Pourquoi les séries avec des serial killers nous captivent autant ?

Jack l’Éventreur, Ted Bundy, Charles Manson ou plus récemment Jeffrey Dahmer… les serial killers transpercent le petit écran. Depuis des années, leurs exploits morbides et leur perversité innée fascinent les foules du monde entier. À l’époque, ces criminels de la pire espèce faisaient la Une des faits divers, aujourd’hui ils rôdent dans nos séries fétiches.

Effrayants, monstrueux et redoutables, se replonger dans les histoires des tueurs en série pourrait paraître un tantinet sadique. Et pourtant, c’est bien plus complexe que ça. Pourquoi ces héros « négatifs » en tête d’affiche sur Netflix attisent-ils la curiosité générale ? Spoiler alert : la démence n’a rien à voir là-dedans. 

Les serial killers, une fascination de longue date

Quartier de Whitechapel, 1888. L’ombre de Jack L’Éventreur plane dans ces rues malfamées de la capitale britannique. Le Londres paisible devient alors le théâtre de crimes sanglants d’une férocité inouïe. Des prostituées y sont égorgées et éventrées dans le plus grand des silences. Ce mode opératoire qui relève de l’horreur absolue indigne au-delà des frontières. Cette affaire qui se transforme en chasse à l’homme hors norme est un sujet en or pour la presse.

À l’époque, le nom du mystérieux Jack L’Éventreur n’échappe à aucun titre. Le monde entier est suspendu à ce feuilleton éditorial, pourtant atroce. Les ventes de journaux battent des records. Le Star, quotidien le plus en vogue du pays, écoule 300 000 exemplaires par jour, preuve d’une attention collective.

Décortiqué en long, en large et en travers, ce criminel sans visages a même donné son nom à un type de littérature, le « ripperology » à savoir l’éventrologie. Et 134 ans plus tard, l’énigme reste entière. Ce personnage inhumain, véritable cauchemar sur pieds, en a inspiré d’autres. Et leur tableau de chasse est tristement bien rempli.

Il y a eu Ted Bundy et ses 30 victimes, John Wayne Gacy et ses 33 victimes, mais aussi Jeffrey Dahmer spécialisé dans la découpe d’êtres humains et ses 17 victimes. Dans les États-Unis des années 80, on ne compte pas moins de 200 serial killers selon le professeur en criminologie James Alan Fox. Une invasion inédite qui nourrit les peurs profondes de l’époque. Si en 2010, la popularité de ces monstres déguisés en monsieur tout le monde s’essouffle, les écrans la font désormais renaître de ses cendres.

Un regain de popularité marqué par les séries

Après les livres, les documentaires et les émissions à la « Chronique Criminelle », les serial killers se sont fait une place de choix dans l’univers accrocheur des séries. Que ce soit l’incontournable « Dexter », expert médico-légal le jour, serial killer la nuit ou l’impénétrable « Hannibal » psychiatre cannibale, les séries entretiennent le mythe. Et ce n’est pas la dernière sortie Netflix intitulée « Dahmer : Monstre » qui dira le contraire.

Cette série portée par l’inimitable Evan Peters a comptabilisé des millions d’heures de visionnage en seulement une semaine. Inspirée de faits réels, elle tire le portrait glaçant de celui qui se faisait appeler « le Cannibale de Milwaukee ». Et malgré ce synopsis qui hérisse le poil, les adeptes de séries ont directement mordu à l’hameçon.

Vous vous demandez certainement « qu’est-ce qui cloche chez les sérivores » ? À vrai dire, pas grand-chose. Scénarios haletants, personnages insaisissables, intérêt viscéral pour le tragique… ce trio de tête motive les troupes. Mais ce n’est pas tout. Ces histoires incarnées avec un réalisme déconcertant répondent à une indiscrétion commune. Les séries autour des serial killers sont une porte ouverte pour mieux comprendre leur personnalité si complexe.

Les séries attribuent une étiquette inédite aux serial killers : celle de héros « négatifs ». Et c’est tout un symbole. En leur donnant ce premier rôle, elles montrent la puissance presque mystique des serial killers. Ils semblent supérieurs au commun des mortels et donc invincibles.

Leur psychologie indéchiffrable nous intrigue

Hormis les pics d’adrénaline que ces séries procurent, elles auscultent aussi l’intérieur « brouillon » des serial killers. Ces psychopathes créent ce que l’on nomme l’ambivalence affective. Un sentiment très contradictoire qui conjugue haine et fascination. On cherche à comprendre le pourquoi du comment, sans pour autant renier la connotation terrifiante de leurs actes. Mais ce phénomène n’est pas une science exacte.

Ils provoquent aussi l’effet du miroir inversé. Dans notre société conditionnée par des lois, des règles et de « bonnes manières », ces acharnés du mal dénotent complètement. Ils concrétisent leur pulsion macabre sans se soucier des interdits. Inconsciemment, les serial killers, boulimiques de barbarie chahutent la « part sombre » qui dort en nous.

Vous pensez qu’il est impossible de s’identifier à ces psychopathes ? Méfiance. Ces marginaux questionnent notre aversion de l’autre et notre liberté individuelle. Pire encore, dans les séries, ils parviennent à glaner notre sympathie. Shokingly Evil qui retrace le parcours de Ted Bundy, un homme lambda qui faisait mine de se blesser pour attirer ses proies, lui sculpte une personnalité presque attachante.

Le visage des serial killers sublimé par les séries

La série « You » a définitivement révolutionné l’image du sérial killer, le rendant plus attirant que jamais. Joe Goldberg, libraire au physique charmant, est la clef de voûte de cette création. En apparence, il n’a rien d’un méchant. Et c’est là toute la subtilité. « You » nous range du côté de cet être séduisant manipulateur qui manie l’art et la manière du sadisme à la perfection. La série prend le parti très osé de mettre Joe dans la peau de l’homme tourmenté. Pourtant, ça ne lui enlève pas son titre de tueur.

Cette glamourisation poussée à l’extrême est un pur produit de fiction et elle efface les frontières du « tolérable ». Même son de cloche dans « Le Silence des Agneaux » ou le serial killer est ni plus ni moins un érudit de bon goût qui garde un musée de Florence en dehors de ses activités nauséabondes.

Et certaines femmes leur vouent un culte à peine croyable. Certes, le bad boy en botte de cuir, tatoué de la tête au pied a longtemps alimenté les fantasmes de ces mesdames. Mais les serial killers semblent avoir encore plus la cote. Charles Manson, un hippie sectaire à l’origine de meurtres rituels a ainsi reçu 20 000 déclarations d’amour par lettres et mails lorsqu’il était en prison. Cette adoration résulte du syndrome de Bonnie and Clyde. Un mélange entre fascination, frisson et soif de gloire.

Si vous faites partie de ces personnes qui se complaisent à mater des séries sur les serial killers, n’ayez plus honte. Les tueurs en série, régulièrement embellis sur petit écran, sont devenus des protagonistes « vendeurs », précurseurs de buzz. Cette fascination n’est donc pas près de s’éteindre.

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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