtant communs.