« Sexify », la série Netflix qui explore sans tabou et avec humour le plaisir féminin

Une étudiante polonaise veut remporter un concours en créant une application qui optimiserait l’orgasme féminin à travers la science. Comme elle ne connait rien au sexe, ses amies vont lui donner un coup de pouce, à partir de leurs expériences personnelles. « Sexify » est en cela une série légère et drôle qui lève des tabous tenaces sur le plaisir féminin. Le tout en faisant écho aux mesures conservatrices actuelles en Pologne. La première saison, en 8 épisodes, est à voir sur Netflix. Découverte.

Une invention « sexy, qui plait à tout le monde »

« Sexify », la série réalisée par deux femmes polonaises, Kalina Alabrudzinska et Piotr Domalewski, cartonne sur Netflix depuis sa sortie en avril 2021. La plateforme propose déjà un grand panel de séries explorant le thème de la sexualité (Sex Education, Elite, Lovesick, etc), mais Sexify a la particularité de se pencher à 100 % sur le plaisir féminin.

Natalia, ingénieure brillante en devenir, est déterminée à gagner un concours universitaire. Son projet d’application pour optimiser le sommeil est jugé ennuyeux par son tuteur, elle doit alors trouver une invention « sexy, qui plaise à tout le monde ». En découvrant que les personnes autour d’elle sont fascinées par les questions de sexe, elle décide de créer en trois mois une application qui optimisera l’orgasme féminin. Le hic, c’est qu’elle n’y connait rien au sexe. Elle connait plus la programmation que son propre corps.

Un chemin initiatique vers la connaissance de soi

Ainsi, Natalia va s’entourer de deux amies expérimentées : Paulina, fervente catholique fiancée à un militaire avec qui ils ont des relations hors mariage, et Monika, fille gâtée à la vie sexuelle épanouie et bien agitée. La série dépeint alors trois mœurs sexuelles complètement opposées, mais sans jugement. C’est justement là que Sexify touche un point important de la sexualité féminine : elle est différente à chacune, et leur manière de disposer de leur corps n’appartient qu’à elles seules. Chaque corps et chaque sexualité est unique. Petit à petit au fil des épisodes, on comprend une notion essentielle : atteindre l’orgasme, c’est avant tout connaître son corps.

C’est un chemin initiatique vers la découverte de leur propre plaisir sexuel. Un chemin qui traîne un peu sur les premiers épisodes de la série, avec quelques clichés. Par exemple, Natalia commence par se demander si la taille du pénis compte pour avoir un orgasme féminin, elle pense ne pas pouvoir se masturber pour faire son expérimentation (car elle est vierge), les copines se baladent dans un sex shop pour la première fois, etc.

Aussi, les relations hétérosexuelles et les symboles phalliques restent plus présents que les emblèmes vulvaires. Mais par la suite, la série arrête de jouer la comédie grand public, arrive à toucher des thèmes plus originaux, et devenir plus subversive.

Un écho à la politique conservatrice en Pologne

La série démarre donc avec une approche très hétéro-normative de la sexualité. Mais petit à petit de nouveaux personnages vont venir élargir le spectre des sexualités, on observe une communauté LGBTQ+, dansant le voguing dans soirées étudiantes et étant fier.ère.s de leurs désirs sexuels. Un pied de nez au gouvernement polonais qui, entre autres, refuse toujours le droit de mariage entre deux personnes du même sexe.

On observe aussi la question du sexisme dans le monde universitaire et dans le monde de la tech. L’orgasme féminin arrive non sans obstacle à prendre une place légitime dans le monde académique et scientifique. Surtout lorsqu’il est proposé par une femme dans un monde majoritairement masculin.

Derrière les tons légers et humoristiques de « Sexify », le programme fait donc presque office d’œuvre politique. Car sa sortie sur la plateforme en avril 2021 se range dans le contexte d’une Pologne ultraconservatrice au niveau des droits des femmes. En effet, dans un arrêté datant du 22 octobre 2020, le Conseil Constitutionnel rendait quasi illégale l’IVG (l’interruption volontaire de grossesse). L’avortement n’est possible qu’en cas de viol, d’inceste ou de danger pour la mère.

En automne 2020, ce projet de loi avait mobilisé des dizaines de milliers de Polonais.es dans la rue. Et elles continuent à se battre aujourd’hui pour reprendre le contrôle de leur corps. Les personnages de « Sexify » symbolisent alors cette nouvelle génération de femmes qui ne se laissent pas faire.

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Cindy Viallon
Cindy Viallon
Journaliste free-lance, mes sujets de prédilection sont les féminismes intersectionnels, la société et la culture. J’aime déconstruire l’actualité et briser les tabous une fois pour tous·tes !
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