Vous avez sûrement croisé cette scène lors de vos escapades estivales : un tas de pierres soigneusement empilées formant une structure en équilibre précaire. Peut-être vous êtes-vous même amusée à en construire une pour immortaliser l’instant ? Pourtant, derrière cette activité « ludique et esthétique » se cache une catastrophe écologique. Les spécialistes de la faune et de la flore tirent la sonnette d’alarme.
Une tendance qui fait des vagues sur les réseaux sociaux
Il suffit de faire un tour sur Instagram avec les hashtags #rockstacking ou #rockbalancing pour découvrir des milliers de publications montrant des empilements de pierres savamment orchestrés. De la plage à la montagne, en passant par les rivières, ces créations deviennent de véritables objets de fierté artistique et de performance personnelle. Mais si ces photos obtiennent des likes à gogo, leur répercussion sur l’environnement est bien moins glamour.
Des habitats fragiles détruits
Ces pierres que l’on trouve sur les plages, dans les forêts ou les zones rocheuses ne sont pas de simples morceaux de minéraux dépourvus de rôle. Elles abritent un écosystème complexe dont dépendent de nombreuses créatures. Petites araignées, insectes, mollusques et amphibiens se cachent sous ces pierres pour se protéger des prédateurs et des intempéries. Lorsque ces cailloux sont déplacés pour former une pile harmonieuse, c’est tout un habitat qui est perturbé, menaçant parfois la survie de ces espèces.
Nick Clemann, écologue au Arthur Rylah Institute for Environmental Research en Australie, souligne l’ampleur du phénomène : « Partout, des pierres sont déplacées, souvent dans des habitats critiques pour des espèces menacées. Ces empilements peuvent rendre une colonie non viable », explique-t-il à ABC News. Et il n’est pas le seul à s’inquiéter.
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Une érosion accélérée
En plus de perturber la faune locale, l’empilement de pierres peut favoriser l’érosion. Les cordons de galets, par exemple, jouent un rôle protecteur majeur en brisant les vagues sur le littoral. Lorsque ces pierres sont déplacées, la côte devient plus vulnérable. C’est ce qu’a constaté la commune de Saint-Denis-d’Oléron, en Charente-Maritime, où le maire a installé une signalétique pour rappeler l’importance de laisser les galets à leur place.
En montagne, ces piles artificielles peuvent altérer les flux d’eau en déviant les cours naturels des rivières. Ce changement peut avoir des conséquences graves pour les plantes et animaux aquatiques.
La confusion pour les randonneurs
Les empilements de pierres, appelés « cairns », ont historiquement servi de repères pour guider les promeneurs en pleine nature. En ajoutant de faux repères, on risque ainsi aussi de dérouter les randonneurs et de les mettre potentiellement en danger. Imaginer que quelqu’un se perde à cause d’une « pile de cailloux photographique » n’est pas une scène digne d’un conte de fées.
Laisser la nature à sa place
« La première règle dans la nature est de ne pas laisser de trace. Cette philosophie est essentielle pour préserver les écosystèmes fragiles que nous visitons. Il ne s’agit pas de diaboliser les personnes qui empilent des pierres, mais de les sensibiliser », rappelle John Hourston, fondateur de l’organisation Blue Planet Society, à la BBC. Et si l’envie artistique vous prend, pourquoi ne pas opter pour une alternative respectueuse ? Une œuvre en sable ou des branchages naturels pourraient faire tout autant sensation sans mettre en péril notre belle nature.
La nature offre des moments de contemplation uniques. Pourquoi ne pas simplement profiter du paysage sans y ajouter notre empreinte ? Dans certaines régions, des pancartes rappellent d’ailleurs l’importance de ne pas déplacer les pierres. Alors cet été, et globalement en vadrouille, laissons les pierres tranquilles. Parce qu’après tout, la plus belle photo reste celle d’un paysage intact.