Que ce soient des histoires de traditions, d’anciens codes et façons de faire dans différents domaines, on entend souvent « C’était mieux avant ». Envahi.e.s par la nostalgie, un sentiment doux-amer nous étreint au souvenir du passé. C’est le syndrome du rétroviseur. Mais à trop regarder vers le passé, nous perdons de vue le présent et ce qui s’offre à nous. Notre progression et notre confiance en nous s’en trouvent alors perturbées. Qu’est-ce que le syndrome du rétroviseur, quels sont ses effets, ses origines et comment le vaincre ? On vous explique.
Le syndrome du rétroviseur
À quoi sert un rétroviseur lorsque l’on conduit ? À regarder derrière nous et à prendre des repères pour éviter le danger. Mais lorsque nous regardons en arrière, nous n’observons pas ce qui se passe devant nous. Notre attention est concentrée sur ce qui est dans notre dos, par extension vers le passé, ce qui a une influence sur notre présent. Imaginez regarder perpétuellement dans votre rétroviseur. Que se passe-t-il ? Vous êtes nostalgique, mais surtout, vous n’appréciez pas votre environnement, ni l’instant présent, ni ce qui se passe actuellement autour de vous. Vous manquez les opportunités qui s’offrent à vous. En somme, vous ne regardez pas vers l’avant.
Le syndrome du rétroviseur est ainsi une attitude qui consiste à considérer uniquement le passé. À l’origine du syndrome du rétroviseur ? Notre subconscient (encore lui). Celui-ci enregistre nos expériences passées, nos échecs, nos erreurs, nos réussites et applique un filtre sur le présent. Ce filtre du passé projeté sur le présent va influer sur nos décisions et prises de risque. Lorsque nous souffrons du syndrome du rétroviseur, nous nous référons au passé. Nous prenons appui sur ce qu’on a connu et éprouvé. On se dit « J’ai déjà tenté ça et ça n’a pas fonctionné » ou « À mon époque on faisait comme ça », etc. Le syndrome du rétroviseur est un véritable handicap psychologique. Les personnes qui en souffrent s’accroche à leur passé. Il leur est donc impossible d’aller de l’avant, de progresser.
Le syndrome du rétroviseur affecte de nombreuses personnes, mais aussi de multiples domaines : politique, éducation, mode, amour, etc. À force de nous référer perpétuellement au passé, nous finissons par reproduire les mêmes schémas et par conséquent les mêmes erreurs. En effet, tout n’était pas mieux hier et tout n’est pas pire aujourd’hui. Mais alors, qu’est-ce que le syndrome du rétroviseur nous apprend de la société, de notre relation à nous-mêmes et aux autres ? Quelle peur de l’avenir reflète cette handicapante nostalgie ?
Peur de l’inconnu et de l’instabilité
Il est parfois déstabilisant de vivre dans un monde qui ne correspond plus à celui que nous avons toujours connu. Nous nous complaisons alors dans une attitude passéiste et passons parfois pour une personne rétrograde. En réalité, derrière ce passéisme latent se cache une peur de l’inconnu. Le syndrome du rétroviseur a été abordé dans un essai intitulé « C’était mieux avant ou le syndrome du rétroviseur » (Ed. Favre, 2014). Ce travail a été corédigé par Patrick Nussbaum, ancien responsable de l’information radio à la RTL, et Grégoire Evéquoz, psychologue.
En 2014, Nussbaum et Evéquoz ont été interviewés dans le cadre de l’émission télévisée Grand Angle pour expliquer les raisons du développement du syndrome du rétroviseur. Evéquoz souligne : « Nous vivons une révolution tout à fait incroyable : révolution technologique, révolution liée à la mondialisation et l’avenir ne nous a jamais fait aussi peur ». En effet, « l’avenir n’a jamais été aussi peu prédictible. Tout ça crée des mouvements de recherche vers le passé d’un certain nombre de repères », poursuit le psychologue.
Nous avons ainsi tendance à chérir ce que nous avons toujours connu, le passé devenant un cocon rassurant par rapport au monde changeant. Face à un monde instable, certain.e.s vont idéaliser le passé, leur enfance, ce qu’iels croient être les « vraies valeurs » afin d’y puiser du réconfort et s’y réfugier. Comme l’indique Nussbaum, ces personnes apeurées par le changement vont multiplier les remarques amères. Vous avez sûrement entendu des propos comme : « Ah la société du numérique », « Il n’y a plus de relations humaines » ou encore « L’orthographe fout le camp ».
Comme l’ajoute le psychanalyste Gérard Bonnet, « Dans le « C’était mieux avant » il faut lire une aspiration à la stabilité, à la tranquillité ». Les personnes souffrant du syndrome du rétroviseur sont bloquées dans le passé. Elles y accordent trop d’importance. Leurs remarques amères sur le présent et l’évolution du monde révèlent une peur de l’inconnu et de l’instabilité.
Une progression limitée
Nous sommes prédisposé.e.s à évoluer, même s’il nous arrive d’idéaliser le monde que nous avons connu. Nous sommes tiraillé.e.s entre notre besoin de revenir vers ce qu’on connaît et notre envie d’apprendre et d’expérimenter de nouvelles choses. Or, c’est en sortant de notre zone de confort, c’est-à-dire de ce qu’on a toujours connu, que nous pouvons véritablement progresser.
Le syndrome du rétroviseur est une manière de se déresponsabiliser. En regardant dans le rétroviseur, nous ne mobilisons pas nos ressources actuelles, n’agissons pas et n’endossons pas nos responsabilités pour construire l’avenir auquel nous aspirons. Nous adoptons un discours victimaire qui nous enferme et limite notre progression. Nous évacuons alors nos frustrations en accusant la société à coups de « C’était mieux avant ». Le syndrome du rétroviseur indique une non-acceptation des bouleversements sociétaux contemporains et un rejet des turbulences dans notre vie.
3 clés pour dépasser le syndrome du rétroviseur
En regardant trop dans notre rétroviseur, nous ne pouvons pas nous épanouir. Nous ne pouvons pas devenir davantage, être davantage. Comme l’expose le coach de réussite Hal Elrod dans son livre « Miracle Morning » (Ed. First, 2012, p.69), « Nous croyons à tort que nous sommes toujours la personne que nous étions ».
Or, nous ne sommes pas le.a même qu’il y a un mois, un an, dix ans. Nous avons changé et appris. Si nous nous focalisons trop sur notre rétroviseur intérieur, nous ne laissons pas notre potentiel actuel s’exprimer. Alors, comment dépasser le syndrome du rétroviseur ? Voici 3 clés pour mieux apprécier ce que la vie nous offre et optimiser votre progression.
1 – Apprendre du passé pour bâtir l’avenir
Nous avons grandi, évolué, appris. Il est temps de mettre à profit ce que vous avez appris de vos expériences passées (échecs, erreurs, réussites) pour apprécier pleinement les opportunités qui s’offrent à vous. Arrêtez de ressasser le passé, mais inspirez-vous-en. Le passé est instructif. Vos expériences, qu’elles soient bonnes ou mauvaises, sont édifiantes. Regardez dans votre rétroviseur, mais ne vous focalisez pas dessus au risque de reproduire les mêmes schémas erronés et rester bloqué.e dans votre progression.
Tirer des enseignements de vos expériences passées va vous permettre de vous immerger pleinement dans le présent et de laisser votre potentiel actuel s’exprimer. Il est temps de changer votre perception du passé. Vous êtes responsable de votre conditionnement, le.a seul.e à vous mettre des limites sur ce que vous pensez être capable de faire.
Ce que vous avez raté dans le passé, vous le réussirez peut-être aujourd’hui, car vous avez appris avec le temps. Nous pouvons apprendre de nos réussites et de nos échecs, changer la perception de notre histoire pour mieux agir dans le présent et bâtir notre avenir.
2 – Sublimer son histoire
Nous sommes tou.te.s le héros ou l’héroïne de notre histoire. Que nous ayons traversé des épreuves, subi les foudres de l’amour ou réalisé des exploits, nous avons soulevé des montagnes. Pour aller de l’avant et dépasser le syndrome du rétroviseur, sublimez votre histoire. Cette idéalisation va non seulement flatter votre narcissisme, mais va aussi vous permettre de mieux affronter l’adversité et l’inconnu. Cette sublimation de votre histoire vous fournira des bases solides et vous rassurera.
Nous avons tou.te.s essuyé des échecs, mais ces derniers nous ont renforcés. Tentez même si vous échouez, car, comme l’annonçait sagement Maître Yoda, « l’échec est le meilleur des maîtres ».
3 – Garder le cap et avoir un but
Ce qui est passé, on ne peut pas le changer. En revanche, nous pouvons agir sur le présent et regarder devant nous. Ce qu’on change aujourd’hui aura un impact sur demain. Nous n’avons aucun contrôle sur le passé, mais sur le présent, oui. La situation d’aujourd’hui est différente de celle d’hier.
Il est ainsi important de regarder dans le pare-brise pour mieux apprécier la fenêtre des possibilités qui s’offrent à nous. Il est temps de nous détourner de notre rétroviseur intérieur pour regarder à l’horizon. Rappelez-vous vos projets, admirez le chemin parcouru pour en arriver là où vous êtes. Rappelez-vous pourquoi vous avez parcouru une si longue route, essuyé des échecs et vécu des réussites. Ainsi, vous pourrez pleinement apprécier le présent. Car seul ça compte ici et maintenant.