Il était une fois, les enfants rois. Ces tyrans en culotte courte, qui trônent depuis leur chaise haute, dictent la loi du foyer dans les moindres détails. Les parents, eux, deviennent de simples valets de service, enclins à chaque petit caprice. Les enfants rois, impitoyables et autoritaires, excellent dans l’abus de pouvoir. Sa majesté adepte de la « boude » négocie les décisions, grille la politesse aux adultes et piétine les « bonnes manières ».
Cependant, derrière cet apparat de monarque « assisté », l’enfant roi cache un profond mal-être, loin des dorures versaillaises. Avant que les parents ne tirent leur révérence, voici quelques signes qui indiquent la présence d’une couronne invisible. À l’aube de l’Épiphanie, les enfants rois sont démasqué.e.s.
1 – Opposition permanente et désobéissance
L’enfant roi n’en fait qu’à sa tête. Qu’importe les règles imposées à l’école, à la maison ou au parc, ce « despote » de « bac à sable » trouvera toujours un stratagème bien rodé pour les enfreindre. Rebelle, l’enfant roi a un aplomb déconcertant. Iel défie avec un air dédaigneux les fameux « à trois, je vais me fâcher » et tire la langue au « regarde-moi quand je te parle » de façon totalement assumée.
L’enfant roi challenge la patience de ses parents avec des confrontations effrontées qui insinuent clairement « c’est tout ce que tu as dans le ventre ? ». Avec un.e enfant roi sous le toit, les barrières du respect explosent. Pour les parents, le quotidien ressemble à un bizutage sans fin. Les punitions, les interdictions d’écran et la menace du « copié de lignes » n’y changent rien.
L’enfant roi est complètement hermétique à l’autorité de ses aîné.e.s. Pour parvenir à ses objectifs, il n’hésite d’ailleurs pas à employer les grands moyens, quitte à se faire du mal. La violence est son arme de défense suprême. Il n’est donc pas rare de le voir se taper le crâne contre un mur ou brutaliser ses parents à coup de Legos.
2 – Des caprices à répétition
Si les enfants ont souvent tendance à piquer une crise devant un jouet en magasin ou sur le parking de l’école, la colère s’estompe généralement en quelques minutes. Chez les enfants rois, ces caprices de « tous les jours » peuvent prendre des proportions hors normes. Ces minipouces avec des cornes détestent les frustrations.
Si l’enfant roi a décidé de souper avec « Baby Shark » en fond ou de sortir dehors en t-shirt par 0°C, iel le fera coûte que coûte. Ces petites têtes brûlées peuvent entamer une grève de la faim ou user du mot fugue simplement pour qu’on leur donne raison. Les enfants rois, qui peinent à voir plus loin que leur nombril, ont une rage quasi viscérale lorsqu’on les prive de leur plaisir. Iels considèrent leurs semblables comme des sujets, prêts à s’exécuter au premier claquement doigt.
3 – Un chantage abusif
« Si tu ne m’achètes pas la Nintendo Switch, je me jetterai par la fenêtre », « si vous allez au cinéma sans moi, je ferai la misère à la nounou »… Les enfants rois dégainent sans cesse le joker du « chantage affectif », une tactique de manipulation qui tire sur la corde sentimentale.
Cette attitude vicieuse a une force de résonance énorme chez les parents, alors poussés au sacrifice pour conserver l’affection de leur enfant. Ce n’est plus « le Diable s’habille en Prada », mais « le Diable s’habille en body licorne ». Que ce soit pour avoir une deuxième mousse au chocolat ou monter une énième fois sur ce fichu carrousel, l’enfant roi intimide avec des phrases « chocs ».
4 – Des rapports sociaux tendus
Au-delà du cocon familial, l’enfant roi trouve aussi un écho de son règne dans la cour de récré. La marelle, les cerceaux, le terrain de foot et le toboggan semblent faire partie de son patrimoine, ce qui a le don d’agacer ses petits camarades. L’enfant roi est plutôt mal-aimé des autres enfants, car trop « borderline » et pas assez coopératif.ve. Mais ça ne l’empêche pas de prendre ses comparses pour des larbins ou des « anti-sèches » lors d’un contrôle.
Ce chef « auto-proclamé » a d’ailleurs tendance à rabaisser les autres pour se mettre sur un piédestal. Avec son égo surdimensionné, l’enfant roi est l’antithèse même de l’empathie. Cependant, la rengaine lancinante du « moi je » porte préjudice à toutes ses relations extérieures. En traitant ses pairs comme de misérables laquets, l’enfant roi gagne en estime. Et c’est justement cette denrée qui le nourrit.
5 – Une fâcheuse tendance à couper la parole
Pendant les repas de famille, l’enfant roi se complait à couper les touchants discours de mamie uniquement pour qu’on lui remette un peu de Fanta dans son verre. L’enfant roi grille cette politesse volontairement. Qu’importe qui parle, que ce soit le Président de la République, la maîtresse ou tante Jacquie, l’enfant roi prend de haut cette règle de savoir-vivre ultime.
C’est une manière pour lui d’accrocher les regards et d’attirer l’attention. L’enfant roi a un talent inné dans l’art de la provocation. Malgré une éducation exemplaire, il manifeste une fois de plus son statut d’insoumis.
Qu’est-ce qui justifie un comportement si excessif ?
Contrairement à ce que l’on peut penser, l’enfant roi n’est pas l’héritage d’un laxisme ou d’un manque d’attention. Derrière cette caricature de surpuissance se cache en fait un trop-plein d’amour et une certaine surprotection. Selon les psychologues, les enfants rois sont des enfants qui ont longtemps été maintenu.e.s dans un cercle de plaisir, pour éviter qu’iels ne souffrent.
Résultat : iels prennent goût à ce mode de vie fastueux et pensent que c’est la « norme ». Les parents, en prémâchant les tâches de leur enfant ou en cédant à chacun de leur désir par « bonne conscience », enlèvent ce précieux cadre. L’enfant roi, sous son allure napoléonienne, porte donc en réalité le lourd tribut de « victime ». Iel ne prend pas le pouvoir par machiavélisme, mais par habitude.
« Si les parents ne mettent pas de limites, le principe de plaisir continuera de prévaloir sur celui de la réalité. Il dérivera alors lentement dans sa propre réalité, ce qui amène à une psychose infantile », explique Aline Frossard, psychologue clinicienne au média Le Point
Comment réagir avec un.e enfant roi ?
Pour que l’enfant roi retrouve son grade de bambin innocent, les parents doivent d’abord apprendre à se réapproprier ce titre d’autorité. Le processus est long et tortueux, mais pas impossible. En premier lieu, il convient de reconnaître le mal-être qui plane au-dessus de l’enfant et d’en discuter avec lui/elle pour qu’iel extériorise.
Ensuite vient une phase plus complexe : avoir foi en ses propres règles et les appliquer avec fermeté. Certes, après une journée de travail dans les jambes, les parents ont rarement le cœur à la bataille. Cependant, un cadre structuré fait tout l’équilibre familial. Nul besoin d’en arriver au rythme militaire pour retrouver une harmonie, simplement de faire valoir sa rigueur parentale.
Les deux parents doivent également garder une même ligne de conduite au risque de créer la confusion chez les « do » et « don’t » de l’enfant et de décrédibiliser cette fameuse autorité. Il est aussi important de ne pas « surréagir », l’enfant pourrait se braquer et avoir une rancune encore plus forte.
Enfin dernière règle d’or : reprendre confiance en sa parentalité. Les parents ont toujours cette culpabilité qui reste dans leur jupon. Cette situation involontaire n’a rien de dramatique. C’est d’ailleurs un excellent coup de fouet pour repartir sur de meilleures bases. Les parents peuvent également se faire accompagner en entamant une thérapie collective, en famille.
Le sacre de l’enfant roi s’arrête lorsque les parents reprennent les pleins pouvoirs. Ce concept assez récent est aussi le doux revers d’une société consumériste. À l’âge de 12 ans, les enfants ont déjà vu 100 000 spots publicitaires, faisant tous l’apologie de la « folie des grandeurs ». C’est donc aussi sur le canapé que l’enfant roi sculpte son trône.