Pourquoi j’ai du mal à demander de l’aide ? 6 pistes pour comprendre

Demander de l’aide n’a rien de sorcier, mais pour certaines personnes cet appel au secours relève de l’effort surhumain. Qu’il s’agisse d’un petit service pour dépanner ou d’un besoin plus conséquent, la sollicitation de l’autre semble impossible, voire honteuse. Notre société individualiste et son culte du « moi je » n’ont pas tendance à faciliter la tâche.

En refusant cette main tendue, ces « faux warriors » s’infligent une responsabilité colossale et finissent sous l’eau. Si demander de l’aide paraît si éprouvant, c’est loin d’être le seul résultat d’une fierté mal placée. Voici 6 pistes éclairantes pour mieux identifier l’origine de cette pudeur sociale. 

1 – La peur de paraître faible

Que ce soit pour monter un nouveau meuble, démêler un dossier administratif casse-tête, mettre en route un appareil électroménager tout neuf ou débroussailler le jardin, demander de l’aide est souvent interprété comme une marque de faiblesse. Dans l’imaginaire collectif, le service cohabite avec l’impuissance, à tort. Demander de l’aide revient donc à s’avouer « vaincu » et à matérialiser une défaite personnelle.

Ainsi, pour beaucoup, c’est une grosse entaille à l’égo. Les personnes concernées ont l’impression de déclarer forfait et de s’attirer la pitié de l’autre. Elles préfèrent alors puiser dans leurs ressources personnelles, quitte à se ruiner la santé plutôt que de reconnaître leur incompétence, aussi futile soit-elle.

Pour elles, demander de l’aide sous-entend « je dépends des autres ». C’est comme si une armure sociale en fer forgé s’écroulait sur le sol. Cette autonomie maladive fait partie de la nature humaine. Comme l’expliquait le sociologue Marcel Mauss, on se sent à la merci de l’autre, dépossédé de nous-mêmes, on devient son « sous-fifre ». Du moins, c’est que l’on s’imagine. Le don crée ce sentiment d’infériorité si préjudiciable à l’image de soi.

2 – Le risque de l’exclusion

Demander de l’aide, c’est aussi prendre le risque de se frotter à un refus. Cette sollicitation, déclinée par l’autre pour des raisons d’indisponibilité, ravive les angoisses profondes du rejet. Les comportements fuyants, volontaires ou pas, sont largement redoutés. Ils remettent en cause toute la solidité du lien qui nous unit à l’autre.

Ce « non », même lâché dans la plus grande politesse, agit comme de la dynamite vu de l’intérieur. Dans les faits, refuser de prêter main-forte à quelqu’un par manque de temps ou d’énergie n’a rien de « blâmant ». Mais ce refus blesse l’être tout entier. Le « non » est généralement pris trop à coeur.

« Ce n’est pas tant l’aide de nos ami.e.s qui nous aide, que notre confiance en cette aide« , illustrait si bien Épicure. Dans certains cas de figure, ce refus peut rouvrir psychologiquement des cicatrices d’enfance. Ainsi une personne qui a évolué dans une misère affective pendant le tendre âge aura plus de difficulté à le digérer.

3 – Un manque de confiance en soi

Refuser de demander de l’aide ou ne pas en être capable renvoie aussi à une faible estime de soi. La personne va discréditer ses propres besoins pour assouvir ceux des autres en priorité. Elle estime que ses impératifs ont moins de valeur et qu’ils peuvent attendre. Elle se sent tout bonnement illégitime à demander de l’aide. Ses urgences passent alors injustement au second plan comme si elles n’avaient pas lieu d’exister.

Il y a aussi cette étiquette de « boulet » ou « fardeau » qui rapplique tout de suite à la hâte lorsqu’il est question de déléguer une tâche. Les personnes qui ont un égo en modèle réduit vont généralement se surpasser en solitaire, qu’importe les heures perdues, pour échapper à cette piqûre d’infériorité.

4 – L’impression de déranger

L’excès de politesse et de bonnes manières peut s’avérer assez handicapant dans certaines situations. Demander de l’aide n’a rien d’intrusif ou de grossier, pourtant beaucoup refusent de saisir cette chance par peur d’empiéter sur les plates-bandes de l’autre ou de perturber ses plans. La faute à ce fichu sentiment de culpabilité, toujours là quand il ne faut pas.

On se dit que l’autre a certainement un agenda bien chargé et qu’il serait insolent de lui voler quelques heures. Cette croyance, renforcée par notre mode de vie « pressant », est massivement « intériorisée ». Elle n’est pas dangereuse, mais elle devient malsaine lorsqu’elle nous coupe complètement des autres.

5 – Le côté redevable

Demander de l’aide induit de rendre la pareille. Même si l’autre s’exécute avec bon cœur, sans rien réclamer en retour, l’idée d’une « dette » plane toujours dans l’air. L’autre est aussi censé y gagner au change. Du moins, c’est ce que les règles de savoir-vivre sous-entendent.

Cette notion de « rentabilité » peut refroidir certaines personnes, qui se sentent alors « piégées dans leur propre jeu ». Elles ne veulent pas dépendre d’une « ardoise », ni devoir rendre des comptes à qui que ce soit. Elles préfèrent ramer difficilement dans leur liberté plutôt que de se noyer dans les obligations.

6 – La crainte de perdre le contrôle

La citation « on n’est jamais mieux servi.e que par soi-même” s’inscrit parfois dur comme fer dans les mentalités. En effet, demander de l’aide, c’est aussi tolérer qu’une tierce personne sème son grain de sel dans nos affaires.

Nous n’avons plus le monopole du pouvoir. En incluant une autre personne dans le projet, on doit sacrifier une part de sa dignité. Pourtant, deux cerveaux valent mieux qu’un pour réfléchir à comment construire ce meuble Ikea ou déchiffrer cette fiche d’impôt douteuse.

Comment demander de l’aide en 3 étapes

En cette ère où le « je » efface doucement le « nous », demander de l’aide ressemble trop à un aveu de vulnérabilité. Mais selon la psychologue Isabelle Crespelle « cette demande témoigne d’une capacité d’autonomie, dès lors qu’elle est faite dans la liberté et la clarté”. Au-delà de soulager, cette aide révèle la force du collectif. Voici donc 3 façons d’appréhender cette sollicitation avec moins d’a priori.

1 – Y aller pas à pas

Il y a une certaine différence entre demander à un.e proche de changer les piles d’un détecteur de fumée et une somme colossale de 3000 €. Même si les deux requêtes sont totalement respectables, l’une d’elles est plus raisonnable. Les petits services aussi méritent leur attention.

Ils commencent dès les « bricoles » du quotidien comme emprunter un vernis ou un moule à muffins. En y allant crescendo, vous apprendrez à mieux gérer l’exercice de la sollicitation. Vous pouvez vous entraîner face à un miroir ou utiliser votre BFF en cobaye.

2 – Miser sur l’échange de compétences

Pour éviter de vous sentir totalement incapable et de vous rabaisser, vous pouvez envisager le troc de compétences. Si un.e de vos proches excelle dans le bricolage et vous dans la couture, jouez sur la complémentarité.

Lui.elle répare votre lave-vaisselle tandis que vous, vous faites un ourlet à son pantalon. Un échange gagnant-gagnant où tout le monde repart avec l’égo intact.

3 – Aller droit au but

Nul besoin de passer par quatre chemins pour demander de l’aide ni de s’embarquer dans des requêtes subliminales à n’y rien comprendre. Les phrases les plus précises sont les meilleures. Au lieu d’un vague « tu peux venir à la maison, j’ai un truc à réparer”, préférez une approche plus directe permettant à l’autre de se projeter. La personne n’aura pas l’impression de se faire enfumer et pourra mieux anticiper la tâche.

« À mon sens, il est également primordial d’affirmer son besoin, de le dire clairement : « J’ai besoin », avec ce « je », impliquant, pour interpeller l’autre de façon gratifiante pour lui », explique Aurélia Schneider, psychiatre et thérapeute comportementaliste

Demander de l’aide n’est pas un devoir, c’est une obligation. Alors que les liens humains se dissoudent dans l’indifférence, cet acte laisse entrevoir une fraternité précieuse. Ce coup de pouce se traduit aussi dans la démocratisation des séances de psy, salvatrices pour l’âme. 

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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