Sur les podiums, les mannequins doivent répondre à des exigences esthétiques strictes pour faire vivre les vêtements de créateur et assurer une présentation digne de ce nom. Si lorsqu’elles foulent le catwalk, rien ne semble pouvoir perturber les top-modèles, certaines accomplissent cet exercice de style avec une hantise bien commune au coin de la tête. Les mannequins craignent secrètement que leurs règles déteignent sur ces pièces à quatre chiffres et entachent le défilé tout entier. Alors que tous les regards sont braqués sur leur corps, la pression est d’autant plus grande. Une mannequin, Victoria Cain, fait tomber le rideau et raconte son expérience à la première personne.
Avoir ses règles dans le milieu du mannequinat, une épreuve
Le pire pour une mannequin, ce n’est pas forcément de trébucher sur la robe de la voisine pendant un défilé. C’est de tutoyer le catwalk pendant la mauvaise période du cycle et faire bonne figure malgré les crampes, les ballonnements et les coulées de sang. Comme les sportives de haut niveau, les mannequins sont d’autant plus vulnérables sous ces vêtements échancrés, immaculés ou transparents qui attirent l’attention sur l’entrejambe.
Alors que pendant les menstruations, les femmes lambdas se barricadent derrière des pièces sombres, qui descendent bien plus bas que les reins, les mannequins, elles, ont une garde-robe imposée. Pendant leur performance, leur malaise ne se lit pas sur leur visage, alors indéchiffrable. Mais ces quelques minutes de show sous les projecteurs et les caméras, prêtes à capturer le moindre détail y compris le plus fâcheux, semblent durer une éternité. Tandis que la plupart des personnes menstruées passent leurs règles avec une bouillotte sur le ventre et un plaid autour de la taille, les mannequins les endurent dans l’ébullition des défilés.
Victoria Cain, aujourd’hui âgée de 28 ans, connaît bien cette sensation qui a tout de l’enfer. La mannequin qui a démarré sa carrière à 13 ans et qui a fait la Une de Glamour Bulgarie sait ce que c’est d’avoir ses règles avec des pièces de prestige sur les hanches. Elle a d’ailleurs fait part de son expérience au média Indépendant UK. En plein shooting, ses règles débarquent sans prévenir et là c’est le drame. Ce souvenir est encore palpable.
« J’ai eu une crise de règles surprise en milieu de journée et j’ai dû faire semblant de fumer pour aller faire les magasins. Je ne pensais qu’à ça : « Je ne peux pas avoir de fuites sur mes vêtements ». Rien que d’y penser, ça me stresse »
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Presque aucun aménagement pour les mannequins
Dans son témoignage, Victoria s’attarde sur la période effervescente des Fashion Weeks. Le rythme est encore plus soutenu que d’habitude. Une cadence difficile à tenir pendant les règles, qui ont tendance à plomber l’énergie. D’autant plus que, comme le mentionne la jeune fille, les mannequins n’ont bien souvent qu’une salade ou une pomme à se mettre sous la dent pour reprendre des forces sans « impacter leur silhouette ».
Pendant ce temps fort ponctué de castings, les mannequins ne peuvent pas se permettre de manquer une audition. Les chiffres en attestent : 2 % des top models peuvent réellement compter sur un salaire élevé. Victoria préfère donc largement souffrir à s’en tordre les jambes plutôt que de sacrifier sa place et son enveloppe.
« C’est horrible, parce qu’on le sent et qu’on ne peut pas aller aux toilettes parce qu’on perd son siège. On se demande : « Est-ce que je perds un emploi ou est-ce que je vais attendre encore une demi-heure ? » Alors on supporte simplement ces fuites »
Dans ce milieu où le vêtement passe devant l’humain, les règles sont encore largement minimisées. Il y a une sorte de déni autour de ce phénomène, pourtant naturel et biologique. Les mannequins sont alors obligées de prendre sur elles et de vivre leurs règles en silence. Sommées de porter des sous-vêtements tout en ficelle et des tampons, les mannequins n’ont pas le privilège du confort.
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Les règles et la pression de paraître toujours impeccable
En plus de devoir faire bonne impression, même lorsqu’un torrent dévale entre leurs jambes, les mannequins font face à des effets secondaires, difficiles à camoufler. Victoria, à l’affiche de L’Oréal ou encore Rimmel, parle notamment des fringales, contraires aux régimes imposés aux mannequins. La rétention d’eau et les ballonnements provoqués par les règles modifient aussi la silhouette. Un changement minime à l’œil qui se ressent pourtant derrière les coutures des pièces sur-mesure. Mais ce n’est pas le plus angoissant selon elle.
« Ce qui me stresse le plus quand j’ai mes règles pendant la Fashion Week, c’est ma peau acnéique », évoque-t-elle
Dans ce milieu gangréné par les normes de beauté, le moindre petit bouton d’acné n’est pas acceptable. Victoria renonce parfois à des castings de la plus haute importance à cause de sa peau, trop loin de cette « perfection » exigée.
Comme Victoria, de nombreuses mannequins redoutent cette semaine rouge, qui menace parfois leur carrière. Ce témoignage montre la noirceur derrière le glamour et prouve que ce métier n’est pas si idyllique qu’il en a l’air.