Vous vous pensiez étranges à vous parler à vous-même ? Cela vient du fait que notre société du paraître aime nous laisser penser que c’est étrange. D’ailleurs, on targue souvent les personnes qui se parlent à elles-mêmes de folles. En vérité, c’est une pratique courante pleine de bienfaits. Voici 5 vertus d’une telle habitude.
Un phénomène normal et courant
Après que le HuffPost canadien ait consacré un article au self-talk, la psychothérapeute Dr Laura F. Dabney a tenu à dédramatiser à son tour cette pratique. Courant chez les enfants, ce n’est pas un comportement voué à disparaître à l’âge adulte. Ce n’est pas non plus le signe d’une maladie mentale. Si on le trouve moins en grandissant, ce n’est que par honte de la stigmatisation sociale.
L’autrice de « The Art of Talking to Yourself« , Vironika Tugaleva, affirme que nous le faisons tou.te.s. Nous n’en sommes simplement pas nécessairement conscient.e.s. D‘aucuns trouvent le fait de se parler à soi-même en public étrange. Mais selon elle, nous entretenons tou.te.s des conversations mentales complexes et multiples. Cela nous aide à donner du sens aux choses du quotidien, à les interpréter, à surmonter certains obstacles de la vie et à avoir confiance en nous. Elle ajoute :
« Il s’agit là d’une pratique non seulement normale, mais essentielle, et c’est en prenant conscience des vertus de ce discours intérieur que nous pouvons accéder au bonheur et nous épanouir. »
1 – Se parler à soi-même aide à se concentrer
Nombreuses sont les études qui prouvent que se parler à soi-même est un bon moyen de mémorisation et de concentration. Le Graal serait même de le faire à voix haute. C’est ce que Gary Lupyan, chercheur et professeur de psychologie à l’université du Wisconsin-Madison a voulu déterminer dans ses recherches.
Dans ce cadre, il a pu déterminer que si des sujet.te.s cherchent un objet, iels sont plus susceptibles de le trouver en prononçant son nom à haute voix. Cela étant dit, cette expérience a des limites. Si la personne ne sait pas ce à quoi ressemble l’objet recherché, se le demander à voix haute ne sert à rien et pourrait freiner la recherche.
Une autre étude, publiée dans Procedia-Social and Behavioral Sciences, s’est intéressée à cette pratique dans le cadre du sport. Les sociologues ont réuni 72 étudiant.e.s pratiquant le basket. Divisé.e.s en groupes distincts, les joueur.se.s du premier groupe devaient se motiver personnellement. Celleux du second avaient pour devoir de se donner des instructions à eux-mêmes à voix haute. Finalement, les joueur.se.s qui se conseillaient personnellement à haute voix augmentaient leur concentration, leur stratégie et leur technique.
2 – Le self-talk pour réduire le sentiment de solitude
La solitude est l’un des plus grands maux de notre société. Encouragée par les réseaux sociaux et l’accélération de nos rythmes de vie, elle pousse à bout de nombreuses personnes. Celles-ci craignent de se parler à elles-mêmes. Pour autant, selon Aniesa M. Schneberger, conseillère en santé mentale agréée, se parler à soi-même permet de moins ressentir la solitude.
C’est donc un grand bienfait pour la santé en général. En effet, les Centers for Disease Control and Prevention décrivent les risques qui accompagnent la solitude. On trouve 50 % d’augmentation du risque de développer une démence, 32 % d’augmentation du risque de développer un AVC. Ajoutons à cela, 29 % de plus de chances de développer une maladie cardiaque, dont 400 % de plus de risque de décès. Enfin, nous constatons une augmentation de 68 % du risque d’hospitalisation et de 57 % du risque de visite aux urgences.
3 – Se parler à soi-même pour mieux gérer les moments d’angoisse
Itamar Shatz, doctorant en linguistique à l’université de Cambridge, a mené des recherches sur le fait de se parler à soi-même. Selon lui, cette pratique favorise l’autodistanciation, nous permettant de gérer plus sereinement une situation stressante car nous avons confiance en nous.
« Si vous appréhendez une intervention en public, au lieu de vous demander: ‘Pourquoi est-ce que je suis si stressé.e ?’, demandez plutôt : ‘Pourquoi est-ce que tu es si stressé.e ?’ ou bien : ‘Pourquoi Élise est-elle si stressée ?’ », explique-t-il
Alors, si un jour vous êtes anxieux.se à l’approche d’une prise de parole en public, n’hésitez pas à vous parler. Cela favorisera votre objectivité et vous permettra de prendre conscience de vos appréhensions.
« Les études montrent que cela aide à appréhender la situation d’une manière plus objective sur le plan affectif, ce qui permet de mieux composer avec ses émotions et de prendre des décisions réfléchies », précise Ethan Kross, professeur de psychologie à l’université du Michigan
Cependant, les psychologues recommandent d’éviter les monologues destructeurs. Ceux-ci ont l’effet inverse et sapent le moral.
4 – S’encourager en se parlant
Dans le cadre de son travail en psychologie, Ethan Kross a étudié avec ses collègues l’impact du self-talk. Cette étude est partie du constat que nombreux.ses de leurs patient.e.s se parlaient à la deuxième et troisième personne du singulier. Iels notaient des phrases comme « Tu peux le faire », « Jane peut le faire » au lieu de « Je peux le faire ». Cette distance prise vis-à-vis de soi-même s’avère nécessaire pour nous convertir en meilleur.e.s conseiller.ère.s.
Ainsi, jouer les Jules César en utilisant « il/elle » et non pas « tu/je » permet de se décentrer et d’apprécier la situation avec moins d’affects. Selon Nouria Gründler, en procédant ainsi :
« Nous ne répondons pas à nous-mêmes, mais à l’injonction de l’autre. L’autre, on le construit avec l’image idéale que l’on se fait de soi. »
5 – Le self-talk, un moyen de traverser les épreuves
Si vous n’êtes toujours pas convaincu.e, Sheri McGregor, coach de vie et auteure du livre « Done With the Crying« fini d’argumenter. Elle affirme que se parler à soi-même est à la fois sain et profitable. Dans son accompagnement des parents en rupture de lien avec leurs enfants, elle invite ainsi ses patient.e.s à se servir de cette méthode.
« J’explique à mes client.e.s et aux personnes qui me lisent que s’adresser à soi-même avec bienveillance peut être un bon moyen de prendre soin de soi. »
Cela permet d’éloigner les facteurs du stress pour se concentrer sur les aspects positifs. Elle remarque, à l’instar de Itamar Shatz, que c’est dans l’adversité que nous nous servons le plus du self-talk. Les deux expliquent cela de concert. Le fait de traverser des épreuves incite nos pensées à nous plonger dans le désespoir. C’est pourquoi il est recommandé de se parler à soi-même avec bienveillance.
Vous voilà rassuré.e, vos self-talk ne sont pas le signe d’un trouble psychologique. Ils sont simplement le reflet d’une certaine intelligence émotionnelle et d’un bon esprit de concentration et de mémorisation. Si vous ne l’appliquez pas encore au quotidien, cet article est le signe qu’il est temps de tenter un dialogue avec vous-même.