Au fil des siècles, le modèle familial traditionnel a été totalement renversé. L’image de la maman aux fourneaux et du papa actif, tant revendiquée dans les années 50, a bien évolué. Ces principes arriérés et stéréotypés s’effacent pour laisser place à une plus grande diversité. Après la famille recomposée ou encore LGBT, la coparentalité arrive timidement sur le devant de la scène. Le désir intense de donner la vie, de faire éclore une relation familiale bienveillante… ces projets de vie ne s’adressent pas uniquement aux couples éperdument amoureux. Aux antipodes de l’amour passionnel, les coparents partagent une seule et même envie : avoir un enfant. Explications.
Les origines de ce modèle familial convoité
Le terme « coparentalité » s’est d’abord inscrit au cœur du vocabulaire juridique dans le cadre de séparations ou de divorces. L’objectif était de permettre aux parents, même séparés, d’exercer leurs droits et de maintenir des liens réels avec leurs enfants. Mais ce mot crée la confusion puisqu’il est également repris par l’Association des Parents Gays et Lesbiens pour désigner la pluriparentalité. D’ailleurs, plusieurs sites tels que CoParents, Toos Parents ou encore CoparentaLys proposent une large palette de profils pour des rencontres sereines et sérieuses.
Au départ, ces sites mettaient en relation des couples de même sexe qui souhaitent avoir un enfant « ensemble ». Mais ce schéma a, lui aussi, bien changé. Cette alternative séduit de plus en plus. « Petite, gourmande, ambitieuse et drôle, recherche homme de 30 ans pour faire un bébé », des annonces comme celles-ci foisonnent sur le net. Et avec le confinement, les demandes sur ces sites dédiés ont explosé. Pendant cette période, il y a notamment eu une hausse du trafic de 30 à 50 % chez Modamily et PollenTree.
Un « partenariat parental platonique »
Rachel Hope, auteure de l’essai Family by Choice – Platonic Partnered Parenting, l’une des pionnières de la coparentalité, qualifie ce modèle de « partenariat parental platonique ». En effet, l’idée n’est pas de partager des sentiments puissants ou de se mettre en ménage. Il peut s’agir d’un couple homosexuel en quête d’un tiers pour avoir un enfant. Mais aussi d’un couple hétérosexuel stérile à la recherche d’une troisième personne pour concrétiser ce rêve d’être parents. Ou alors de deux inconnus célibataires qui font fusionner leur génétique pour assouvir leur désir d’enfant.
Pour Camille, 34 ans, la coparentalité se dessinait comme la meilleure option. Après avoir vécu onze ans avec le même homme, elle prend conscience que son horloge biologique tourne. Mais lorsqu’elle lance l’épineuse question : « Est-ce que tu te sens prêt ? » à son ex-compagnon, Camille se retrouve face à un mur. Après une rupture douloureuse, ce désir viscéral de devenir maman lui colle toujours à la peau : « Je sentais vraiment l’urgence et ma maman qui était infirmière m’a toujours rappelé que la fertilité diminuait avec l’âge ».
Une bouffée d’optimisme
Mais l’éducatrice de jeunes enfants perd espoir, plusieurs questions se percutent dans son esprit. « Comment est-ce que je vais pouvoir reconstruire une relation de confiance ? », « Quand est-ce que je vais trouver un homme prêt à devenir papa ? »… Puis, après plusieurs expériences infructueuses, elle découvre la coparentalité. Une véritable révolution pour la jeune femme : « Je me suis inscrite sur un site et j’ai aussi rejoint des groupes Facebook dédiés. Je cherchais principalement des couples d’hommes et puis mes recherches se sont élargies. Et, je suis tombée sur Jean* et c’était comme une évidence ». Une forme d’amitié tendre se tisse rapidement entre eux, mais ils ne veulent pas se précipiter. Pendant presque un an, ils enchaînent les échanges, les moments de complicité et les discussions sérieuses.
« On a commencé à faire des essais en février 2019, mais ça n’a pas fonctionné tout de suite. Peu de temps après, je suis tombée enceinte et j’ai accouché en mai 2020 ». Dans cette démarche altruiste, Jean* l’a accompagné à toutes les échographies et s’est montré très à l’écoute durant la grossesse. Ensemble, ils ont même poussé la coparentalité à l’extrême en décidant de vivre sous le même toit. Aujourd’hui Camille est une maman comblée. La trentenaire observe d’ailleurs que les conflits se font rares au sein du foyer. Un avantage de taille pour le bon équilibre de l’enfant.
La coparentalité explose au Canada
La coparentalité peut aussi influencer le développement personnel de l’enfant. En effet, en grandissant, il sera confronté au modèle familial classique. Il pourrait donc se poser des questions sur ses parents et la relation seulement « amicale » qu’ils entretiennent. Ainsi, un enfant résilient constatera la situation, sans plus, alors qu’un enfant plus sensible pourrait avoir besoin d’un peu d’accompagnement.
Pour l’heure, ce modèle familial se fait une place discrète en France. À l’inverse au Canada, il se démocratise. Sur le site CoParents.com, le nombre total de membres canadien·e·s aurait presque triplé en deux ans, passant de 933 à 2586 adhérents.
* Le prénom a été modifié, la personne préférant rester anonyme