Júlia Del Bianco n’a pas le physique de ces ballerines qui tournoient dans les boîtes à musique ni celui des protagonistes du Lac des Cygnes. Sous son justaucorps et ses collants poudrés, elle arbore quelques rondeurs. Une morphologie généreuse qui ne l’a pas empêché d’investir les scènes les plus prestigieuses. Du haut de ses pointes, elle envoie valser les standards du ballet et incarne une autre forme de grâce. Cette danseuse étoile habillée du hashtag « plus size » fait des sauts de chat et des arabesques depuis qu’elle sait marcher. Pour elle, le ballet est un langage inné et le tutu une seconde peau. Júlia Del Bianco sait qu’elle n’a pas la silhouette « attendue » de la danseuse classique, mais elle vit au rythme de sa passion et se fiche des « qu’en dira-t-on ». Un bon coup de pied dans les diktats !
La danse classique, une évidence depuis sa naissance
Il y a des portraits qui ne s’oublient pas. Celui de Júlia Del Bianco reste fermement accroché à la mémoire et instille une douce note d’espoir. Originaire du Brésil, cette jeune femme âgée de 33 ans est née avec le rythme dans le corps et l’âme d’une danseuse étoile. Pour elle, la danse classique est bien plus qu’un loisir, c’est une raison d’être. Enfant déjà, elle ne se rêvait pas dans la peau des princesses Disney comme toutes les fillettes. Elle se voyait au premier plan du spectacle enchanté « Casse-Noisette » ou au cœur d’un autre chef-d’œuvre de Tchaikovsky. Petite, elle ne s’imaginait pas non plus dans le costume d’Elsa ou de Belle. Elle réclamait des cache-coeurs, des justaucorps et des chaussons rosés en cadeaux de Noël.
Pour elle, les cabrioles, les sauts de biche et le grand écart sont comme une langue maternelle. Dans cette discipline exigeante, elle excelle. Dotée d’un don unique, elle s’initie à ces chorégraphies lyriques de façon précoce, dès qu’elle sait tenir sur ses deux jambes. Depuis l’âge de trois ans, son corps s’envole sur les plus belles partitions. Júlia et le ballet, c’est une histoire d’amour éternelle. À tout juste six ans, elle rejoint une académie de danse classique. C’est là qu’elle gagne la volupté d’une colombe et la délicatesse d’un papillon.
« Aujourd’hui, j’ai 33 ans, alors cela fait 30 ans que je pratique ce sport. J’ai toujours dansé et j’ai toujours voulu danser. Je ne me souviens pas quand j’ai choisi la danse ou d’être ballerine, parce que pour moi, c’est ce que j’ai toujours voulu faire. Je ne peux pas m’en passer », raconte-t-elle au média Brightside
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Être danseuse classique « plus size », une douce façon de militer
En grandissant, ses formes ont poussé et sa silhouette s’est dessinée. Sa chrysalide d’enfant a laissé place à un corps plus riche en chair. Face au reflet qui se tend à elle devant les barres parallèles, Júlia s’aperçoit qu’elle n’a pas l’apparence des ballerines qu’elle adore et qui lui servent de modèle. Dans son cercle proche, tout le monde tente de la persuader que la danse n’est pas une pratique « conçue » pour elle. Même si la danseuse se démène sur le parquet et brille au milieu de ses camarades, elle peine à s’intégrer dans ce noble art qui prône « l’harmonie des corps » plus que la diversité. Les ballerines sont souvent bâties pareil, comme ces petites poupées en porcelaine qui pivotent sur un socle. Taille extra fine, silhouette mince, jambes fuselées… Júlia ne s’identifie pas à la « ballerine » standard.
« Malgré ma technique et mon expérience, comme je n’avais pas le corps parfait, je n’étais pas suffisamment talentueuse aux yeux des autres. Je ne méritais pas de saisir les opportunités qui se présentaient à moi, parce que je n’avais pas le corps que les personnes attendaient », décrit-elle
Mais Júlia n’a pas raccroché son tutu pour autant. Transcendée par cette passion qui l’anime depuis ses premières années de vie, elle n’a cessé de faire virevolter son corps. Aujourd’hui, elle porte avec fierté ce statut de danseuse classique « plus size ». Elle prouve que la taille et le poids ne déterminent pas le talent d’une ballerine. D’ailleurs, Júlia défie souvent les lois de la gravité à travers des figures de haute voltige que la majorité des mortels ne peut exécuter sans perdre l’équilibre. Cette ballerine « plus size », qui enchante désormais 114 000 abonné.e.s sur Instagram, a pris sa revanche avec élégance. Ses mouvements sont de la prose pour les yeux. Extraits…
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Une école pour rendre la danse de ballet plus accessible
Pour éviter que d’autres enfants vivent cette terrible stigmatisation, Júlia a fondé sa propre école de danse classique avec la bienveillance en toile de fond. Baptisée symboliquement « Dance for Plus », elle se destine à tous les publics et à tous les corps. Derrière ces murs, les mensurations ne sont pas un motif d’élimination ni un critère de sélection. La danseuse classique « plus size » veut en faire un havre de paix, une safe place.
« Je suis éducatrice et diplômée en danse, alors j’ai décidé d’appliquer les connaissances et les principes que j’utilisais pour donner des cours à un public plus size ou aux personnes qui ne se sentent pas à l’aise et représentées dans les écoles de danse traditionnelles », dépeint Júlia
Loin des écoles de danse austères qui poussent les ballerines à malmener leurs corps en plus de traumatiser leurs pieds, « Dance for Plus » met l’accent sur la performance plus que sur l’apparence. La danseuse classique « plus size » qui en est l’heureuse instigatrice souhaite réconcilier le grand public avec ce genre de danse savante.
« Il s’agit d’une communauté pour que les personnes perçoivent la danse non pas comme une punition ou un moyen d’avoir un corps parfait, mais un amusement, un plaisir », explique-t-elle
Sur les réseaux sociaux comme sur les planches, Júlia Del Bianco défend la liberté d’être soi. À travers des tableaux oniriques propices à la contemplation, elle retient l’attention non pas pour son physique, mais pour ses incroyables démonstrations. Ses bourrelets ne l’empêchent pas de lever la jambe au ciel et de se transformer en toupie humaine.