Comment dire « non » à ses enfants de manière positive ?

Dégainé au premier caprice ou à la moindre bêtise, le « non » est la menace ultime des parents. Utilisé à tort et à travers pour ramener l’ordre, il sert de « joker » au même titre que le « à trois… ». Si, en apparence, ce mot semble inoffensif, il sonne comme une déflagration chez les enfants, alors retranchés dans leurs frustrations.

En plus de s’user à force d’utilisation, ces trois petites lettres cristallisent un peu plus les conflits. Il existe cependant des moyens détournés pour dire « non » à ses enfants. Infusées par la parentalité positive, ces techniques de substitution sont moins radicales et tout autant fructueuses. Plus besoin de se casser la voix, ni de froncer les sourcils, ces « non » déguisés dictent le calme avec lucidité.

Dire « non » à ses enfants de manière positive : quel intérêt ?

Lorsque les enfants dépassent certaines règles de savoir-vivre, le « non » revient presque comme un automatisme. C’est l’arme fatale des parents pour reprendre le contrôle. Sauf que voilà, le « non » fait effet un temps, mais à trop l’employer il finit par perdre en crédibilité et en efficacité. Il a même tendance à attiser les crises.

Le « non », riposte facile, réprime les libertés de l’enfant sans vraiment justifier le pourquoi du comment. Employé à tout va avec peu de profondeur, il laisse l’enfant dans le flou le plus total. Si l’enfant surréagit au « non » à coup de colère et de larmes de crocodile, c’est tout simplement parce qu’iel y voit une interdiction injustifiée. Le « non », posé sans formes, ni enluminures, est une bombe à retardement. Il ne fait que nourrir la grogne des enfants.

L’abus de négation est mauvais pour la construction de l’enfant. Plusieurs études démontrent d’ailleurs que les enfants habitué.e.s au mot « non » développe un langage plus précaire que celles et ceux qui reçoivent des réponses plus positives. Mais pas question de transformer le nid familial en Parc Astérix ou en lieu de perdition, l’éducation positive suggère tout bonnement de miser sur le dialogue et le respect mutuel.

Au lieu de dire un « non » sec et flegmatique, elle recommande d’aller vers un « non » amélioré, meublé par des explications éclairantes. L’enfant ne doit pas être spectateur.ice de sa « faute » ou de sa « bêtise » mais bien le.a protagoniste. En apportant des clés de lecture à ce fameux « non », le parent donne une chance à l’enfant de s’améliorer et d’alléger sa charge émotionnelle. Dire « non » de manière positive revient à poser des limites sans braquer l’enfant.

L’importance de poser des limites à l’enfant

Dire « non » à son enfant de manière positive ne veut pas dire tout accepter ou tout discréditer, loin de là. La tolérance zéro s’applique aussi dans les paroles les plus softs. Si certains parents vont aux extrémités du laxisme en levant tous les « interdits », le « non », tempéré, reste une denrée précieuse. Au-delà d’éviter l’anarchie dans le foyer, il a aussi une fonction « rassurante ».

Dans certains cas de figure le « non » est préventif. C’est le petit phare de rappel pour anticiper les dangers. Il arrive par impulsion lorsque l’enfant est sur le point de manger une mini barrette de poupée Barbie ou à deux doigts de toucher un plat tout juste sorti du four par exemple. Le « non » amortit les risques et donne à l’enfant cette impression de sécurité.

Le « non », dit de manière positive, sert aussi de ligne de conduite. C’est lui qui permet à l’enfant de faire la distinction entre ce qui est correct en société et ce qui ne l’est pas. L’enfant sait ainsi où iel doit s’auto-censurer. C’est par le « non » qu’iel nuance le « passable » de « l’inadmissible ». Iel est donc conscient.e que mordre ses comparses pour obtenir un jouet ou se fouiller le nez en public dépassent les « bonnes manières ». Cependant, le « non » doit cohabiter avec le « oui » pour avoir plus d’intérêt et ne pas rouiller en dix jours.

« Mais la société d’aujourd’hui nous permet-elle d’éviter certains refus ? Va-t-on toujours pouvoir trouver une option alternative ? Je vous invite à la mesure. Ne jamais dire « non » pourrait les rendre plus faible, mais c’est aussi le cas si on leur refuse toujours tout », conseille Abel Domínguez Llort, psychologue pour enfants dans les colonnes de Être Parents

4 variantes pour dire « non » de manière positive

Même si le « non » reste toujours sur le bout de la langue, il faut parfois apprendre à le ravaler au profit de phrases plus responsabilisantes et encourageantes. Puisqu’un.e enfant de 2 ans entend un « non » toutes les 10 minutes, il serait temps de le dépoussiérer de manière positive. Voici donc quatre alternatives pour un « non » plus commode et moins agressif.

1 – « Oui mais… » ou « oui et… »

L’enfant est généralement plus réceptif.ve au « oui » qu’au « non » catégorique. Cependant, ce « oui » doit être complété par un petit mot d’accroche induisant un « effort » de sa part. Il peut s’accompagner d’une temporalité. Par exemple, si l’enfant demande à regarder un dessin-animé, le parent peut répondre « oui, après les devoirs«  ou « oui, quand on sera de retour à la maison ».

Ça peut aussi être un « oui » de détournement. Si l’enfant réclame de jouer à sa console, le parent réplique avec un « oui tu as très envie de jouer à ta console mais on va plutôt aller au parc ». Pas question de lui accorder toutes les faveurs, simplement de reporter sa demande à plus tard ou de la revoir gentiment à la baisse.

2 – Utilisez le « stop »

Contrairement au « non », le « stop » est autoritaire mais pas accusatoire. Il interrompt l’action de l’enfant illico presto avec beaucoup plus de résonance qu’un « non » classique. Même les cerveaux « immatures » des enfants qui ont en-deçà de trois ans y sont sensibles. Moins conventionnel mais plus porteur, le « stop » doit cependant être utilisé avec modération au risque de se faire amputer de son aplomb.

Il revient surtout comme un « warning » pour protéger l’enfant. C’est dans les situations périlleuses que le « stop » trouve un écho, par exemple si l’enfant s’apprête à traverser la rue hors des passages cloutés ou se penche un peu trop sur la rambarde de l’étage.

3 – Proposez un compromis

Autre alternative pour dire « non » à ses enfants de manière positive : le compromis. Si l’enfant a une envie pressante de bonbons par exemple, le parent peut suggérer « tu en as déjà eu, je te propose une compote ou des fruits en échange, ça te tente ? ».

Même son de cloche si l’enfant veut absolument aller aux toilettes comme un.e grand.e du haut de ses 3 ans. Le parent peut tenter « je te laisse y aller tout.e seul.e mais je laisse la porte entrouverte au cas où, d’accord ? ». C’est une belle ruse pour trouver un juste milieu entre les attentes de l’enfant et la réalité des parents. Résultat : tout le monde sort gagnant de l’affaire.

4 – Utilisez des phrases « affirmatives »

Les phrases négatives à la sauce « fais pas ci, fais pas ça » rappliquent à la hâte dans la bouche des parents. Pourtant, elles sont assez blâmantes pour l’enfant qui pense alors avoir gravement fauté. La langue française est si riche qu’il est largement possible de trouver des alter égo « positifs » à ces directives du quotidien.

Ainsi les parents peuvent troquer un « non, ne cours pas, tu vas tomber et te faire mal » contre un « marche doucement, le sol est très dur, tu pourrais te blesser ». Une gymnastique linguistique toute simple qui sonne tout de suite moins rude à l’oreille.

Comme quoi le « non » n’a pas le monopole de la discipline, au contraire. En plus de favoriser la complicité parent-enfant, dire « non » de manière positive encourage les enfants à s’autonomiser et à gagner en estime. Et côté parents, c’est un réel gain d’énergie. Nul besoin de se fatiguer les cordes vocales dans un amas d’onomatopées, ces « non » travestis sont propices à l’harmonie familiale. La parentalité positive, régulièrement entachée par les clichés acerbes, a tant à montrer. 

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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