La chérophobie, où la peur d’être heureux.ses dans la vie

S’interdire d’accéder aux sentiments positifs que peut offrir la vie ? Se mettre des barrières devant chaque moment de joie ? Au premier abord, ce mal intérieur semble assez troublant, voire incompréhensible. Pourtant, depuis peu il s’inscrit dans le registre des phobies émergentes. On appelle cet obstacle au bien-être, la « chérophobie », terme emprunté à la langue grec « chairo » qui signifie « se réjouir ». Littéralement ce mot mystérieux signifie « avoir peur du bonheur ».

Les personnes atteintes de ce trouble développent une tendance à fuire toutes activités amusantes. Pourquoi se refuser un plaisir aussi simple ? Tout simplement parce que les chérophobes pensent que chaque fragment de bonheur peut virer au drame. On dit d’eux qu’ils souffrent du syndrome de « la peur des conséquences ». Cette appréhension les plonge dans une mélancolie intense et constante. Peut-être qu’inconsciemment vous réprimez aussi cet accès à la gaieté et vous peinez à vous accorder des moments de jouissance. Pour le savoir, il est important de déchiffrer chaque partie de cette curieuse frayeur, des symptômes à ses remèdes en passant par ses origines.

La source du mal-être

Stéphanie Yeboah, blogueuse touchée par la chérophobie indiquait dans une interview donnée au quotidien international d’information Metro : « La peur d’être heureux ne signifie pas nécessairement qu’on est constamment triste. Dans mon cas, la chérophobie est née d’évènements traumatiques. Des choses comme célébrer un succès, dépasser une tâche difficile ou avoir un nouveau client me mettent mal à l’aise ».

La chérophobie ne se solde donc pas toujours par une profonde dépression. En effet, une personne qui en souffre redoute de se trouver face aux événements et actions qui pourraient lui procurer du plaisir.

@VictorienAmeline/Unsplash

À l’origine de ce trouble, on identifie très souvent un moment traumatisant du passé. Il peut s’agir d’une éducation trop rigoureuse, d’un sentiment de joie réprimé, d’une pression professionnelle, d’une charge mentale trop forte ou encore d’une extrême solitude. Pour ne pas revivre ces situations aussi diverses que cauchemardesques, on s’inflige ce que l’on appelle « l’auto-sabotage ». Exemple simple : Louise entame une nouvelle carrière professionnelle prometteuse qui lui nécessite une grande concentration. Cependant, elle sort régulièrement faire la fête avec ses amies et met en péril cette nouvelle aventure. On peut ainsi en déduire qu’elle sabote sa réussite potentielle pensant ne pas mériter ce succès.

Concrètement, on chasse toutes les ondes d’optimisme et on déclare une guerre permanente à la joie. Si l’on devait tirer un portrait robot du chérophobe, il serait fataliste, défaitiste avec une notion floue et presque méconnue de la beauté. Renfermé sur lui-même, il se passionne pour des personnages parfois cyniques à l’instar de Samuel Beckett ou encore le Joker. Il exprime aussi une peur bleue du changement et panique à chaque sortie de sa zone de confort. Bien qu’il soit ravageur et destructeur, ce trouble n’est pourtant pas irréversible, il existe en effet des thérapies.

Les symptômes récurrents de la chérophobie

Sur le site de santé Healthline.com, les experts médicaux mentionnent les comportements qui prouvent que vous êtes atteint de chérophobie. Parmis eux, on retrouve par exemple :

  • Ressentir de l’anxiété quand vous êtes invités à un événement mondain.
  • Laisser passer des opportunités de changements positifs dans sa vie à cause de la peur d’une mauvaise conséquence.
  • Refuser de participer aux activités « amusantes ».
  • Penser qu’être heureux signifie que quelque chose de mauvais va se passer.
  • Penser que le bonheur fait de vous une mauvaise ou une pire personne.
  • Croire que montrer que vous êtes heureux est mauvais pour vous, vos ami.e.s ou votre famille.
  • Penser qu’essayer d’être heureux n’est qu’une perte de temps et des efforts vains

Stéphanie Yeboah décrivait sa vie de chérophobe de la manière suivante : « Finalement c’est un sentiment de désespoir complet, qui mène à l’anxiété et à la méfiance vis-à-vis des choses qui promeuvent le bonheur, parce que vous pensez qu’il ne durera pas. ». Ces différents comportements nourrissent un combat contre soi-même dans lequel on s’inflige un règlement intérieur strict et nuisible pour la santé mentale.

Comment lutter contre cette phobie pesante ?

Pour s’extirper efficacement de la chérophobie qui se révèle très tenace, l’étape psychothérapie est incontournable. Un.e thérapeute analysera objectivement et en profondeur l’origine de votre malheur. Les séances durent généralement plusieurs mois afin de recouvrir une entière plénitude de l’âme. Il faut en effet reconstruire tout l’édifice de la confiance en soi qui a été fortement endommagé par cette phobie. Un travail de longue haleine et surtout une lutte éprouvante pour rallumer la flamme de la joie. Mais en gravissant les paliers petit à petit, le/la thérapeute parviendra à effacer les pensées néfastes et à explorer de nouveau cette fonctionnalité si belle qu’est l’amour.

@ToaHeftiba/Unsplash

La famille et les ami.e.s sont aussi un véritable soutien dans cette phase plutôt rude. Il s’agit d’un changement radical à prendre avec des pincettes. Si on brûle les étapes, la personne risquerait de se braquer davantage. Cependant, si on prend la voix de l’échange et que l’on enchaîne les discussions constructives, le processus de « guérison » pourrait être plus rapide.

La chérophobie, ça vous parle ? Vous en souffrez ou connaissez quelqu’un de votre entourage qui en souffre ? Venez échanger sans jugement ni tabou sur nos forums

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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