Voici pourquoi les mères dominent les films d’horreur, les raisons vont vous surprendre

Au cœur des films d’horreur, il y a souvent une mère qui rôde et qui nourrit la peur. De « Psychose » à « Hereditary », en passant par « Carrie » et « The Babadook », la figure maternelle est reine dans le registre de la frousse. Mais elle n’est pas forcément présentée sous son meilleur jour. La maman, supposée incarner la sécurité et le réconfort, suscite la méfiance et les cris d’effroi. Celle qui procure généralement les câlins les plus réparateurs se métamorphose en une créature pleine de vices. Sous une forme humaine ou spectrale, elle sème la terreur. Elle met à l’amende tous les démons de la pop culture. Un portrait sinistre et médiocre de ce pilier de la famille. Voici pourquoi les mères écopent d’une telle réputation dans les films d’horreur.

L’archétype de la « mère dévorante », omniprésent

Dans les films d’horreur, les femmes sont des proies faciles, des victimes sans défense. Hissées dans des chemises de nuit très suggestives et repérées bêtement par leurs cris stridents, elles ne font pas long feu dans l’intrigue. Seules les mères échappent à cette caricature de la « pauvre petite chose fragile ». Cependant, leur image est sacrément égratignée. Lorsqu’ils sont à court d’idées, les réalisateurs de films d’horreur s’emparent de la figure maternelle et prennent un malin plaisir à la défigurer.

Cette femme généralement associée à la douceur et à la sécurité se mue en mère dévorante et sans pitié. C’est le mal personnifié. Au lieu de protéger sa progéniture à revers de couteau, elle exerce un pouvoir malsain sur ses enfants. Dans « Carrie », Margaret White pense être l’héroïne de sa fille alors qu’en réalité elle est sa plus grande menace. Mère oppressive, envahissante et féroce, elle contrôle son enfant jusqu’à la folie. Dans les films d’épouvante, cet archétype est exploité pour toucher des peurs primales liées à l’emprise maternelle.

Si les mères campent d’horribles personnages dans les films d’horreur, ce n’est pas un hasard. La figure maternelle, supposée convoquer des émotions positives et des souvenirs heureux, se retrouve volontairement abîmée et détournée. C’est un choix stratégique. Ces mères corrompues et détraquées éveillent naturellement le frisson puisqu’elles dérogent à cette image de tendresse et de perfection ordinairement associée à ce titre parental. Ces mères, au premier plan des films d’horreur, incarnent un cauchemar collectif : être le souffre-douleur de celle qui nous a donné la vie.

Les mères dans les films d’horreur, source de tous les maux

Dans « Hereditary » d’Ari Aster, la mère ne transmet pas seulement un patrimoine génétique à ses enfants, elle leur lègue une lignée de malédictions et de secrets terrifiants. Elle leur confie un héritage empoisonné et un avenir presque sans issue. Dans Psychose d’Alfred Hitchcock, la mère de Norman Bates, le protagoniste, est l’antithèse même de l’amour maternel. Elle ronge son enfant de l’intérieur et lui retourne le cerveau pour le manipuler à sa guise. Les exemples comme ceux-ci sont nombreux sur le petit écran.

Même lorsqu’elles n’ont pas de sang sur les mains, les mères en vedette des films d’horreur sont toujours déséquilibrées. Ce sont des diables, sans queue ni cornes. Elles portent en elles une cruauté qui semble contre nature. Cette idée que les mères puissent être, malgré elles, des relais de souffrance ou de malédiction évoque une crainte que des traits, des peurs ou des blessures irrésolues se transmettent à travers les générations. Ainsi, les mères dans les films d’horreur deviennent bien plus que des personnages : elles incarnent une menace existentielle.

La mère monstrueuse : une critique des pressions sociales

La société exige des mères qu’elles soient parfaites, infaillibles et toujours dévouées. Ce poids de l’attente et de la perfection peut se retourner contre elles, créant des figures de « mères monstrueuses » dans les récits d’épouvante. La mère déchue, c’est un peu le « joker » quand les cinéastes n’ont pas la fantaisie d’inventer une énième créature abominable ni l’envie de rivaliser avec le clown de « Ça ». Finalement, les mères qui investissent les films d’horreur sont une version extrême et radicalisée de ce que la société exige d’elles. C’est cette pression sociale qui les fait basculer dans le côté obscur et qui libère leurs démons. Selon cette idée très machiste (merci le male gaze), les mères qui ne savent pas jouer les superwomen sont forcément des êtres ignobles.

Dans « The Babadook », Amelia est une mère épuisée et en deuil, incapable de gérer son fils hyperactif. En parallèle, elle doit lutter contre sa dépression, qui affecte tout son quotidien. Ce film explore comment les attentes et les jugements externes transforment une mère en une figure effrayante, non pas parce qu’elle est naturellement maléfique, mais parce qu’elle est humaine, imparfaite, et oppressée par son rôle. La monstruosité, ici, est une allégorie des pressions sociales.

La mère, une figure universelle, facile à exploiter

À la différence d’un vampire, d’une sorcière maléfique, d’un zombie désarticulé ou d’une créature répugnante, la mère est une figure familière qui parle à tout le monde. Elle évoque instinctivement un amour sans limites. Mais elle renvoie également à des peurs archaïques liées à la dépendance, à l’autorité et au contrôle. Si les mères sont autant utilisées dans les films d’horreur c’est parce qu’elles éveillent des sentiments très personnels. Les cinéastes n’hésitent donc pas à toucher cette corde sensible pour titiller vos peurs les plus enfouies et terroriser votre enfant intérieur.

En tordant cette image universelle de la mère pour la transformer en menace, les réalisateurs ne vous font pas seulement sursauter jusqu’au plafond. Ils appuient là où ça fait mal. La figure censée être la plus protectrice de notre vie devient soudainement la source du danger, voire de la mort.

Si les mères se font ambassadrices du crime et de la pétoche dans les films d’horreur, c’est avant tout par « intérêt ». Les réalisateurs connaissent le potentiel de cette figure, très chère au public. Or, hisser les mères en croque-mitaines ou en tueuses de bébés n’est pas forcément un cadeau. D’ailleurs, Disney aussi a une dent contre les mères

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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