Pour répondre à la baisse inédite de la natalité et relancer la courbe démographique du pays, Emmanuel Macron a récemment annoncé la création d’un « congé de naissance ». Voué à remplacer le congé parental actuel, il est censé être « mieux rémunéré » et plus confortable pour les parents. Avec cette mesure frontale, le président ambitionne de redonner des « envies de bébé ». Pourtant, cette stratégie est loin de faire l’unanimité. Qualifiée de réactionnaire et de paternaliste par les associations féministes, elle déchire les opinions. Mais que renferme vraiment ce congé de naissance, accusé d’instrumentaliser le vagin de ces mesdames ? Éclairage sur cette nouvelle ponte du gouvernement.
Congé de naissance : qu’est-ce que ça change concrètement ?
Alors que la natalité n’a jamais été aussi basse depuis la Seconde Guerre mondiale, Emmanuel Macron a réaffirmé son souhait de repeupler la France. Lors de sa conférence de presse, livrée le 16 janvier dernier, le président de la République a notamment annoncé l’entrée en vigueur prochaine d’un congé de naissance. Une énième réforme du congé parental qui se targue d’être plus avantageuse pour les parents.
Fermement décidé à endiguer le « fléau de l’infertilité », Emmanuel Macron n’a pas manqué d’arguments pour défendre son nouveau « dispositif ». Mais cette mesure, qui fait la fierté du gouvernement et survendue par le président, est encore enveloppée d’un épais brouillard. Le locataire de l’Élysée a mentionné les grandes lignes du congé de naissance en restant évasif sur des points essentiels tels que les indemnités.
Un congé « mieux rémunéré »
À travers cette mesure, il veut permettre « aux deux parents d’être auprès de leur enfant pendant six mois, s’ils le souhaitent ». C’est son principal angle d’attaque. Ainsi, les parents pourront suspendre ou réduire leur activité professionnelle, tout en jouissant d’une juste rémunération. À noter que le congé parental actuel prévoit seulement la maigre somme de 429 € par mois. Toutefois Emmanuel Macron ne s’est pas attardé sur la nouvelle enveloppe réservée aux parents avec ce congé de naissance. Selon certains échos, la rémunération pourrait être équivalente à 50 % du salaire.
Un congé de six mois ouvert aux deux parents
Ce congé de naissance, cumulable avec le congé maternité et paternité, peut se départager entre les deux parents. « Soit ils pourront le prendre ensemble, soit successivement », a indiqué à Sud Radio Aurore Bergé, fraîchement renommée à la tête du ministère de de l’Égalité entre les femmes et les hommes. Un congé de naissance « à la carte » pour avoir plus de flexibilité et ne pas se couper trop longtemps du monde du travail.
Ce congé en perspective est donc plus expéditif que l’actuel étalé sur un an et renouvelable deux fois jusqu’au troisième anniversaire de l’enfant. Cependant, ce que le président de la République a omis de préciser, c’est que cette durée évoquée n’est qu’une « moyenne ». Elle peut donc se raccourcir une fois ajoutée au bout du congé paternité ou maternité. En définitive, puisqu’une femme a déjà quatre mois de congé maternité, elle ne pourra prétendre qu’à deux mois de « plus » pour atteindre les six évoqués.
Le sort des parents n’est pas le coeur de cette stratégie
À peine posé sur la table, le congé de naissance soulève déjà une grogne palpable et de nombreuses interrogations. Cette mesure, envisagée à l’horizon 2025, est principalement décriée pour sa « superficialité ». Les opposant.e.s évoquent un dispositif de « façade », dans l’intérêt de l’État, mais pas vraiment des parents. Même si ce projet est dans le viseur du gouvernement depuis plusieurs années, les nouvelles données « alarmantes » de l’Insee sur la natalité ont accéléré sa mise en œuvre. À travers ce dispositif, encore entouré d’un épais brouillard, Emmanuel Macron veut « améliorer » la condition des parents pour enrichir le PIB de la France.
La deuxième partie de son discours a massivement heurté les âmes progressistes et choqué le public. Selon ses mots « la natalité baisse parce que l’infertilité progresse« . Un fait réel puisque d’après les chiffres de l’OMS, elle touche un couple sur quatre. Toutefois, Emmanuel Macron n’a trouvé qu’une seule raison pour expliquer ce phénomène « les mœurs changent, on fait des enfants de plus en plus tard« . Une phrase grinçante qui rejette la faute de ce « baby crash » sur le dos des femmes (ou plutôt sur leur utérus).
Ce congé de naissance s’esquisse dans un contexte démographique particulièrement mauvais, ce qui remet en cause le fond même de cette mesure et sa légitimité. Si les associations familiales se réjouissent de ce projet, elles exigent par ailleurs des efforts de taille en matière d’indemnisation. Pour que les Français.es retrouvent ce désir d’enfant, il faudrait également une refonte du cadre législatif encore éminemment paternaliste.
Le terme « réarmement démographique » pose problème
« Un grand plan de lutte contre ce fléau sera engagé pour permettre justement ce réarmement démographique« . Cette phrase aux évocations « guerrières » entendue dans la bouche d’Emmanuel Macron a mis le feu aux poudres. Cette formulation archaïque qui en revient à l’image de la femme « pondeuse » a scandalisé les militantes féministes. Plusieurs associations en faveur des femmes se sont d’ailleurs insurgées contre cette approche conservatrice. Elles dénoncent une « injonction nataliste ». Mais également une représentation très poussiéreuse de la femme, qui ne sert la patrie que par son vagin.
Le terme « réarmement démographique », issu d’un lexique « frondeur », transforme les « bébés » en munition économique et les femmes en vulgaires « recharges ». Cette mainmise sur le corps des femmes est non seulement régressive, mais en plus elle renvoie à une politique masculiniste arriérée. Sur X (anciennement Twitter) beaucoup d’internautes ont d’ailleurs fait le parallèle avec le livre « La Servante Écarlate ». Une dystopie qui se tient dans une société patriarcale totalitaire.
La façon dont ce congé de naissance a été abordé par Emmanuel Macron révèle des failles plus profondes dans les rouages politiques. Ce « réarmement démographique », nouveau cheval de bataille du président, relègue les femmes au faible grade d’objet « fécond ». Rien de plus. Ces mesdames sont encore hissées en fautives numéro une de ce déclin et sont gentiment invitées à renflouer le capital de la France.
Une mesure déconnectée de la réalité
Ce congé de naissance, qui mobilise tous les espoirs d’une droite « conquérante », est peut-être prometteur sur le papier, mais dans les faits, il risque difficilement de convaincre les jeunes générations à procréer. Comme le pointe la classe écologiste, la planète est déjà pleine à craquer et en aval, ses ressources s’amenuisent drastiquement. La remplir davantage ne ferait qu’aggraver un problème déjà latent.
Autre réalité : les jeunes, en proie à l’éco-anxiété, envisagent mal le futur de leur progéniture dans un monde en surchauffe et incertain. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon une étude révélée dans la revue The Lancet Planetary Health, 6 jeunes sur 10 ne veulent pas d’enfant, car ils jugent l’avenir « effrayant ».
La procréation n’est pas encore une évidence
Ce congé de naissance rencontre également un autre point de chute. La procréation n’est pas à la portée de tous les corps. L’infertilité, qui concerne 3,3 millions de Français.es, réduit les chances d’avoir un enfant. Or, le parcours de la PMA est loin d’être un long fleuve tranquille.
Selon une enquête Ipsos, la PMA impacte tous les aspects de la vie des femmes, leur vie quotidienne pour 92 % d’entre elles, leur vie professionnelle pour 84 %, leur vie de couple et sexuelle pour plus de 80 %. Tant que des aménagements ne seront pas envisagés et que les démarches ne seront pas simplifiées, le désir d’enfant ne restera qu’une sombre illusion.
Le coût exorbitant d’un enfant
Enfin, autre notion qui a échappé à Emmanuel Macron : être parent est une manne financière. Certes, le congé de naissance prévoit une rémunération plus décente, mais les dépenses qu’induit un bébé, elles, sont colossales.
Selon une étude pilotée par le ministère des Solidarités et de la Santé, un enfant coûte en moyenne 180 000 € de sa naissance jusqu’à ses 20 ans. Par temps d’inflation, avoir un bébé relève de la folie.
Ce congé de naissance, qui divise les classes politiques, s’inscrit dans le sillage du nouveau gouvernement d’Emmanuel Macron, qui penche plus à droite. Le président, qui envisageait de grandes avancées pour les femmes, marche à reculons et piétine leur droit. Il s’est d’ailleurs mis beaucoup de femmes à dos en soutenant le « travail » de Gérard Depardieu.