Comment accepter ses rondeurs malgré les critiques des proches ?

« Tu as un si joli visage, c’est dommage », « Tu te laisses aller ! », « Maigrir, c’est une question de volonté, tu ne fais pas d’effort », « Si tu t’en fiches d’être grosse, perds au moins du poids pour tes enfants ! ». Ces réflexions à bout tranchant fustigent chaque centimètre carré de chairs soi-disant « en trop ». Souvent défendues par des proches qui veulent « seulement notre bien », ces remarques induisent à demi-mots que les rondeurs sont un lourd fardeau. Dans une société où la maigreur s’érige en étendard, les corps aux courbes généreuses semblent condamnés à se « réajuster » aux fichues normes. Et l’entourage en fait grandement la propagande. Pour aller au-delà des critiques ambiantes et accepter fièrement ses rondeurs, voici quelques pistes utiles et des punchlines de défense. 

Sous les remarques, une grossophobie intériorisée

Les remarques qui gravitent autour du poids sont toujours feutrées sous l’excuse de l’humour ou de la fausse bienveillance. Même si le corps reste un écrin personnel, les proches tentent de le faire rentrer dans des cases, quitte à employer les grands moyens. Les repas de famille s’accompagnent alors inlassablement de leur lot de conseils, à la sauce « diététique ».

« Tu as un gros appétit », « ton assiette est bien remplie, tu devrais faire attention », « comment tu fais pour manger autant en un seul repas ? »… toutes ces phrases, indigestes, renferment une grossophobie sournoise, en pleine fermentation. Entendues dans la bouche des parents, du/de la partenaire ou de la fratrie, elles prennent une tournure émotionnelle presque convaincante.

Pourtant, même si les proches estiment « vouloir le meilleur » en imposant des limites, iels ne font que recracher ce que la société leur a continuellement inculqué. C’est purement et simplement de la grossophobie internalisée. En mettant la main sur notre corps, de façon infantilisante, les proches maintiennent cette mentalité archaïque qui prétend que les rondeurs sont des indicateurs de paresse ou de mauvaise santé.

Dans certains cas de figure, c’est également une façon maladroite de protéger l’autre d’une hostilité bien ancrée. Les parents usent alors de tous les stratagèmes pour cantonner leur enfant à un moule et ainsi éviter le rejet. Quoi qu’il en soit, cette grossophobie déguisée sous le voile de l’amour est encore plus aveuglante que celle vécue à la « sauvage », dans les transports ou au bureau.

En touchant directement aux sentiments, elle nous retranche dans nos complexes et nous persuade que nos rondeurs sont incompatibles avec le bonheur. Un lavage de cerveau qui forge inévitablement une impression de ne jamais être « à la hauteur ». Ce regard aigu sur l’apparence, soutenu par les proches, est un coup de poignard direct dans la confiance en soi. Accepter ses rondeurs dans une société qui se fait avocat de la maigreur est une tâche complexe, mais pas impossible.

Les rondeurs, un héritage génétique

Contrairement à ce que scandent les croyances, les rondeurs ne sont pas le résultat d’une flemme aiguë ou d’une absence de motivation. Selon la science, elles sont fortement reliées au patrimoine génétique. D’après une étude menée en Norvège sur 120 000 personnes, l’obésité et le surpoids trouveraient une réponse dans les gènes, soit l’identité familiale. Si la plupart de la famille est taillée en H et possède des rondeurs, il y a fort à parier que ce gabarit se reproduise par mimétisme chez les futures générations.

Il existe des prédispositions à prendre du poids plus facilement que les autres. Cette séance de sport ou ce régime drastique que tentent de nous prescrire les proches n’y changeront alors pas grand-chose. La vraie nature du corps fera toujours un minimum de forcing pour exister. Cependant, ce n’est pas une fatalité. Même si l’entourage voit dans ses rondeurs un certain laxisme alimentaire, elles sont en fait un beau symbole d’appartenance.

L’obésité n’est pas une maladie de la volonté

Le surpoids et l’obésité sont victimes de nombreux clichés. Le commun des mortels les interprète comme une fainéantise radicalisée ou la conséquence d’une sédentarité extrême. L’image de la personne affalée sur son canapé entre un paquet de chips et un soda afflue presque instinctivement. Pourtant, l’obésité et le surpoids vont bien au-delà de cet a priori réducteur.

À titre de rappel, l’obésité est considérée comme une maladie par l’Organisation mondiale de la santé. Cependant, malgré cette « étiquette », elle continue de s’attirer les regards foudroyants de la société tout entière. En cause ? Un manque criant d’informations sur le sujet et des stéréotypes farcies dans chaque recoin de publicité ou de Une. L’opinion publique sous-entend encore que le régime est égal à une vie épanouie et que la perte de poids mène à l’estime de soi. À tort. C’est cette pensée, administrée à forte dose, qui oriente les avis et les induit en erreur.

Accepter ses rondeurs revient aussi à faire de la sensibilisation et à rééduquer les mentalités en conséquence pour une ouverture d’esprit plus grande. Bien souvent, les avis désobligeants sur le corps sont les séquelles d’une société bridée à un seul exemplaire de référence. Les corps généreux sont laissés sur la sellette comme les fruits et légumes hors calibres sur les étalages.

Comment réagir en cas de réflexions mal placées ?

Noël, Pâques, barbecue estival, garden-party… à chaque événement familial ou amical, les remarques se bousculent au portillon. Elles semblent démanger les lèvres des convives. Le moindre petit mouvement de hanches ou de fourchettes agrippe les commentaires fâcheux avec un magnétisme déconcertant. Plutôt que de « surréagir » et de se braquer, voici quelques tips pour riposter habilement :

1 – Remettre l’autre en question par la loi du silence

Le silence est une claque invisible qui fait presque toujours son effet. En laissant un blanc volontaire à la suite d’une remarque blessante et non sollicitée l’autre sera plus à même de regarder son comportement dans le rétroviseur. Comme l’explique le Dr Jacobs : « sur le moment, la réponse la plus puissante peut parfois être une non-réponse ». L’ignorance intentionnelle, décision consciente, est une réponse beaucoup plus intelligente qu’elle n’en a l’air. Généralement, l’ignorance est utilisée comme un bouclier de protection pour se barricader des émotions négatives.

Mais en l’appliquant de manière préméditée, elle devient une arme de défense puissante. Critiques infondées, remarques culpabilisantes sur lesquelles nous n’avons aucun pouvoir, commentaires malintentionnés… tout ce qui en veut à notre poids résonnera moins fort dans un soupir. C’est une façon plus spirituelle d’accepter ses rondeurs et de se prémunir contre les risques de « récidive ».

2 – Laisser place au dialogue

Les critiques, prises trop à cœur, dévastent toute la relation que l’on entretient avec son corps. Mais au lieu de ruminer sur ce ressenti et de se renfermer sur soi, mieux vaut parfois dire à voix haute ce qui nous pèse tout bas. Il ne s’agit pas d’un jeu de confrontation, mais plutôt d’une conversation « préventive », voire cathartique.

Ouvrir le dialogue est un acte salvateur dans le sens où il reconstruit la relation sur des bases plus saines. C’est aussi une manière de révéler les répercussions, parfois irréversibles, de certains mots. C’est libérateur, à condition que la personne en face soit réceptive à nos confidences.

3 – Trouver du soutien

Pas question de remettre sa défense à une personne annexe ou d’appeler au secours par un regard. Se faire assister en cas de critiques sur son poids est généralement encore plus humiliant que la remarque elle-même. Même si ce geste part d’un bon sentiment, il nous condamne à une certaine passivité.

En revanche, en sollicitant nous-mêmes un soutien moral chez nos ami.e.s, nous apprenons à maîtriser l’art de la « décharge émotionnelle ». Accepter ses rondeurs passe aussi par le réconfort de celleux qui n’ont pas ce filtre « jugeant ».

4 – Prendre du recul par rapport à l’autre

Il y a les proches qui veulent nous convertir en une réplique de Gisèle Bündchen par honte et celleux qui souhaitent nous rapprocher des standards par « prudence ». À partir du moment où l’entourage commence à basculer vers les remarques toxiques à base de comparaison et de méchanceté gratuite, il est préférable de prendre ses distances.

Certes, c’est douloureux de couper un lien, mais c’est parfois vital pour la confiance en soi. En perpétuant des relations qui nous mettent mal à l’aise avec notre corps, le combat pour accepter ses rondeurs restera toujours au point mort. Pire encore, il sera perdu d’avance.

Le corps est une propriété privée qui se fait régulièrement piétiner par des avis délibérés. Ces remarques qui inondent les repas de Noël et chaque grande retrouvaille en famille ne s’effaceront pas tant que la société n’aura pas évolué. Accepter ses rondeurs sans y laisser toute son énergie se traduit donc dans un bel égoïsme sain. Soit l’art de s’auto-complimenter et de multiplier les affirmations positives. Et pour le reste, bon débarras !

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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