Toujours à la recherche de portraits inspirants, The Body Optimist est parti à la rencontre de Manon. Sa vie a basculé il y a environ cinq ans lorsqu’elle a été diagnostiquée de la maladie de Crohn, mais aussi d’une spondylarthrite ankylosante et également amputée d’une jambe. Loin de laisser ces épreuves prendre le dessus, la jeune femme de 24 ans a décidé de faire de son handicap une force et un atout. Rencontre.
Sur son compte Instagram, Manon Lefort, 24 ans, se présente sous le pseudo d’amput_girl. « Guerrière » peut-on lire dans sa description. Un nom de super-héroïne pour une jeune femme au parcours de vie qui interpelle.
Atteinte de la maladie de Crohn, d’une maladie rhumatismale appelée spondylarthrite ankylosante et amputée de la jambe droite, elle partage son quotidien sans filtre avec humour entre espoir, coups de blues et surtout beaucoup de courage.
The Body Optimist : Pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours de vie ?
Manon : « Je m’appelle Manon, j’ai 24 ans et j’habite en Picardie. Depuis 2015/2016, je suis atteinte de la maladie de Crohn de type 2 (il me reste moins d’un mètre d’intestin). Je suis également amputée de la jambe droite depuis 2016 et atteinte d’une spondylarthrite ankylosante depuis 2017. »
Comment avez-vous été diagnostiquée de la maladie de Crohn ? Et quelle est la raison de l’amputation de votre jambe ?
« J’ai subi beaucoup d’épreuves pour me relever petit à petit… J’ai un Crohn sévère avec un syndrome du grêle court de type 2 (SGC). C’est une maladie inflammatoire chronique du système digestif qui évolue par poussées et phases de rémission. Elle ne se résume pas à de simples maux de ventre, mais à des tas d’autres symptômes tous aussi difficiles et douloureux qu’il faut que j’affronte au quotidien (crises de douleurs abdominales, diarrhées, fatigue, perte de poids, dénutrition…). La maladie de Crohn s’est déclarée à l’âge de 19 ans, mais en 2016 elle s’est aggravée brutalement et c’est à partir de ce moment-là que ma vie a basculé.
Un soir, mes douleurs étant plus intenses et même insupportables, j’ai été transporté aux urgences puis devant mon état préoccupant, on m’a transférée d’urgence en hélicoptère vers un autre centre hospitalier. Après plusieurs opérations j’ai fait un choc septique dû à un manque de prise en charge. Les médecins m’ont plongé dans un coma artificiel pendant une semaine. Une longue semaine où ma vie s’est arrêtée. À mon réveil, je ne me souvenais que de mon horrible mal de ventre… j’étais bien loin de me douter de la réalité des choses. Mes proches m’ont annoncé qu’à cause des complications liées au choc septique, j’allais perdre une de mes jambes. Une première amputation de la jambe droite, puis une seconde amputation, puis une troisième reprise de cette même jambe, pour finir une amputation tibiale.
L’histoire est longue, mais le principal c’est que je sois encore en vie pour en parler. Comme les médecins m’ont dit « Tu es un miracle Manon ». »
Qu’est-ce que la spondylarthrite ankylosante ?
« C’est une maladie rhumatismale qui atteint surtout la colonne vertébrale et le bas du dos. Comme tout rhumatisme, elle se traduit par des douleurs et une perte de souplesse des articulations. Le signe le plus caractéristique de la spondylarthrite ankylosante (SA) est une douleur dans le bas de la colonne vertébrale, aux articulations sacro-iliaques (là où la colonne s’attache au bassin). »
L’annonce de ces différents diagnostics a été un véritable choc, on imagine… Comment avez-vous fait face à tout cela ?
« Au début j’ai très mal encaissé les diagnostics. Pendant plusieurs mois, j’ai fait un déni de tout ça. Pour moi je ne voulais pas être malade… J’ai mis beaucoup de temps à réaliser que ces maladies seraient en moi à vie. Et pour mes proches ça a été très dur aussi.
Avant le diagnostic personne ne vous écoute, vous passez pour quelqu’un qui ment, qui s’invente des douleurs… Mais au final cela a beaucoup renforcé mes rapports avec eux. »
Êtes-vous soucieuse du regard des autres ?
« Il y a encore un an, oui, je ne pouvais pas sortir de chez moi à cause du regard des gens qui était trop insistant. C’était trop dur pour moi car je ne m’étais pas encore réconciliée avec mon corps.
Maintenant ça va beaucoup mieux. J’ai appris à m’aimer, à aimer ce nouveau corps. J’avance et je laisse de côté les gens méchants qui ne savent que déverser leurs salades pour dénigrer. Je n’ai plus honte et quand on me regarde ou que l’on me critique je souris. »
Comment refaire sa vie, après avoir surmonté ces obstacles ? Quel regard portez-vous maintenant sur ce que vous avez vécu ?
« Grâce à mon histoire, j’ai énormément avancé dans ma vie. J’ai compris des choses que je ne comprenais pas avant. La vie vaut la peine d’être vécue ! Quand on passe beaucoup de fois à côté de la mort, croyez-moi on relativise sur énormément de choses.
Il faut s’accrocher. Oui ça a été dur et ça l’est encore, mais ça vaut la peine de se battre, les épreuves de la vie nous rendent plus fort.e.s. Je suis fière de ce que je suis aujourd’hui. J’aime ma vie et je suis heureuse comme je suis. Je suis toujours moi, mais je suis meilleure. En plus je n’ai jamais perdu le sens de l’humour ! »
Quel(s) message(s) souhaiteriez-vous délivrer à nos lecteur.rice.s ?
« À travers mon compte Instagram, j’essaie de faire changer et évoluer les mentalités sur le handicap et la maladie. Nous ne sommes pas des pestiféré.e.s. Au contraire, on a besoin de ne pas se sentir différent.e et de pouvoir faire comme tout le monde. C’est pour cela que je profite de la vie, de mes passions, de mon homme, de mes ami.e.s au maximum… Il faut vivre pour nous. La vie est courte, mais elle reste belle. »
Un parcours qui force le respect et qui mérite d’être lu comme une véritable leçon de courage ! Merci Manon pour ce témoignage inspirant. N’hésitez pas à suivre, au-delà de cette interview, son quotidien sur son compte Instagram.