Vergetures et cellulite chez les hommes : pourquoi le tabou persiste ?

Avec l’émergence du mouvement body positive, vergetures et cellulite collent désormais fièrement à la peau des femmes. Un beau pied de nez aux diktats. Mais ces petites zébrures inoffensives peinent encore à s’affirmer sur le corps des hommes. Contrairement à ce que les idées reçues prétendent, ces marques naturelles peuvent aussi tapisser le dos, les épaules et les fesses de ces messieurs.

Une vérité balayée de l’imaginaire collectif au profit de pecs saillants et d’abdos en béton armé. Chez les hommes, vergetures et cellulite prennent donc l’allure d’un dessin « raté », à gommer coûte que coûte. D’où vient ce tabou, caché dans l’ombre des costards-cravates et des sweatshirts ?

Les hommes n’ont ni vergetures ni cellulite : un mythe à l’origine des stigmates

Sur Instagram, les hashtags #vergetures et #cellulite cumulent à eux deux près de 3 millions de posts. C’est une véritable constellation de lésions cutanées. Mais ces traces indélébiles présentées comme le « témoignage d’une vie » se dévoilent plus facilement sur le corps des femmes. Après quelques scrolls de haut en bas, pas un homme à l’horizon. Le « self love » et l’acceptation de soi restent un vaste Far West pour la gent masculine.

Si la mouvance body positive s’est fondue dans le décor 2.0, elle semble encore aveuglée par certaines croyances. C’est le cas des vergetures et de la peau d’orange, qui se conjugueraient uniquement au féminin. Cette légende est totalement fausse. Certes, les hommes sont moins touchés par la cellulite et les vergetures, mais ils n’ont aucun « passe droit » dessus. Ces cicatrices bénignes, généralement héritées à la puberté, concernent d’ailleurs 40 % des hommes.

« La croissance rapide des garçons peut provoquer des vergetures horizontales du dos, des vergetures des hanches et des fesses, voire des épaules. Elles apparaissent notamment lors d’une prise naturelle de masse musculaire et/ou à cause de séances de musculation », précise le Dr Roos à Doctissimo

Même si la plupart du temps vergetures et cellulite se calfeutrent entre les poils de ces messieurs, elles nourrissent des complexes gardés bien au chaud. Cette omerta en dit long sur l’hypocrisie des standards de beauté masculin. Pour cause, dès qu’un homme ose percer le silence sur ses « défauts », ses compères le chambrent gentiment au nom de la virilité.

Les complexes vantés à tort comme une « affaire de femme »

Corset, talon aiguille, épilation, maquillage… l’injonction à la beauté s’agrippe comme du velcro au corps des femmes. Pur produit du patriarcat, elle cultive l’idée qu’une femme se doit d’être « physiquement potable » pour exister. La phrase « il faut souffrir pour être belle » illustre bien cette pression maladive qui suit les femmes de la tête au pied. En société, l’apparence d’une femme sera inspectée, jugée et critiquée avec une « tolérance zéro ».

À l’inverse, un homme, lui, se devra de répondre à des critères de mâle alpha, protecteur, ténébreux et impassible. Qu’importe s’il a une petite brioche, des poignets d’amour ou un nez à la Cyrano de Bergerac, il aura toujours de quoi compenser ailleurs. Du moins c’est ce que prétend ce schéma très sexiste qui fait office de « norme ».

Si les hommes restent discrets sur leurs vergetures et leur cellulite, c’est en partie à cause de ces « étiquettes » de genre qui empoisonnent les mentalités. Ils sont poussés à être sûrs d’eux et s’enticher d’un égo surdimensionné, simplement pour se fondre dans la masse.

« Se soucier de son apparence serait perçu comme une marque de féminité et démontrerait une certaine vulnérabilité masculine, un manque de confiance et, dans certains cas, une souffrance psychique », explique le sociologue Marc Lafrance au média LaPresse

Un mal-être réprimé par l’impératif de la virilité

« Un homme, un vrai, ça ne pleure pas ». Les diktats masculins laissent la « souffrance de l’âme » sous cloche. Dès le plus jeune âge, les hommes sont conditionnés à cet esprit guerrier sur fond de « fais pas ta chochotte » ou « sèche tes larmes, t’es pas une fillette ». Même avec des émotions écorchées à vif, l’homme est supposé rester fier comme un coq. Cette obligation imbibée de testostérone ferme la porte à tous les ressentis. Se mettre à nu reviendrait donc à trahir cette masculinité « profonde ».

Vergetures et cellulite chez les hommes ne sont pas toujours abordées avec l’œil du « je m’en foutiste », au contraire. Ces marques qui serpentent la peau en catimini peuvent aussi causer un certain mal-être, rarement exprimé en public. C’est ce mutisme presque « forcé » qui entretient le tabou. Comme l’explique la philosophe Olivia Gazalé, l’archétype de la virilité est « un piège que l’homme s’est tendu à lui-même ».

Cette construction sociale qui érige l’homme en « surhumain » ne laisse aucune chance à ces messieurs d’exprimer leurs balafres intérieures. Si les femmes ont réussi à se créer d’autres modèles identitaires loin de la « pauvre petite chose fébrile », les hommes, eux, sont enfermés dans un modèle unique stigmatisant et archaïque.

« Chez l’homme, c’est toujours la figure du guerrier qui prime : un mâle qui réussit socialement. Et ceux qui n’entrent pas dans ce moule ne sont rien… », précise la philosophe Olivia Gazalé dans les colonnes du Temps

Le culte du corps musclé, une autre pression invisible

Si les hommes semblent totalement désintéressés de leur corps, ce n’est qu’une façade. Selon une étude rapportée par le Daily Mail, 75 % d’entre eux estiment que leur apparence compte plus aujourd’hui. Pire encore, les interventions chirurgicales « esthétiques » ont augmenté de 29 % chez les hommes depuis le début des années 2000. Les hommes, eux aussi, sont donc en quête d’un « sex appeal » à la Ryan Gosling et d’un physique de « Dieu Grec » comme Schwarzenneger.

Cet idéal, réactualisé au fil des époques, prône un corps svelte, ni trop gros, ni trop mince, avec un « six pack » intégré. D’après le média GQ, le nouveau leitmotiv est au corps sec, mais athlétique, à l’image de Zac Efron dans le reboot de Alerte à Malibu. Si les standards se sont délestés du côté bodybuilder dopé aux stéroïdes, ils n’en restent pas moins difficiles d’accès.

Ce calibre soi-disant « parfait » invite les hommes à chasser la moindre petite once de graisse pour flirter avec ce référentiel de « séduction ». Ces « canons » de beauté sont à l’origine de complexes largement « minimisés » par rapport à ceux des femmes. Pourtant, c’est une vérité grandiloquente.

Paradoxalement, depuis que les hommes se prêtent aux routines « skincare », leurs défauts sonnent plus forts. Crème boostée en vitamine A, laser à colorant pulsé, microneedling, peeling chimique et autres méthodes estampillées « bien-être » en veulent aux vergetures et à la cellulite des hommes. Ce qui était de l’ordre du « futile » vire désormais à l’obsession. Ils sont passés d’un extrême à un autre.

Malgré ces non-dits autour des vergetures et de la cellulite des hommes, des projets 2.0 tentent de refaire le portrait de ceux-ci avec plus d’objectivité. C’est le cas de comptes Instagram sans fards tels que @lesgarconsparlent ou @tubandes. Que la déconstruction commence !

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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