Pour la majeure partie d’entre nous, à peine ouvrons-nous les réseaux sociaux que les nouvelles bondissent. La planète va mal, le réchauffement climatique ne cesse d’inquiéter et nos vies telles que nous les connaissons sont en danger. Rien de bien nouveau, malheureusement. Pourtant, il semblerait que ces informations d’apparence indiscutables ne fassent pas l’unanimité. Voire qu’elles soient niées à coups de discours divers et variés, parfois très convaincants. Le courant climatosceptique ne perd pas en vitesse, il en prendrait même davantage. Comment le climatoscepticisme réussit-il à faire des adeptes ? On décode.
Qu’est-ce que le climatoscepticisme ?
Il est également connu sous le nom de négationnisme climatique.
La source climatosceptique
Le climatoscepticisme connaît plusieurs visages, mais deux d’entre eux sortent particulièrement du lot. D’un côté, il y a la reconnaissance d’un climat changeant, mais la mise en doute de sa cause. De l’autre, il s’agit de la négation totale du réchauffement climatique.
Ce courant de pensée puise ses origines aux États-Unis. Dans les années 80, le pays voit grandir des « contre-sciences » du climat. Ces dernières sont alors intimement liées aux grandes compagnies pétrolières et au parti politique des Républicains. On parle alors de « think thanks » : « cercles de réflexion émanant généralement d’institutions privées, et aptes à soumettre des propositions aux pouvoirs publics ». Des informations biaisées, donc, car financées par de grands décideur.se.s.
Climatoscepticisme, déni ou climatonégationnisme ?
La multiplicité des rapports, chiffres et consensus internationaux ne permet plus la mise en doute d’un dérèglement climatique. De fait, difficile de parler de scepticisme : les preuves sont là. Certain.e.s chercheur.se.s préfèrent donc parler de déni.
Si les « anciens » visages du climatoscepticisme peinaient à se débarrasser de l’étiquette « complotiste », les plus récents ont su redorer leur image. On parle effectivement d’un courant de pensée à part entière. Ce dernier a ses propres codes de parole, des discours maîtrisés et surtout, une connaissance de la sémantique. En parlant de « climatoscepticisme » plutôt que de « climatonégationisme », ils se donnent l’air de penseur.se.s ne faisant que questionner le monde qui les entoure.
Les points d’action du climatoscepticisme
Avec des discours préparés et des tactiques de communication repensées, le climatoscepticisme sait comment immiscer le doute dans les esprits. Leurs arguments divers trouvent le moyen de parler au plus grand nombre. Tantôt ils rediscutent chacun des points du GIEC, tantôt ils présentent le changement climatique comme normal puisque ayant toujours existé. Ils savent donc attaquer les plus gros comme parler aux plus petits.
Des enjeux économiques
Concernant le sujet, revient souvent l’analogie avec les industries de tabac qui, dans leurs débuts, payaient des scientifiques afin que celleux-ci vantent les mérites de la cigarette. En effet, certaines sociétés d’énergies fossiles ont eu recours au financement d’influenceur.se.s pour les promouvoir. Sans oublier, évidemment, que cette industrie fait partie des plus puissantes. De fait, elle réussit à peser un poids dans les discussions politiques et à retarder les prises de décision.
Des enjeux politiques
Argent mis de côté, certaines figures politiques telles que Donald Trump sont des adeptes de la pensée climatosceptique. Il a été démontré que le sujet était régulièrement la source de discordes permettant à la personnalité en question de se démarquer. En somme, « diviser pour mieux régner », comme le souligne Jessica Delangre.
Qui sont les climatosceptiques ?
La force du climatoscepticisme repose sur son aspect « rassurant ». Se plaçant comme une réponse aux nouvelles anxiogènes concernant le climat, il parle à la majorité. Difficile de ne pas se sentir assailli.e par les informations diverses concernant notre futur incertain, voire peu reluisant.
Si les chiffres du GIEC sont alarmants, ils semblent n’avoir aucun impact sur le grand public. Et c’est ce sur quoi mise le climatoscepticisme : il offre du concret. Il assure un mode de vie.
Les garants du monde de vie actuel
Le climatoscepticisme se présente comme le garant de la pérennité du quotidien que nous expérimentons aujourd’hui. Il se place en défenseur de l’insouciance dans laquelle nous vivons. Il justifie les besoins individuels, le consumérisme et le recours aux énergies fossiles. Notons d’ailleurs que les trois pays les plus climatosceptiques sont l’Arabie-Saoudite, les États-Unis et l’Australie : trois producteurs majeurs d’hydrocarbures et de charbon.
Cette pensée « préserve la domination de l’Homme sur ce qu’on appelle abusivement la ‘Nature’ ». Par conséquent, le climatoscepticisme semble aller de pair avec le capitalisme et n’échappe pas aux dynamiques oppressives qui vont avec. Il a été prouvé à de multiples reprises que le confort de vie occidental existait au détriment des autres sociétés et autres « classes » sociales.
De fait, ce courant de pensée se veut barrage. Il est le défenseur d’un monde qui refuse la transition, de peur de voir ses privilèges être diminués. Certains discours allaient même jusqu’à parler de mesures « liberticides », imaginant des passes carbone à la façon des passes vaccinaux observés durant la pandémie de Covid-19. « Des personnalités ont profité de la pandémie pour se donner une image de défenseur des libertés contre le ‘système’ », notait Le Monde.
Les conséquences de la désinformation et de l’impuissance
Rien qu’en France, 43 % de la population refuse de « croire » au réchauffement climatique, selon un sondage Ipsos et Cevipof. En 2023, 1/3 de la population mondiale restait dans le déni.
D’un côté, il est nécessaire de remarquer que l’accès à l’information n’est pas égal. De fait, il existe un nombre non négligeable de personnes mal informées sur le sujet. Ce qui laisse la place au doute. C’est ici un terreau fertile pour les discours méticuleux niant le réchauffement climatique. De l’autre, même lorsque les esprits semblent sensibilisés et conscients du sujet, c’est la paralysie qui entre en jeu. Face au risque grandissant, c’est le sentiment d’impuissance qui prend le dessus. La réflexion récurrente s’apparente à un « foutu pour foutu. » On assiste alors à un mécanisme de protection bien connu : le déni.
Le modèle capitaliste fait qu’il nous est difficile d’imaginer un monde où les principaux lobbies ne dirigeraient pas. Aussi, il semble compliqué de se passer de pétrole. Par conséquent, le climatoscepticisme naît dans l’impression qu’aucune alternative n’existe, que la finalité ne peut être que celle-ci.
Les anti-systèmes
Enfin, l’un des points communs des diverses personnes se plaçant activement en faveur d’une pensée climatosceptique est les « anti-systèmes ». À partir de l’analyse de 10 000 profils X (anciennement Twitter) revendiqués climatonégationnistes par le Centre National de la Recherche Scientifique, il a été mis en lumière que la majeure partie d’entre eux partageaient des valeurs politiques communes.
La majorité avait un lien avec l’extrême droite et le mouvement antivax. Cependant, on y croise également des anticapitalistes à l’extrême gauche de la sphère politique. Alors, plutôt qu’affilié à une branche politique, le climatoscepticisme semble être la niche des anti-systèmes, celleux qui rejettent les institutions et ses codes.
Le climatoscepticisme est insidieux et sait, à coup de rhétorique et de termes finement choisis, semer le doute concernant l’état du climat. Si les faits scientifiques parlent d’eux-mêmes, ils ne semblent pas peser assez lourd dans la balance. Entre grands noms du pétrole ayant la main mise sur de nombreux politiques et moyens de communication et inquiétude d’une population, le cocktail est parfait pour créer l’incertitude.