Dans le dessin animé Disney, Cendrillon incarne une jeune femme d’une beauté inouïe admirée par toutes les petites filles. Derrière cette facette de la souillon maltraitée qui devient princesse se cache un syndrome psychologique, presque incompatible avec le bonheur. Bien loin de cette étiquette de la vie de château, le complexe de Cendrillon est caractérisé par une dépendance accrue ou légère envers autrui. En résumé, la notion d’autonomie s’efface pour laisser place à une soumission aux désirs de l’autre. De l’origine de ce mal intérieur à ses conséquences en passant par le processus de guérison, chaque détail sera passé au peigne fin.
Quelles sont les origines du complexe de Cendrillon ?
Des Frères Grimm aux Studios Disney en passant par Charles Perrault, Rossini ou même le groupe Téléphone, la destinée inversée de Cendrillon a fasciné pléthores d’artistes. Mais en analysant les profondeurs de ce conte populaire, Colette Dowling psychothérapeute new-yorkaise met en exergue les vices de la belle princesse.
En 1981, elle actualise ce comportement dans son livre « Le complexe de cendrillon : Les femmes ont secrètement peur de leur indépendance ». Ce personnage mythique et inspirant caricature en réalité une femme patiente qui se réalise à travers une tierce personne. La psychothérapeute et écrivaine décrivait cette relation ainsi :
« Les femmes persisteraient à s’inscrire, même quand elles ont tout pour réussir par elles-mêmes, dans des schémas de dépendance relative »
Marraine généreuse, prince réconfortant, père protecteur entrent alors en ligne de mire pour épauler ces Cendrillons déboussolées. Les personnes qui souffrent de ce syndrome ont alors tendance à sous-estimer leur compétence et à rattacher leur réussite à une intervention extérieure. Très jeunes, elles se lancent en quête de la personne parfaite, à l’effigie du prince charmant, pour échapper à une vie tourmentée et enfin nager dans le bonheur.
Aux antipodes du conte de fées, le complexe de Cendrillon rime surtout avec désillusions. Une liberté bafouée, un besoin constant de satisfaire ses semblables sans jamais penser à soi, se conformer aux paroles de l’autre… Autant de facteurs néfastes pour un bon équilibre mental et moral. Selon le psychologue Juan Gutierrez, une relation conflictuelle avec les parents et un apprentissage autoritaire dès l’enfance pourrait faire germer ce trouble. Si pendant cette période, les sentiments d’amour et d’affection ont été réprimés, l’enfant cherchera à combler cette absence d’attention à l’âge adulte.
Il existe même des cas extrêmes dans lesquels les parents font subir à leur enfant une maltraitance psychologique, en leur infligeant une pression émotionnelle conséquente. Alors pour ces Cendrillons, le seul remède est de trouver refuge dans les bras d’une personne qu’elles idéalisent.
La société impose-t-elle ce rôle-modèle ?
Dans ce cas de figure, la société s’apparente à la pomme empoisonnée dans Blanche Neige ou à la marâtre dans Cendrillon. En effet, elle façonne cette idée de dépendance de la femme envers son mari. Les garçons s’inscrivent davantage dans des jeux d’action et de réflexion alors qu’à l’inverse les filles sont rattachées à des activités passives. L’identité propre est détruite au profit d’une identité vécue par le prisme masculin. Cette éducation stéréotypée qui place l’homme au sommet du pouvoir et la femme en bas de l’échelle tend à provoquer un repli sur soi et un manque de confiance. Dès le plus jeune âge, les petites filles sont conditionnées à rester sages et à délaisser l’audace davantage attribuée à l’homme.
Les mutations de la société accordent désormais aux femmes plus d’espace et plus d’indépendance. Cependant, malgré les transformations sociales plusieurs pièces manquent au puzzle. En manque de repères culturels et de référents au sein même de la société, elles n’osent pas encore s’affirmer comme elles le souhaiteraient. En perpétuant ce rôle-modèle de la femme fragile, la société freine un leadership entièrement assumé et forge le complexe de Cendrillon.
Quelles sont les conséquences psychologiques du complexe de Cendrillon ?
Ce phénomène demeure nuisible pour l’équilibre psychologique et l’épanouissement personnel. Enrôlée dans une forme plus ou moins grande de soumission, la femme est incapable de se concentrer sur son bien-être. Cette attitude fait germer de nombreux troubles du comportement que le site psychologue.net énumère ainsi :
- Création d’un lien émotionnel déséquilibré, concentré sur l’exercice de pouvoir dans l’interaction avec les autres et dans l’établissement de liens affectifs de type domination-soumission,
- Tolérance de l’abus de pouvoir que les autres peuvent exercer sur l’individu, similaire à celui qui a été vécu pendant l’enfance,
- Apprentissage de la victimisation qui se généralise à toutes les relations avec des pairs (ami.e.s, couple…),
- Tendance ou incapacité à se défendre face aux autres et à se mettre en valeur.
Les clefs pour se « décendrillonner »
Dans son livre « Se libérer du complexe de cendrillon : Trouver l’audace de vivre », le psychanalyste Saverio Tomasella affirme que pour guérir de ce mal invisible, la route est longue. Selon lui pour redécouvrir ses envies propres et accepter de dire « non » à l’autre, il faut d’abord commencer par un travail d’introspection. Il conseillait :
« On va observer les moments dans lesquels on se sent soumis.e aux attentes, où on ne fait pas ses propres choix. Dans un joli carnet, on va alors noter la situation, la personne avec qui elle s’est produite puis le jour. Il s’agit de comprendre dans quel contexte ces situations se passent et comment elles se passent »
Après cette première phase d’auto-analyse, on peut agir et commencer à exprimer ses désirs en laissant dans l’ombre la personne dont nous dépendons. Il faut aussi être conscient.e du risque de perdre l’être aimé. En effet, depuis le début de la relation on joue le rôle d’une personne docile, influençable et malléable. Alors une fois que tous ces critères s’amenuisent, l’âme soeur peut rester troublée.
Si l’être aimé a une personnalité forte, cette mutation présage une rivalité alors le psychanalyste recommande : « Si c’est nécessaire, on met les points sur les i de façon très forte, ça peut aller jusqu’à la prise de distance, la séparation. C’est le cas face à une personne dominatrice qui n’accepte pas que vous ne soyez plus soumis.e ». Mais s’il s’agit d’une relation saine, ce changement n’altérera en rien les sentiments de l’autre. Il faut simplement se détacher de cette idée que l’on ne peut se rendre utile que pour notre prochain.
Pour vivre une aventure magique, il faut savoir se détacher des chaînes de la société et affirmer sa personnalité. On a tou.te.s en nous une face cachée presque inexplorée qui peut parfois s’avérer extraordinaire.