Lorsqu’on pousse les portes de YouTube, on tombe dans une spirale envoûtante. On enchaîne les tutoriels, on se délecte devant des recettes, on s’inspire des dernières tendances mode… Mais au milieu de ce brouhaha virtuel, certaines voix hissent le drapeau de la tolérance. Dans cette caverne d’Ali Baba 2.0, ces youtubeur·euse·s bienveillants s’apparentent à des pierres précieuses d’une grande rareté. Pour les dénicher, il suffit de taper les bons mots clefs. Sur YouTube, le handicap est leur cheval de bataille et il.elle.s entendent bien mettre K.O les idées préconçues.
12 millions de personnes en situation de handicap
Malentendant, malvoyant, autiste asperger, tétraplégique… tou.te.s muni.e.s de leur signature et de leur particularité, il.elle.s prouvent que le handicap est loin d’être un frein. L’an dernier, la France comptait près de 12 millions de personnes en situation de handicap. Sous-représenté.e.s dans la sphère publique, il.elle.s restent volontairement laissé.e.s dans l’ombre. Mais YouTube est devenu un terrain de jeu favorable pour leur donner de la résonance.
Armé.e d’une grande éloquence et d’une énergie débordante, ces as de la vidéo jonglent avec les mots et transforment les « maux » pour les rendre plus beaux. Aux antipodes des discours dramatiques que les médias adoptent, ces vidéos résonnent comme des hymnes à la vie. Prenez une belle dose d’optimisme.
1 – Mélanie Deaf : l’art de démystifier la surdité
Avec ses 65 900 abonné.e.s au compteur, Mélanie est l’incarnation même de la positivité. Avec son visage solaire et son sourire angélique, sur YouTube elle désamorce les idées préconçues qui entourent le handicap et notamment la surdité. Elle-même sourde de naissance, elle apprend la langue des signes (LSF) à l’âge de 16 ans. Pour la jeune Normande, c’est une révélation : elle veut propulser sa carrière dans cette voix et devenir professeure de LSF.
C’est principalement pour se débarrasser de cette phrase « Une personne sourde est forcément muette », qu’elle a créé sa chaîne « Mélanie Deaf ». À travers des vidéos pédagogiques et sur un ton presque amical, elle détache ces étiquettes qui lui collent à la peau. Avec les internautes, elle partage des moments de son quotidien, cocasses et drôles, mais aussi des détails plus poignants sur sa vie personnelle comme le harcèlement.
2 – Zaroule : croquer la vie à pleine dent en fauteuil roulant
Isabelle, connue sous le pseudo comique « Zaroule » est une femme pleine de vie, toujours à la conquête de nouvelles aventures. Née avec un Spina Bifida, une malformation de la colonne vertébrale, elle n’hésite cependant pas à se lancer dans des activités pimentées. La Québecquoise dynamique affiche toujours un sourire communicatif dans ses vidéos.
Relativiser, profiter et savourer chaque instant… un crédo omniprésent dans chaque contenu. Malgré son handicap, elle prouve que rien n’est impossible. Tantôt au sport d’hiver, en kayak, en randonnée, au camping… avec son allié à quatre roues, elle tord le cou aux clichés. Sa chaîne est un condensé de joie et d’optimisme.
3 – Just One Hand : le gamer à la main d’argent
Flavien Gelly s’est créé une identité virtuelle à son image : sincère et bienveillante. Atteint d’une atrophie congénitale du bras, cet as de la manette partage sa passion pour les jeux vidéo. Son handicap ne l’empêche pas de multiplier les parties et c’est ce qu’il prouve sur YouTube. Cependant, il regrette le manque de matériel adapté pour les gamers dans la même situation que lui. La route vers le progrès est encore longue. En lançant « Just One Hand » sur YouTube, il ouvre donc le dialogue et raconte ses expériences personnelles face aux jeux et aux consoles.
Le jeune homme donne des clefs pour appréhender le jeu de façon décomplexée. Il lève aussi le voile sur d’autres formes de handicap en parlant de surdité par exemple. Porte-voix des personnes rendues invisibles par la société, il mêle pédagogie et expérimentation. Plus récemment, il a publié des capsules vidéos remplies d’humanité qui mettent en relation e-sport et handicap.
4 – La vie ordinaire d’une personne de petite taille : 1m30 de bonne humeur
Sur fond d’humour et d’autodérision, Bernard appréhende le handicap sereinement. Né avec une achondroplasie, maladie génétique qui se manifeste par une « petite carrure », le quarantenaire a transformé sa particularité physique en emblème de caractère. Il mesure 1m30 et par le biais de ses vidéos décontractées, le youtubeur lyonnais nous rappelle que chaque être humain est unique. La normalité est un mythe.
Pour délier les paroles et enfin mettre en lumière les questions que tout le monde se pose, mais que personne n’ose prononcer à haute voix, Bernard se met à nu et se confie sans filtre. « Comment fais-tu pour retirer de l’argent au distributeur automatique ? », « Comment fais-tu pour conduire ? », « Tu arrives à t’habiller ailleurs que dans le rayon enfant ? »… autant d’interrogations « atypiques » qui trônent dans l’esprit des internautes. Au fond, Bernard éduque les mentalités et met un « stop » devant les préjugés.
5 – Vivien apprendre à écouter : une chaîne pour se faire entendre
Vivien, trentenaire, tient les rênes de cette chaîne YouTube, presque d’utilité publique tant elle est enrichissante. Sourd de naissance, Vivien n’a pas appris la langue des signes, mais l’oralité. Un parcours qui dénote aux yeux du grand public. Pourtant, comme il l’explique dans sa première vidéo : « Un sourd peut aussi parler, signer, lire sur les lèvres… Il peut aussi utiliser plein de moyens de communication pour se faire comprendre ». Dans cette logique, l’éducateur spécialisé multiplie les vidéos explicatives pour que les internautes posent un regard plus juste sur ce handicap.
Sa chaîne est un vivier d’informations utiles. Le youtubeur explore des thèmes variés : dans « Allô, ici un sourd à l’appareil », il donne des renseignements sur l’appareil auditif. Dans « Un sourd, pas un idiot », il explique ainsi aux entendants les sons et tonalités que les personnes sourdes perçoivent mal.
6 – Vivre avec : le poids des maux en vidéo
La cohabitation d’un jeune homme qui vit avec le Syndrome d’Ehlers Danlos : c’est le fil rouge de la chaîne « Vivre avec ». Après des années d’errance médicale, Matthieu, a découvert cette maladie chronique à l’âge de 16 ans. Il s’agit d’une maladie génétique rare qui touche le tissu conjonctif et provoque une anomalie du collagène.
Des douleurs articulaires, une grande fatigue, une peau fragile… les répercussions sur le corps et l’esprit sont nombreuses. Pourtant, Matthieu a longtemps souffert du regard méprisant de ses camarades. « T’es juste un peu fatigué », « Il n’y a pas de quoi en faire des tonnes, tu pourrais faire des efforts »… une minimisation qui pèse sur Matthieu. Pour lui, YouTube fait ainsi office de défouloir où il peut s’exprimer en toute liberté. Son but ? Éveiller les esprits sur cette forme de handicap encore méconnue.
7 – Fashioneyesta : la mode sous un nouveau jour
Malvoyante de naissance, Emily Davidson se lance sur YouTube pour prouver que la mode peut s’apprécier par le biais de nos quatre autres sens. Munie d’une douceur inégalable, la jeune femme fait tomber les préjugés sur les déficients visuels. Aussi, selon elle, la vue n’est que secondaire dans l’achat d’un vêtement, ce qui compte ce sont toutes les sensations qu’il procure. La youtubeuse explique également que cette forme de handicap n’est pas une barrière au style et que la mode peut s’apprécier sous toutes ses coutures.
De fil en aiguille, on devine son quotidien presque poétique. On sent l’odeur du cuir, les couleurs qui glissent sous les doigts, la finesse des broderies… Avec un brin d’humour, elle donne aussi des conseils pour mieux appréhender le handicap. « À quoi ça ressemble d’avoir ses règles quand on est malvoyant ? », « Comment un malvoyant utilise-t-il les nouvelles technologies »… Des thématiques aussi originales que salutaires.
De nombreux autres profils ingénieux et admirables mettent sur YouTube à plat les tabous qui planent encore au-dessus du handicap. En appuyant sur « play », on reçoit une bonne piqûre de rappel. Ainsi, grâce à ces chaînes YouTube, les « invisibles » sortent de l’ombre et tous les pans du handicap sont décortiqués.