L’école en pleine nature, une bonne idée pour les enfants ?

Dans quelques jours, la plupart des enfants glisseront leurs pieds sous leur pupitre tandis qu’une poignée de petits Robinson iront se cultiver à ciel ouvert. Même si au Canada ou au Danemark, l’école en pleine nature est un modèle d’apprentissage très plébiscité, en France il éclot timidement. Considérée, à tort, comme une pratique trop laxiste, l’école hors des murs est pourtant une belle fenêtre sur le monde. Il existe tout un tas de raisons de troquer sa chaise contre des rondins de bois et son stylo contre des branches d’arbres. Entre débrouillardise, éveil des sens et contemplation, l’école en pleine nature a-t-elle autant à offrir que les traditionnels manuels scolaires ? Éclairage sur cette salle de classe bercée par le bruit des feuilles et le chant des oiseaux.  

Une amélioration du bien-être à 360°

Ce n’est pas un secret : les enfants ont la bougeotte et vivent assez mal le fait de rester cloué.e.s sur une chaise pendant des heures. Être enfermé.e dans une salle de trente élèves est donc assez anxiogène pour elleux. C’est d’autant plus valable lorsque les bruits parasites tels que les cliquetis des stylos et les messes basses jaillissent de tous les côtés. À l’inverse, en faisant tomber les cloisons et en baignant dans un cadre naturellement paisible, les enfants se sentent plus détendu.e.s et confiant.e.s. En mêlant l’esprit « cour de récré », le caractère ludique des balades en forêt et la discipline des cours, l’école en pleine nature canalise automatiquement les enfants.

Les enfants regagnent cette liberté de mouvement qui leur est interdite dans les salles de classe. Les enseignant.e.s ne sont plus obligé.e.s de s’évertuer à supplier le calme ou de crier pour se faire entendre. En bref, chacun.e en ressort gagnant.e. L’école en pleine nature permet également de combler un déficit de verdure. Selon une enquête de 2016 de l’institut de veille sanitaire, quatre enfants sur dix ne jouent en effet jamais dehors pendant la semaine. Pourtant, toutes les études scientifiques l’attestent, les enfants qui gambadent dans cet Eden montrent une réduction de l’anxiété, une augmentation de l’attention et une meilleure mémoire.

Cette éducation buissonnière leur transmet également des valeurs précieuses comme la cohésion d’équipe, l’empathie et l’entraide. Au lieu de travailler individuellement sur leur cahier attitré, les enfants partagent leurs trouvailles, construisent des cabanes main dans la main et s’intéressent réellement à leur camarade. L’école en pleine nature construit les fondations de l’altruisme, denrée rare dans une société qui revendique toujours la rivalité.

Des capacités de concentration optimales

Contrairement à ce que l’on peut penser, les enfants ne seront pas plus distrait.e.s dans ce décor luxuriant. Si dans les salles de classe, iels divaguent au moindre petit mouvement extérieur et se complaisent à écrire des mots codés plutôt que d’écouter la leçon, dans la nature iels ont presque une auréole au-dessus de la tête. Paradoxalement, malgré l’agitation permanente de Mère Nature, les enfants parviennent à s’en détourner et à rester attentif.ve.s. Nul besoin de les rappeler à l’ordre quinze fois pour qu’iels s’attaquent enfin à leur exercice, iels s’y adonnent dans un silence olympien. Les environnements naturels offrent une toile de fond tranquille et apaisante qui favorise une concentration plus profonde et durable.

C’est aussi ce que confirme Erik Mygind, un universitaire danois qui a étudié le comportement de 1000 élèves dans 18 « forest schools ». Le constat relève presque de la magie. D’après ses analyses, l’école en pleine nature serait capable de recentrer les élèves dissipé.e.s ou hyperactif.ve.s. Qu’importe si un gland s’écrase sur le sol ou si un écureuil agite les branches, les enfants sont « imperturbables ». Pour cause, au sein de cet écrin, iels sont plus enthousiastes et « posé.e.s ».

Une motivation vraiment palpable

Le système éducatif actuel peut paraître assez rigide et soporifique aux yeux des enfants. Aller à l’école est donc plus une contrainte qu’un plaisir. Il n’est d’ailleurs pas rare que les enfants se la jouent « malade imaginaire » et collent le thermomètre sur le radiateur pour ne pas franchir ces fameuses grilles. D’ailleurs, selon les chiffres seulement 13 % des garçons français et 19 % des filles disent aimer l’école. À contrario, l’école en pleine nature est un équilibre alléchant entre découvertes ludiques et exploration sensorielle. Pour les enfants, ce modèle sonne plus divertissant.

Cueillir des pâquerettes, déjeuner autour d’un feu de camp ou faire l’équilibriste sur un tronc d’arbre est forcément plus vendeur qu’apprendre par coeur « La Cigale et la Fourmi ». Mais sous son aspect amusant, l’école en pleine nature crée un véritable goût du savoir. C’est un environnement plus ouvert et moins structuré que la salle de classe telle qu’on la connaît. Les enfants ne se contentent donc pas de sauter dans la gadoue ou de concevoir de jolis bouquets, iels expérimentent leurs connaissances du bout du doigt. Iels s’impliquent vraiment dans leur éducation et s’adonnent à l’auto-discipline. Iels deviennent maîtres de leur propre choix et voient les résultats tangibles de leurs efforts. C’est donc beaucoup plus parlant que de faire des angles droits avec une équerre.

Lutter contre la sédentarité

L’école en pleine nature est également une bonne option pour inciter les enfants à bouger sans que ça ne s’impose en corvée. Selon une étude d’Attitude Prévention, les Européens passent chaque jour en moyenne 7h26 en position assise. À l’école classique, le corps reste passif du matin au soir tandis qu’à l’école en pleine nature, il est quasi toujours en action. Les enfants y perfectionnent leur mobilité, leur agilité et leur résistance musculaire. Que ce soit en se baissant pour observer un escargot, en s’étirant pour attraper une branche ou en grimpant aux arbres, iels apprennent à se situer dans leur espace. Ce vaste terrain d’aventures leur permet de se défouler tout en prenant conscience de leurs gestes.

L’école en pleine nature combine souvent des activités physiques avec des opportunités d’apprentissage. Par exemple, lorsqu’ils étudient les écosystèmes locaux ou la géologie en plein air, les enfants sont non seulement actif.ve.s physiquement, mais ils intègrent également des connaissances académiques de manière pratique. Une approche multidimensionnelle qui stimule le corps dans son intégralité. Qu’il s’agisse de mieux mesurer sa force ou de développer sa souplesse, l’école en pleine nature dérouille les  bambins intelligemment.

Un apprentissage actif et concret

Au lieu d’être spectateur.ice de leur éducation, les enfants en sont les protagonistes. L’apprentissage n’est plus abstrait. Il devient bel et bien palpable. L’école en pleine nature mobilise tous leurs sens. L’ouïe par le bourdonnement d’une abeille, le touché par la cueillette d’une fleur, l’odorat par le parfum de la sève et la vue par toutes les merveilles alentour. C’est une lecture du monde plus réaliste et concrète.

Iels se font une idée très personnelle de cet écosystème à la fois imposant et fragile. Aucun manuel ne leur dicte ce qu’iels doivent en retenir, iels les interprètent à leur manière, selon leur sensibilité. Que ce soit en étudiant la faune et la flore locales, en observant les cycles de la nature ou en participant à des activités pratiques comme la collecte d’échantillons, les enfants développent une compréhension profonde et utile des concepts abordés en classe. Cette autonomie les habitue à trouver des réponses par elleux-mêmes.

L’école en pleine nature, un modèle en vogue

Si l’école en pleine nature a pris racine dans les pays scandinaves, elle fait son bout de chemin dans l’Hexagone. Avec la parentalité positive en filigrane, cette éducation extra-muros convainc de plus en plus. La France compte d’ailleurs 40 « Forest Schools » sur son territoire. Mais malgré un intérêt plus vif, les préjugés persistent.

Beaucoup estiment que le modèle est trop anarchique et pas assez ferme pour les enfants. C’est pourquoi certaines villes amorcent cette mise au vert de façon plus subtile avec la création de potagers au sein de la cour de récré. En 2021, au lendemain des confinements, le ministère de l’Éducation vantait également les mérites des « cours en extérieur » et conviait les instits à prendre ce tournant.

Si l’école en pleine nature a déjà fait ses preuves au Danemark, elle cherche encore son public en France. Une lente percée qui s’explique surtout par une vision très étroite et limitée de la scolarité.

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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