Moustache chez les femmes : pourquoi est-elle si peu assumée ?

Crème éclaircissante, bandes de cire, crème dépilatoire, dermaplaning… pour faire disparaître leur moustache, les femmes sont prêtes à tout, même aux rituels beauté les plus douloureux. Ces pratiques qui donnent raison à l’agaçante rengaine « il faut souffrir pour être belle » perdurent encore en cette ère du body positive. Chez les hommes, la moustache est un hit mode tandis que chez les femmes, c’est une souillure esthétique. Si la pilosité féminine commence à prendre ses aises dans le paysage 2.0, le duvet féminin, lui, est toujours mal-aimé. Pourquoi une telle injustice du poil facial ?

La moustache chez les femmes, un attribut « masculinisant » ?

« Duvet et moustache : comment s’en débarrasser, « astuces pour éliminer la moustache durablement”, « moustache chez la femme, comment en venir à bout ?”… lorsqu’on inscrit les mots « moustache femme » sur Google, les titres parlent d’eux-mêmes. Portés par un champ lexical quasi « guerrier », les articles abordent le duvet féminin telle une maladie à chasser à tout prix. À l’orée du Movember, challenge qui encourage les hommes à adopter la moustache, les femmes, elles, doivent encore y renoncer sur fond de stigmates désuets.

Selon une étude menée par Glossybox en 2017 auprès de 6000 femmes de 18 à 40 ans, 40 % des répondantes confirmaient avoir déjà épilé leur lèvre supérieure. Drus, foncés, clairs ou fins, peu importe leur aspect, les poils du visage semblent incompatibles avec la féminité. Cette intolérance qui colle à la moustache des femmes est bien plus profonde qu’un simple « tabou ». La moustache renferme des connotations « masculines » touffues. Depuis des millénaires, cet attribut pileux est perçu comme le propre de l’homme. Si aujourd’hui, on lui confère des accents hipsters, pendant longtemps la moustache est restée un totem intouchable, synonyme de domination sociale.

Un symbole de domination chez les hommes

Coiffée dans le sens du pouvoir, elle faisait toute la virilité d’un homme. En psychologie, la moustache signifie le rapport à l’autorité, elle renvoie au statut du gendarme, du savant, ou du maître, elle est indissociable d’une figure paternaliste. Pas étonnant que Staline, Pinochet et Saddam Hussein lui aient laissé une place sur leur visage. Dans le monde arabe, cette idée fait de la résistance. Selon un article Slate, sur les 19 chefs d’État autoritaires encore actifs, 15 sont moustachus.

Certes, au fil des années la moustache a muté en accessoire de mode marginal et rétro, mais son côté « exclusivité masculine », lui, est toujours d’actualité. Il suffit de faire un tour sur TikTok pour constater cette hostilité envers la moustache des femmes, pourtant peu visible.

 

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Se raser le visage, la lubie TikTok qui crée des complexes

Le culte de la peau lisse existe depuis la nuit des temps. Déjà pendant la préhistoire, nos ancêtres déracinaient leur poil entre deux silex, c’est pour dire. Malgré une légère démocratisation du poil féminin, la moustache des femmes, elle, est encore la cible de méthodes d’éradication douteuses.

C’est le cas du « dermaplaning« , une folie cutanée très en vogue sur TikTok. Armées d’un rasoir, normalement étudié pour les sourcils, les tiktokeuses balaient intégralement leur pilosité faciale, sur ordre du hashtag #satisfaisant. La promesse d’une peau soi-disant éclatante, douce et exfoliée en profondeur.

Sur le papier, cette tendance donne envie de mimer le geste. Seulement voilà, elle est problématique dans tous les sens du terme. D’abord, cette technique d’exfoliation au scalpel a de quoi donner des sueurs froides aux dermatologues. Mal exécutée, elle peut aggraver des problèmes cutanés déjà présents. Puisque oui, contrairement aux attentes, les poils du visage ont une utilité : ils protègent l’épiderme des agressions extérieures. Ensuite, le « dermaplaning », présenté de façon alléchante, encourage les femmes à signer le divorce avec leur moustache sous couvert qu’elles en ressortiront plus « rayonnantes ». C’est surtout la porte ouverte aux poils incarnés, durs et agressifs. Le rasage du visage devrait terminer dans les gros reds flags « beauté ».

Pourtant, en popularisant le « dermaplaning », TikTok a lancé une bombe à complexes. Le hashtag éponyme recense plus de 1,8 milliards de vues et d’après une étude de la plateforme Treatwell, c’est le soin le plus demandé en institut par les 18-30 ans.

La moustache des femmes, le rôle de la publicité

1200. C’est le nombre de publicités que nous croisons chaque jour, presque sans nous en rendre compte. Selon une étude Kantar, 45 % des personnes estiment que les femmes n’y sont toujours pas représentées correctement. Mais les annonceurs commencent à en tirer des leçons. Côté pilosité féminine, la peau glabre semble passée de mode.

C’est en tout cas ce que les spécialistes du rasoir sous-entendent au gré de créations inclusives. En 2019, la griffe américaine « Billie » sonnait ainsi la révolution du poil avec sa campagne estampillée « Nos poils ont une déclaration importante à faire, les femmes aussi ont de la moustache ». Dans cette publicité, le duvet n’est pas une tare, mais un signe distinctif, aussi féminin que les cheveux.

Les femmes en ont ras le poil des injonctions et ça se ressent sur les réseaux. De plus en plus d’influenceuses body positive exhibent fièrement leur duvet. C’est le cas de Joanna Kenny, suivie par 113 000 followers qui publie régulièrement des gros plans de sa moustache et qui balance des « f*ck » affirmés aux diktats.

La moustache des femmes, longtemps martyrisée à cause de ces maudits standards de beauté, retrouve de sa sublime. L’heure est au « no shave » et au « all natural ». Pour vous encourager à faire de même, précisons que l’épilation coûte en moyenne 25 500 € et prend 482 heures de notre temps sur toute une vie. 

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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