Les anges de Victoria’s Secret ont de nouveau foulé le tapis rouge lors d’un défilé d’anthologie le 15 octobre à New York. Dans les années 90, ces créatures tout droit sorties des fantasmes masculins faisaient l’unanimité sur le podium. Avec leurs corps sveltes parés de lingeries glamour qui ne dissimulaient presque rien, elles semblaient irréelles. Mais la marque de lingerie américaine n’a pas gardé sa réputation immaculée très longtemps. Entre le manque criant de diversité et les bad buzz en cascade, elle s’est brûlée les ailes en pleine ascension. Après sa descente aux enfers, la griffe américaine tente de se refaire une auréole. Pour se repentir, elle a renouvelé ses anges et sollicité des mannequins dits plus « inclusifs ». Est-ce que la marque tient ses promesses pour cette résurrection ? Ou est-elle encore dans le déni ?
De nouveaux anges tombés du ciel pour le casting 2024
À ses prémices, le défilé Victoria’s Secret était un événement mode très attendu et largement soutenu. La marque de lingerie américaine avait fait de ses anges une vraie signature visuelle. Ces créatures, à mi-chemin entre les déesses et les Winx, incarnaient un idéal de beauté. Jambes à perte de vue, morphologie équilibrée, ventre ultra plat, poitrines galbées, les tops embauchés par la griffe avaient toutes en commun ce corps quasi divin. Doutzen Kroes, Gisele Bündchen, Adriana Lima… ces mannequins à la genèse de Victoria’s Secret ont animé les fantasmes des hommes et les complexes des femmes.
Si autrefois, elles illuminaient les regards, aujourd’hui elles suscitent des flammes dans les pupilles. La marque, accusée de faire l’apologie de la minceur et de prêcher des standards archaïques, est passée de la lumière aux ténèbres en un éclair. Pour conjurer la malédiction et redorer son blason, Victoria’s Secret s’est appliquée à ce besoin urgent de diversité. Après 5 ans d’absence, elle a fait un retour mitigé sur scène le 15 octobre dernier. Le show, toujours fidèle à lui-même, a duré 45 minutes. L’icône américaine Cher, la star de la K-pop et meneuse des BlackPink Lisa ainsi que Tyla ont rythmé le défilé à travers des performances éloquentes. Véritable démonstration de force et de faste, le défilé Victoria’s Secret n’a pas dérogé à son esthétique grandiose.
En tête d’affiche, la marque a sollicité ses égéries favorites. Les sœurs Hadid, Alessandra Ambrosio, Irina Shayk, Taylor Hill ou encore Liu Wen. Elle n’a pas fait dans la demi-mesure. Pour se libérer de ses vieux démons, Victoria’s Secret a également accueilli Ashley Graham et Paloma Elsesser, mannequins dites « plus size » ainsi que Alex Consani et Valentina Sampaio, deux tops trans, dans son Eden très sellette. Victoria’s Secret s’engage timidement pour la diversité.
Voir cette publication sur Instagram
Voir cette publication sur Instagram
Une diversité encore peu assumée sur le podium
C’est l’heure du jugement dernier. Victoria’s Secret, signe sa rédemption avec des mannequins qui reflètent cette diversité exigée. En 2018, l’ancien directeur marketing de la marque, Ed Razek, a déclaré qu’il ne ferait pas défiler de mannequins plus size ou transgenres car cela ne correspondait pas à « la fantaisie » de leur défilé. Six ans plus tard, Victoria’s Secret apporte un peu plus de reliefs à ce show, qui s’apparente à un mea culpa. La marque, longtemps à rebours de la société, lègue enfin ses ailes à des mannequins dans l’air du temps.
Les mannequins trans Alex Consani et Valentina Sampaio ont pu investir ce costume d’ange, autrefois réservé à l’élite. Paloma Elsesser et Ashley Graham, qui arborent des rondeurs, ont aussi rafraîchi le cortège habituel. Toutefois, elles font une taille 44, soit les mensurations « moyennes » de la majorité des femmes. Ce désir de diversité se lit entre les courbes, mais aussi sur les visages. La griffe américaine a revu l’âge de ses tops à la hausse et appelé des femmes « mûres » en renfort.
Carla Bruni, Kate Moss, mais aussi Tyra Banks brillaient sous les projecteurs. Or, même si toutes ont franchi la cinquantaine, leur physique ne trahit pas leur âge et reste très normé. Victoria’s Secret a fait quelques efforts de diversité, mais elle ne veut pas trop rompre avec son image de Jouvence et son sex-appeal originel.
Voir cette publication sur Instagram
Voir cette publication sur Instagram
Un changement de cap sincère ou intéressé ?
La marque Victoria’s Secret s’est-elle convertie à la diversité de son plein gré ou par pur intérêt ? Ce revirement inclusif n’est pas le fruit du hasard. La griffe n’a pas été touchée par la grâce d’un coup. Si elle a soudainement changé de discours et métamorphosé son palmarès d’ange, c’est par nécessité plus que par conviction. Cependant, Victoria’s Secret l’a joué stratégique pour ne pas être accusée de faire du « size washing » et éviter les dégâts sur son image, déjà bien entachée.
Ce défilé était un peu le défilé de la dernière chance alors elle n’a pas trop insisté sur la diversité et a préféré l’incorporer avec parcimonie. La marque a fait un mélange entre l’ancien et le nouveau pour ne pas éveiller les soupçons. Elle a recyclé ses anges d’avant et ses codes sensuels en prenant le soin de varier les profils. Victoria’s Secret, familière des cellules de crise, a surtout pensé ce défilé comme un retour à zéro, une occasion de racheter ses erreurs du passé. Cependant, Victoria’s Secret reste plus un paradis perdu qu’un Eldorado.
Victoria’s Secret, trop de péchés à racheter
Si à ses débuts, Victoria’s Secret évoquait l’excellence et le prestige, désormais son nom est surtout associé à des scandales et des affaires troubles. La griffe, qui doit sa renommée à ses célèbres anges, a le diable à ses trousses depuis plusieurs années. Misogynie, appropriation culturelle, hypersexualisation… elle n’a pas toujours fait dans la dentelle. Ses liens étroits avec Jeffrey Epstein, accusé de viol et de trafic de mineurs, n’ont pas arrangé sa réputation.
En 2020, la marque chutait un peu plus de son petit nuage. Une enquête du New York Times révélait des cas de harcèlement sexuel au sein de la célèbre marque de luxe. Dans les coulisses, l’ambiance n’était pas aussi rutilante que sur le front row. Bella Hadid avait même été sommée « d’oublier sa culotte » au moment d’enfiler sa tenue. Mais Victoria’s Secret n’a pas tiré sa révérence et compte bien remonter dans les estimes.
À travers son défilé, Victoria’s Secret renoue avec la diversité qu’elle a tant snobée. Même si cette vitrine est plus positive, elle manque encore de sincérité et d’authenticité. À quand des mannequins aux cheveux gris comme au défilé L’Oréal ? Ou des tops en fauteuil ? Ce serait peut-être trop en demander.